Carte blanche
Pour ne pas en finir avec les gilets jaunes
La colère des Gilets Jaunes doit être entendue et ne pas être refoulée. Nous ne pouvons rester condescendants et enterrer cette légitime révolte.
Les gouvernances démocratiques européennes sont à bout de souffle, il y a des problèmes majeurs qui ne vont pas s’améliorer sans la participation de la société civile.
La loi du marché et l’austérité ne font pas bon ménage. La compétitivité, la mondialisation, la dérégulation avec la diminution de la capacité à financer les services publics, la restriction d’accès aux allocations de chômage, la multiplication des contrats courts et temporaires, la crise du logement et tous les écueils d’un capitalisme sauvage ont conduit à une asphyxie d’une partie de la population belges, nos concitoyens. En Belgique, c’est 15,9 % de la population générale qui vivent sous le seuil minimum et 6,5 % de ménages qui n’ont pas accès à un logement social.
Dans le rapport de force entre le discours politique et celui des Gilets Jaunes, un profond fossé les sépare. Nous avons d’une part des hommes et des femmes démunis qui n’ont pas l’habitude de s’exprimer et mettre en forme leurs revendications et d’autre part des leaders d’opinion qui soit concentrent leurs discours sur la violence des acteurs sociaux soit rangent hâtivement le mouvement de protestations populaires dans la catégorie du populisme soit jugent ces personnes dépourvues de conscience politique.
Tant qu’il n’y aura pas un véritable dialogue, les Gilets Jaunes seront contre tous et tout : la petite élite de technocrates au pouvoir, les économistes, les journalistes, les experts et les scientifiques, le pacte sur la migration, la transition écologique, le monde politique en général et l’Europe. Cette médiation ne peut se faire non plus avec des officiels de la représentation et de la communication ainsi tout autre corps intermédiaire institutionnel. C’est donc à nous citoyens de les aider et de ne pas rester spectateurs tout à la fois fascinés et scandalisés par une violence naturelle, parce que dans un silence complice, ne pas être entendu pousse à une expression physique de l’indignation.
Dans une société éclatée et compartimentée, individualiste et inégalitaire, les violences systémiques et les forces destructrices qui en dérivent travaillent dans l’ombre et tracent insidieusement leur chemin dans les esprits. Le Gilet Jaune, lui, est reconnaissable par son attribut vestimentaire que nous mettons lorsque nous sommes en détresse au bord d’une route. Si nous les voyons, quelques milliers dans les rues, ce sont des centaines de milliers qui les exhortent car ils sont l’émanation légitime d’une injustice que nous ressentons, que nous réprouvons.
Dans le siècle qui continue à s’ouvrir devant nous, nous nous trouvons devant des défis majeurs. Il ne s’agit plus de laisser faire, mais de mener des actions collectives convergentes et pour être à la hauteur, il faut pouvoir sauter les lignes d’un modèle désormais mortifère. Pour cela, nous devons penser et travailler hors des champs institutionnels habituels et répondre à la demande aujourd’hui criante de l’inclusion citoyenne dans le processus décisionnel .
Docteur Renaud Fiévet, anesthésiste ISPPC, Co-constructeur e-Change, membre de la plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés et membre d’un groupe de réflexion français de gilets jaunes « La France Résonne ».
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