Wallonie française!
La Wallonie aura-t-elle un jour Paris pour capitale?

«Wallonie française!»: le livre (préfacé par Pierre-Yves Dermagne) qui plaide pour un réunionisme avec la France

Benjamin Hermann
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Le Liégeois Louis Nisse signe un ouvrage consacré au réunionisme, cette idée que la Wallonie aurait tout à gagner à faire partie de la France… et vice-versa. Alors que la question du devenir de la Belgique peut se poser, en ces temps de négociations politiques, voilà une autre manière de poser le débat.

Wallonie française! «Si le titre comporte un point d’exclamation, c’est parce qu’il s’agit bien d’un appel», glisse Louis Nisse. Ce Liégeois, licencié en philologie romane, a publié peu avant les élections régionales, fédérales et européennes de ce 9 juin un ouvrage consacré à la thèse réunioniste, cette idée selon laquelle la Wallonie devrait faire partie intégrante de la France, plutôt que de chercher vainement à offrir une viabilité à la Belgique. Ce type de discours est loin d’être dominant, dans l’espace public et médiatique francophone, mais compte bien ses partisans, qui ne manquent pas d’arguments pour soutenir ce scénario.

«Il ne s’agit pas d’un essai scientifique, mais plutôt d’une œuvre littéraire, parsemée de passages plus personnels, d’anecdotes», teintés de l’esprit liégeois qui caractérise l’auteur.

Deux grands thèmes traversent le livre, à savoir la défense de la langue française et le «réunionisme» à proprement parler, un terme que Louis Nisse préfère à celui de «rattachisme», parfois utilisé.

Wallonie française! se présente comme une présentation subjective de la région aux voisins d’outre-Quiévrain, ce qui n’empêche nullement qu’il soit lu – et apprécié, le cas échéant – par des lecteurs wallons. Ou bruxellois, voire flamands, au demeurant.

On se situe ici à des années-lumière «des poncifs sur la belgitude», comme les qualifie Louis Nisse. «Les Wallons ont besoin d’une patrie et cette patrie, c’est la France. Cela ne fait d’ailleurs pas l’objet d’une grande opposition auprès des Français, qui pourraient y trouver un intérêt» en termes notamment d’extension territoriale et démographique. Les arguments souvent avancés comme contre-arguments (Bruxelles, la situation budgétaire, la famille royale, etc.) ne constituent pas des obstacles insurmontables, soutient encore l’auteur.

«Contrairement à ce qu’a pu défendre feu Paul-Henri Gendebien, par exemple, notre préférence, avec l’Alliance Wallonie-France, ne va pas à l’assimilation pure et simple de la Wallonie à la France, mais à un statut particulier d’intégration/autonomie, que permet parfaitement la Constitution française d’ailleurs.»

Pour Louis Nisse, un des objectifs consiste aussi à rendre à la Wallonie et aux Wallons une certaine fierté, qui serait bridée dans la configuration actuelle de la Belgique, où une part importante de Flamands optent pour des formations politiques tantôt autonomistes, tantôt nationalistes.

«La Wallonie pâtit d’un déficit symbolique considérable. Un exemple l’illustre parfaitement, c’est l’emploi du mot wallon», qui suscite pratiquement de la gêne auprès des médias et des faiseurs d’opinion. «Lorsque les frères Dardenne remportent une Palme d’or ou qu’un champion cycliste wallon crée l’exploit, on parle de réalisateurs belges, de sportifs belges, de succès belges. Par contre, on n’hésite pas à parle de grèves wallonnes, de chômage wallon, etc.», observe Louis Nisse.

Pour ce dernier, le fait que la Wallonie s’oriente vers la France relève d’un mouvement logique, presque naturel, qui trouve une série de fondements historiques.

Détail qui n’en est pas un: l’ouvrage de Louis Nisse a été préfacé par Pierre-Yves Dermagne (PS), vice-Premier ministre sortant, qui indique ne pas épouser le combat réunioniste, mais en reconnaît volontiers la légitimité et l’ancrage dans l’histoire du Mouvement wallon.

«On serait donc mal avisé de repousser a priori cette thèse, en plus encore de dénier à quiconque le droit de la défendre par le débat d’idées, écrit le socialiste. L’ouvrage formule et promeut un scénario, celui d’une évolution possible, peut-être moins inéluctable que ne le pense l’auteur dans son approche de 2024 mais qu’il serait inconséquent de récuser comme irréaliste par nature.»

En dépit de l’expression en Wallonie d’une certaine détestation de la France, cultivée artificiellement de ce côté de la frontière, Louis Nisse estime pour sa part que le scénario pourrait devenir inéluctable. «La masse sera persuadée par la nécessité», écrit-il, lorsqu’un divorce se prononcera avec la Flandre. «N’allez pas vous fabriquer, Français de France, une Wallonie terre d’allégeance qui vous accueillerait en libérateurs. Les rattachistes – pardon, les réunionistes! – inconditionnels sont une minorité», reconnait Louis Nisse. «Jamais, moi-même, je n’ai milité dans un parti réunioniste? C’est par les appareils des grands partis que notre mouvement triomphera. Du haut. Et quand les Flamands frapperont au porte-monnaie.» Prophétique ou illusoire? L’histoire, peut-être, s’écrit-elle déjà en ces temps post-électoraux.

Wallonie française!, par Louis Nisse, Editions Mols, 2024.

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