Wallonie: pourquoi les logements sociaux s’amassent dans les communes PS (analyse)

Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif
Thomas Bernard Journaliste et éditeur multimédia au Vif

En Région wallonne, les communes doivent tendre vers 10% de logements sociaux sur leur territoire. Un seuil difficile à atteindre dans la pratique : sur les 253 entités, seules 23 y parviennent. Les bonnes élèves sont en grand majorité dirigées par le PS, les mauvaises élèves par le MR. Une question de choix, selon le ministre du Logement Christophe Collignon (PS): « Là où il y a des majorités progressistes, on crée plus de logements sociaux ».

Depuis 2009, les 262 communes de Wallonie sont censées accueillir 10% de logements sociaux sur leur territoire. Quinze ans plus tard, aucune administration régionale n’a pris la peine de distribuer les bons et les mauvais points. La tâche serait ardue, les données étant éparpillées entre des organismes parfois opaques, et certaines communes ne voulant pas livrer des chiffres qui montreraient leurs carences en la matière. Surmontant ces obstacles, Le Vif a croisé les données des protagonistes pour cartographier le nombre de logements sociaux par commune au sud du pays. Un calcul au plus proche de la réalité de terrain mais toujours incomplet, face au manque de collaboration de certaines entités.

En Wallonie, les logements sociaux sont gérés et détenus par plusieurs acteurs : la Société wallonne du Logement (SWL), qui regroupe les 64 sociétés de logement de service public (SLSP), les agences immobilières sociales (AIS), le Fonds du logement des familles nombreuses, les CPAS et les communes elles-mêmes.

Logements sociaux en Wallonie: à peine 23 communes respectent le seuil

Que disent les chiffres ? Rien de réjouissant pour les 253 communes analysées (la compétence a été confiée à la Communauté germanophone pour les 9 communes restantes). Seules 23 entités atteignent le seuil de 10% de logements sociaux sur leur territoire.

Farciennes (21%), Seraing (20%) et Chapelle-lez-Herlaimont (20%) composent le trio de tête. « Quand je suis devenu bourgmestre de Farciennes en 2006, le parc immobilier comptait un tiers de logements sociaux, se souvient le bourgmestre Hugues Bayet (PS) ». C’est au sein de l’entité carolo que se dressait Roton, le dernier site de charbonnage wallon, qui a fermé ses portes en 1984. « On a hérité des nombreux logements d’ouvriers de l’époque, pour lesquels on recevait beaucoup de subsides régionaux », continue le socialiste. Depuis qu’il a repris les rênes farciennoises, le nombre de logements sociaux a diminué. « Plutôt que de laisser des ménages les louer toute leur vie, nous leur permettons de devenir propriétaires en contractant des prêts. Cela leur permet de sortir de la logique d’assistanat, et de notre côté de réinvestir cet argent dans la construction de nouveaux logements sociaux ».

« Créer des logements publics est plus compliqué pour les communes rurales »

Le ministre du Logement Christophe Collignon (PS)

L’influence historique des sites industriels sur les logements sociaux

Christophe Collignon
Christophe Collignon © belga

Le ministre du Logement Christophe Collignon (PS) confirme que les communes qui scorent le mieux se trouvent sur les anciens bassins industriels. « Créer des logements publics est plus compliqué pour les communes rurales. Ce sont des endroits plus éloignés des transports publics et des écoles, où les loyers sont plus élevés ». Le socialiste estime qu’il ne faut pas construire de logements sociaux à tout prix dans les campagnes, pour éviter un étalement urbain trop important.

Dans le Hainaut, près d’1 commune sur 5 est dans les clous des 10% de logements sociaux sur son territoire. Liège suit d’un peu plus loin (les voyants sont au vert pour 12% des entités), avant le Luxembourg (2% des communes en ordre). Quant à Namur et au Brabant wallon, aucune des communes présentes sur les deux provinces ne parvient au seuil.

Charleroi, Mons, Liège… Un coup d’oeil sur la carte suffit pour comprendre que les logements sociaux se concentrent dans des bastions historiquement socialistes. « Créer des logements reste avant tout une question de choix, plus souvent pris par des majorités progressistes, juge Christophe Collignon. Et les bourgmestres savent que les logements publics attirent une population plus en difficulté sur leur commune ».

Que montre l’analyse politique des chiffres ? 22% des communes wallonnes où un.e bourgmestre socialiste gouverne parviennent à l’objectif fixé par l’exécutif régional. A l’inverse, c’est 5% seulement des entités gérées par les Engagés, et 2% de celles sous la bannière du MR. Ecolo n’est au pouvoir que dans cinq communes du sud du pays, mais aucune n’atteint la barre des 10% de logements sociaux sur son territoire.

« C’est la croix et la bannière pour obtenir des subsides de la Région wallonne ».

Etienne Cartuyvels (MR), maïeur de Faimes

« Les subsides régionaux manquent, on fait comme on peut »

Pour l’énorme majorité des communes wallonnes, atteindre une part de 10% de logements sociaux sur leur territoire reste illusoire. C’est le cas de Faimes, petite commune rurale en province liégeoise qui truste les dernières places du classement. L’entité de 4.200 habitants compte entre 20 et 25 logements sociaux sur son sol. « Nous mettons ces bâtiments en location, mais personne n’en veut, s’insurge le maïeur Etienne Cartuyvels (MR). C’est la croix et la bannière pour obtenir des subsides de la Région wallonne ».

10% de logements sociaux, « une philosophie » mais pas de sanctions en Wallonie

Les communes qui ne sont pas dans les clous ne sont pas toujours inquiètes. En effet, aucune sanction ne s’applique en cas d’un nombre insuffisant de logements sociaux. « C’est surtout une philosophie, un chiffre vers lequel tendre, se défend le ministre wallon du Logement. On encourage les communes à faire des efforts en la matière, et à davantage collaborer entre elles pour se répartir la charge ».

Depuis le début de la législature, plus de 4.000 nouveaux logements publics sont sortis de terre en Wallonie. Côté rénovation, 20.000 logements publics ont reçu un coup de frais. Tout en présentant son bilan, Christophe Collignon liste les points d’amélioration. « Il faut accélérer les procédures. Quand on crée un nouveau logement, 6 à 7 ans sont nécessaires avant que des personnes puissent s’y installer ». L’élu socialiste estime que 40.000 familles sont sur une liste d’attente au sud du pays. « Proportionnellement, c’est moins qu’en Flandre, et ceux qui attendent depuis 18 mois reçoivent une allocation loyer pour compenser ».

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