Pierre Havaux
Vent du Nord de Pierre Havaux | Quand des parents avec leurs bambins protestent au Parlement
Victimes du profond malaise que vit le monde des crèches en Flandre, des parents accompagnés de leurs tout-petits ont pris l’habitude d’investir les tribunes du Parlement flamand à chaque séance plénière, afin d’y afficher leur mécontentement. L’irritation d’un député interrompu dans son intervention par un cri de bébé n’a eu pour effet que de relancer de plus belle le mouvement protestataire. Ou quand une assemblée parlementaire prend des airs de pouponnière…
Ils ne désarment pas. Depuis neuf semaines, chaque mercredi après-midi à l’heure de la séance plénière, le parlement flamand prend des airs de pouponnière. Papas et mamans ne sont pas seuls à se pointer dans les tribunes réservées au public, bébés et bambins sont aussi de sortie. Une façon pour la dizaine de parents qui se relaient de rappeler à la face des députés à quel point le monde des crèches continue d’aller très mal en Flandre, et d’espérer vaguement leur donner mauvaise conscience.
Si les élus pariaient sur l’épuisement du mouvement, l’un d’entre eux s’est chargé de relancer le manège de plus belle. En séance du 18 janvier, Jean-Jacques De Gucht (Open VLD) n’a pu réprimer son agacement lorsque son intervention a été perturbée par un cri enfantin mal maîtrisé. «Je trouve particulièrement bizarre que vous emmeniez vos enfants au parlement», lance alors le député en direction des protestataires, applaudi depuis les bancs de la majorité N-VA – CD&V – Open VLD où l’on pense tout bas ce que l’élu libéral vient de dire tout haut, avant de préciser le sens de son propos dans la presse: «Utiliser les enfants pour des petits jeux politiques» et pour plaider une cause, fût-elle juste, relève d’une instrumentalisation déplacée. Et la rumeur de se répandre que le PVDA, PTB en version flamande, nourrit dans la coulisse la contestation parentale en relayant ses images par réseaux sociaux interposés.
Depuis neuf semaines, à l’heure de la séance plénière, le parlement prend des airs de pouponnière.
Toujours est-il que ce qui a été ressenti comme une énième manifestation d’une déconnexion du monde politique galvanise les paisibles activistes, plus nombreux que jamais à récidiver au balcon du parlement une semaine plus tard. Silence dans les rangs, interdiction de troubler la sérénité des débats. A l’entame des travaux, le personnel du parlement se charge de rappeler la consigne: prière de s’abstenir de tout débordement, notamment de changer la couche-culotte dans l’hémicycle, comme cela s’est déjà vu. De son perchoir, la présidente de l’assemblée, Liesbeth Homans (N-VA), tient à l’œil le collectif citoyen. On la devine peu encline à l’indulgence pour ce genre de spectacle depuis son intervention fort décriée, en octobre dernier, lors d’un débat sur la crise de l’accueil de la petite enfance: «Je ne sais pas si vous êtes consciente qu’il y a la plupart du temps deux parents, qu’il existe aussi quelque chose comme un père? Mes enfants sont chez leur papa», avait alors lancé la maîtresse de séance à l’adresse d’une élue de la gauche radicale qui s’apitoyait sur l’inconfort d’une défaillance des crèches pour le quotidien des mères.
Aucun incident à relever ce 25 janvier et point de Jean-Jacques De Gucht en séance. Les parents frondeurs ont fait preuve de discipline, ils s’étaient équipés en conséquence pour distraire le mioche qui trahirait des signes d’ennui ou pour étancher la soif du nourrisson ; la permission demandée par une maman de pouvoir au besoin déboutonner sa blouse pour donner le sein à bébé n’aura pas été mise à exécution, au grand soulagement du parlement.
Deux bons siècles après les sans-culottes de la Révolution française, les couches-culottes de la contestation flamande s’invitent à leur tour dans les tribunes pour faire pression sur les représentants du peuple.
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