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Pour résister à la Covid, le chemin de croix des Belges n’est pas fini (analyse)

Olivier Mouton Journaliste

A l’issue du Comité de concertation, le statu quo était attendu, mais les lueurs d’espoir ne sont pas là, par crainte d’une troisième vague. Politiquement, cet appel à l’unité annonce un début d’année 2021 épique, encore et toujours. En attendant que la vaccination fasse son effet.

De la stabilité. Mais imprégnée d’une inquiétude perceptible. Le Comité de concertation a décidé de maintenir globalement en l’état les mesures de restriction pour lutter contre la crise sanitaire. La continuité et une vision à plus long terme, avec des objectifs pour motiver, donner des signaux d’espoir ou menacer, le cas échéant: c’est la marque de fabrique du gouvernement De Croo. La prudence est, aussi, celle du ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke, désireux à tout prix de ne pas rééditer les erreurs qui ont donné naissance à une deuxième vague plus forte que la première. Apprendre de ses erreurs face à ce virus méconnu. Avec un ton quelque peu paternaliste: « Nous avons déjà parcouru du chemin ensemble’ et ‘Nous, nous pouvons éviter la troisième vague ».

Psychologiquement, un tel statu quo est a priori positif, du moins dans la mesure où les Belges savent à quoi s’attendre. « Cela permet aux gens de s’adapter davantage », nous disait cette semaine Olivier Luminet, psychologue de la santé de l’UCLouvain. « Ces mesures créent davantage de stabilité. » Les Belges s’étaient d’ailleurs résignés, dans une large majorité, à l’idée de passer les fêtes en petit comité, pour protéger les aînés, les plus fragiles…

Mais ils doivent savoir que leur chemin de croix s’annonce long, encore, malgré le vaccin qui arrive.

Renforcer l’unité en sanctionnant ceux qui dérapent

Les espoirs d’assouplissement – léger élargissement de la bulle sociale pour Noël ou réouverture des métiers de contact – ont été éteints et ce n’est, à vrai dire, pas une bonne nouvelle. Le Premier ministre avait sifflé la fin de la récréation après le bras de fer politique consécutif au Comité de concertation, fin novembre. Mais ce sont surtout deux éléments majeurs qui ont contribué à oublier toute évolution favorable: l’évolution préoccupante des chiffres – qui repartent à la hausse dans certaines provinces – et les mesures de durcissement prises dans les pays voisins, Pays-Bas en tête, qui risqueraient de déferler chez nous. Les chiffres, surtout: le niveau des contaminations a diminué, fortement, mais reste plus élevé que lorsque le confinement a été décidé lors de la première vague – et ils ne baissent plus assez.

Les quelques aménagements proposés par le gouvernement De Croo visent d’ailleurs à donner davantage de corps encore à cette image d’une « équipe de onze millions de Belges ». Pour reprendre la métaphore du football, on donne une carte jaune ou rouge aux joueurs qui nuisent au beau jeu. En sanctionnant ceux qui ne respectent pas les mesures chez nous, avec ce durcissement des sanctions à l’égard des organisateurs et participants des ‘lockdown parties’. En contrôlant et en sanctionnant les entreprises qui ne mettent pas le télétravail en place, quand il est possible. En décourageant fortement les voyages et en renforçant les contrôles aux frontières, avec un test pour rentrer dans notre pays: comme le disait Alexander De Croo dans le courant de la semaine, les Néerlandais sont de bons voisins mais, dans le contexte actuel, être prudent et ne plus se voir est un gage de solidarité.

Ah, et le ski sera découragé: notre pays n’est pas une place forte dans ce domaine, mais les Fagnes pleurent. Après avoir autorisé le kayak lors de la première vague, suscitant la risée, le gouvernement De Croo a voulu éviter tout errement de ce côté-là.

Des durcissement ne sont pas exclus

Ne soyons toutefois pas dupes: l’équilibre reste fragile face à la nouvelle reprise de l’épidémie et nos déplacements, encore trop nombreux, ne contribuent pas à une issue favorable. Derrière les bonnes volontés, il y a un relâchement, imperceptible. Et un durcissement n’est pas exclure pour la rentrée de janvier, on songe à une refermeture toujours possible, quoi qu’on en dise, des écoles et aux commerces non-essentiels.

Les deux semaines de vacances pourraient ‘apaiser’ l’épidémie avec les écoles fermées et l’activité économique moins dense. Les libéraux francophones ne désarment pas et réclament à nouveau une évaluation toutes les trois semaines en profitant de ‘chaque fenêtre de tir’ pour donner des signaux, si possibles, pour ouvrir un peu le jeu. Mais on en est loin, à vrai dire, et les métiers de contact, notamment, devront ronger leur frein.

Tenir! Ce leitmotiv, nous avons l’impression de l’adopter depuis le mois de mars et cela commence à être long, très long. Psychologiquement et économiquement, c’est un tunnel sans fin, a fortiori pour ceux qui en souffrent dans leur chair, dans leur portefeuille ou au plus profond de leur âme. Le message d’unité lancé par les autorités pour les fêtes nourrit en chacun des Belges une forme de rage du désespoir, comme s’il s’agissait d’un nécessaire dernier coup de rein dans l’ascension d’une montagne. Des lueurs d’espoir seront nécessaires.

2021 sera une autre année épique

La vaccination en est un, incontestablement, mais il s’agira là aussi de gérer cela sur le plan politique de façon plus « professionnelle » que les masques ou les tests – le dispositif n’étant toujours pas satisfaisant à ce niveau. Là aussi, il s’agira de susciter l’adhésion, de convaincre une majorité à suivre le mouvement. Et, aussi, d’expliquer que 2021 sera une année de transition, que les festivals d’été ne seront peut-être pas ceux d’hier, que les vacances resteront incertaines, que nos relations resterons distantes. « A moyen terme, il faudra encore faire beaucoup de pédagogie et d’explication », soulignait en cours de soirée l’épidémiologiste Yves Coppieters. En parallèle, on devra se pencher prioritairement sur la stratégie de relance et sur l’accompagnement psychologique de la population.

2021, que l’on ne s’y trompe pas, sera encore épique et, politiquement, délicate face aux nombreux défis qui nous attendent.

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