élections affrontements
Elio Di Rupo (PS) et Sophie Wilmès (MR), deux anciens Premiers ministres qui se croisent aux élections européennes. © BELGA IMAGE

Wilmès-Di Rupo, Magnette-Bouchez-Nollet… Ces petits affrontements qui font le sel des élections

Benjamin Hermann
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Les élections européennes, fédérale et régionales du 9 juin donnent lieu à quelques batailles entre personnalités politiques d’envergure. Mais en termes de scores personnels, toutes ne partent pas avec les mêmes chances.

C’est une des caractéristiques du système électoral belge. Les électeurs peuvent exprimer leur choix de deux manières: soit en votant en case de tête, donc en approuvant l’ordre des candidats établi par le parti, soit en exprimant un ou plusieurs votes nominatifs à l’intérieur d’une liste. On soutient une liste, un parti, un projet, ou on accorde son suffrage à des personnes. Il existe 36 raisons de privilégier l’une ou l’autre option lors des élections. Mais ce fonctionnement suscite de facto quelques affrontements et un intérêt pour les résultats individuels.

Les scores personnels et autres taux de pénétration (la proportion d’électeurs ayant voté pour un candidat dans sa circonscription) font l’objet de classements, sans toujours être mis en perspective. C’est qu’en réalité, tous les candidats ne bénéficient pas des mêmes chances.

Bien entendu, un candidat profite ou pâtit de l’état de forme de son parti. Le nombre de listes qui se présentent dans une circonscription peut aussi influencer les résultats personnels. Surtout, les comportements des électeurs varient selon leur obédience. Historiquement, il est bien connu que les électeurs chrétiens-démocrates ont plus tendance que les autres à exprimer des votes nominatifs. A l’inverse, les électeurs écologistes votent davantage en case de tête. En fonction du parti auxquels ils appartiennent, les candidats auront donc plus ou moins de chances d’obtenir de bons scores personnels.

1,52

vote nominatif par électeur au CDH lor du dernier scrutin. Plus que tous les autres partis.

Aux élections de 2019, un peu moins d’un électeur sur deux votait en case de tête en Belgique. Cependant, ils étaient presque six sur dix parmi ceux d’Ecolo et du PTB, mais entre 35% et 40% au PS et au CDH, pour lequel il sera intéressant d’observer si les électeurs des Engagés adoptent une attitude similaire. Toutes élections confondues, c’était le CDH qui engrangeait le plus de votes nominatifs (1,52 par électeur en moyenne). C’était plus que pour le PS (1,51), le MR (1,28), le PTB (1,12), DéFI (1,11) et Ecolo (1,08).

A l’intérieur des partis, d’importantes différences ont pu apparaître d’une circonscription à l’autre et d’une élection à l’autre. Ainsi, Ecolo a obtenu bien plus de votes nominatifs à l’Europe qu’aux autres niveaux de pouvoir. Et DéFI a engrangé d’importants scores personnels à la Région bruxelloise, mais beaucoup moins ailleurs.

Ces précautions étant posées, il va de soi qu’au soir des élections, les voix de préférence pèseront aussi sur les rapports de force internes et externes. Et la présence de plusieurs personnalités de premier plan sur certains bulletins suscitera nécessairement de l’intérêt.

La présence sur les listes francophones de deux ex-Premiers confère aux européennes un attrait particulier.

La bataille du Hainaut

Parmi les «matchs dans le match», celui qui se joue dans le Hainaut aux élections fédérales est le plus retentissant. C’est là que s’affrontent le président du PS, Paul Magnette, celui du MR, Georges-Louis Bouchez, et le coprésident d’Ecolo, Jean-Marc Nollet. Ces trois-là sont partenaires au fédéral, à la Région wallonne et à la Fédération Wallonie-Bruxelles.

En 2019, le PS récoltait 34,24% des suffrages dans la province, contre 15,95% au MR et 12,30% à Ecolo. Georges-Louis Bouchez figurait en quatrième position sur une liste MR emmenée, à l’époque, par Denis Ducarme. Le Montois récoltait alors 16.522 voix de préférence. Il y a fort à parier que ce chiffre soit, cette fois, nettement revu à la hausse.

Du côté d’Ecolo, Jean-Marc Nollet occupait déjà la tête de liste, engrangeant 16.676 voix de préférence. Au PS, c’était Elio Di Rupo (125.009 voix de préférence) qui emmenait la liste. Paul Magnette, lui, était candidat aux élections européennes. Son score personnel dans la seule province de Hainaut s’élevait à 120.019 voix.

Autrefois ministre MR, Jean-Luc Crucke emmènera la liste des Engagés, tandis que Sofie Merckx, cheffe de groupe à la Chambre, est tête de liste PTB.

Le duel des ex-Premiers

Le scrutin européen n’est habituellement pas celui qui suscite le plus d’intérêt. Cette fois, cependant, la présence sur les bulletins des francophones de deux anciens Premiers ministres, potentiellement en mesure d’engranger un grand nombre de voix, confère à l’élection un attrait particulier.

Elio Di Rupo, ministre-président wallon sortant et Premier ministre de 2011 à 2014, est de coutume un important pourvoyeur de voix. Il reste à savoir s’il pourra conserver ce statut, lui qui se trouve plutôt en fin de carrière politique et peut incarner une certaine usure du pouvoir.

Sophie Wilmès, Première ministre d’octobre 2019 à octobre 2020, n’a pas encore eu l’occasion d’être gratifiée de tant de voix. Deuxième sur la liste fédérale emmenée à Bruxelles par Didier Reynders il y a cinq ans, elle a été désignée au 16 rue de la Loi à la suite du départ de Charles Michel. C’est encore après la défection de celui-ci qu’elle a été désignée tête de liste à l’Europe. La libérale figure toutefois parmi les personnalités les plus citées (du côté francophone uniquement) à l’occasion des différents sondages lorsqu’il s’agit de désigner celles amenées à jouer un rôle de premier plan. Elle obtiendra vraisemblablement un score personnel élevé.

élections affrontements
David Leisterh (MR), Ahmed Laaouej (PS) et Zakia Khattabi (Ecolo), tous trois candidats au poste de ministre-président(e) de la Région bruxelloise dans le cadre des élections.

Trois candidats pour un poste

De tous les niveaux de pouvoir, la Région bruxelloise fait l’objet des plus grandes incertitudes. Le dernier scrutin régional voyait le PS puis Ecolo arriver en tête, devant le MR, DéFI, le PTB et le CDH. Mais cet ordre pourrait être chamboulé le 9 juin. Du moins, les derniers sondages sur les intentions de vote dépeignent un MR et un PTB en grande forme, pendant que les partis de la majorité régionale (PS, Ecolo, DéFI) semblent être sanctionnés.

Toujours est-il qu’un nouveau visage occupera la ministre-présidence à l’avenir. Les libéraux, emmenés par David Leisterh, pourraient tenir le bon bout. Mais deux autres têtes de liste convoitent le poste: Ahmed Laaouej (PS) et Zakia Khattabi (Ecolo).

Les ambitions internes

Ces batailles électorales interpersonnelles ne surviennent pas seulement entre candidats de partis différents. On peut en effet trouver un certain intérêt à observer les performances des uns et des autres à l’intérieur d’une liste.

Ainsi en est-il, par exemple, de la liste MR en Région bruxelloise, dont la tête est occupée par David Leisterh et la deuxième place par Hadja Lahbib. Cette dernière ne s’est jamais confrontée aux élections, mais il n’est pas inconcevable qu’elle engrange autant de voix que lui.

En Brabant wallon, la liste fédérale est emmenée par Florence Reuter, députée et bourgmestre de Waterloo. Le secrétaire d’Etat Mathieu Michel, qui convoitait le leadership, a hérité de la deuxième position.

D’autres se présentent à des niveaux de pouvoir différents, mais ne manqueront pas de comparer leurs résultats personnels. En province de Hainaut, par exemple, qui de Georges-Louis Bouchez (au fédéral) ou de Sophie Wilmès (à l’Europe) récoltera le plus de voix? La même question se pose pour Paul Magnette (au fédéral) et Elio Di Rupo (à l’Europe).

En 2010, la liste fédérale PS avait vu s’affronter, en province de Liège, Alain Mathot en tête et Michel Daerden en dernière place. Le second avait supplanté le premier, ce qui avait donné lieu à une phrase devenue célèbre: «Alain a voulu jouer, il a perdu!»

Aujourd’hui, trois listes de cette même circonscription liégeoise sont poussées par des ténors, dont il sera intéressant d’observer le score personnel en comparaison avec leur tête de liste. Ces trois binômes sont formés par Daniel Bacquelaine et Pierre-Yves Jeholet au MR, Willy Demeyer et Frédéric Daerden au PS, Jean-Michel Javaux et Sarah Schlitz chez Ecolo.

Trois listes liégeoises sont poussées par des ténors, dont il sera intéressant d’observer le score comparé à leur tête de liste.

La guerre des gauches

Le PTB étant promis à une ascension, cela entraînera quelques duels avec des candidats du PS. C’est particulièrement le cas aux élections fédérales en province de Liège, où le président du PTB, Raoul Hedebouw, se trouve face à Frédéric Daerden (PS). En 2019, le premier avait récolté presque 50.000 voix de préférence, alors que le second en engrangeait quasi 55.000.

En province de Hainaut, Sofie Merckx et Paul Magnette occupent leur tête de liste. Dans la circonscription bruxelloise, il s’agit de Nabil Boukili et Caroline Désir.

Aux élections régionales bruxelloises, on relèvera encore que ce sont Françoise De Smedt et Ahmed Laaouej qui mènent ce combat. En Wallonie, le duel le plus éclatant oppose Germain Mugemangango et Thomas Dermine dans la circonscription de Charleroi-Thuin.

Trois vice-Premiers à Namur

La province de Namur est bien représentée au gouvernement fédéral sortant. Cela transparaît sur le bulletin de vote fédéral dans de cette circonscription, où figurent trois vice-Premiers ministres parmi les têtes de liste: David Clarinval (MR), Pierre-Yves Dermagne (PS) et Georges Gilkinet (Ecolo). Il y a cinq ans, le libéral récoltait 18.209 voix de préférence, pendant que l’écologiste en recueillait 11.481. Le socialiste, lui, se présentait au scrutin régional (8.544 voix), tandis que la liste fédérale était emmenée par Eliane Tillieux (21.514 voix).

Du côté des Engagés, c’est le président du parti, Maxime Prévot, qui tire la liste dans cette circonscription.

Affrontements de «concullègues»

Certains candidats ont été collègues de gouvernement, mais sont désormais concurrents au sein de leur circonscription électorale. Ils sont «concullègues», un mot-valise qui sied à leur situation. C’est le cas des trois vice-Premiers au fédéral en province de Namur, mais aussi des ministres communautaires Valérie Glatigny (MR) et Caroline Désir (PS) à Bruxelles, Pierre-Yves Jeholet (MR) et Frédéric Daerden (PS) à Liège, sans oublier les ministre wallonnes Céline Tellier (Ecolo) et Valérie De Bue (MR) aux élections régionales dans le Brabant wallon.

Autant de candidats qui, à l’instar des footballeurs, parleront du collectif au terme du match, mais jetteront aussitôt un œil sur leurs statistiques personnelles.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire