Va-t-il quitter l’Hôtel de Ville de Charleroi? Le dilemme carolo de Paul Magnette
Le PS doit se prononcer, le 24 juin, sur une ou plusieurs dérogations à l’interdiction du cumul. Dont une pourrait porter sur l’avenir de Paul Magnette lui-même.
Les grandes explications socialistes ont été, dès le 10 juin, remises à plus tard, à après les communales du 13 octobre. Le Vif l’a écrit la semaine dernière, tous les socialistes sont déçus, certains sont en colère, mais aucun ne se sent capable de défier Paul Magnette, même pas ceux qui n’ont pas tellement perdu le 9 juin dernier. Ils ont demandé à leur président d’incarner, au fédéral, l’opposition socialiste au futur gouvernement des droites.
Mais un bureau a tout de même été convoqué, le 24 juin prochain, au boulevard de l’Empereur, notamment pour aborder quelques petites explications pas du tout dénuées d’intérêt, notamment sur l’avenir, proche ou lointain, de plusieurs pesantes figures du PS.
Le premier est Nicolas Martin, bourgmestre de Mons, président de son importante fédération d’arrondissement, et très bien élu au parlement de Wallonie comme tête de liste régionale lors du dernier scrutin. Il arbore fièrement le premier taux de pénétration en Région wallonne et a, le 10 juin, poliment critiqué la ligne présidentielle. De son avenir proche dépend un peu le futur de plusieurs autres, dont le présidentiel.
Dans une interview au Vif publiée le 19 juin, le Montois a annoncé vouloir cumuler –sans que ses indemnités soient doublées– les mandats de député régional et de bourgmestre «au moins jusqu’à décembre et l’installation des futurs collèges communaux». Il souhaite également mener la liste PS à Mons en octobre, face à Georges-Louis Bouchez, qu’il a battu en voix de préférence le 9 juin, pour des communales d’enjeu national. Pour pouvoir cumuler, il doit obtenir une dérogation du bureau du parti, le 24 juin, car depuis 2017 et une réforme que Nicolas Martin et Paul Magnette poussèrent ardemment, les statuts du PS interdisent à un bourgmestre ou échevin en exercice d’une ville de plus de 50.000 habitants d’également siéger dans un parlement.
Or, Nicolas Martin n’est pas le seul socialiste wallon à diriger une ville de plus de 50.000 habitants et à avoir été élu dans un parlement le 9 juin. Il y en a aujourd’hui trois. Nicolas Martin, donc; Marie Meunier, elle aussi montoise, présidente du CPAS de sa cité, élue députée depuis la troisième place effective de la liste fédérale dans le Hainaut et puis, surtout, il y a Paul Magnette lui-même, premier candidat de cette liste fédérale, élu député le 9 juin, et bourgmestre de Charleroi. Il veut que Nicolas Martin obtienne une dérogation, ils semblent s’être accordés.
Message peu clair
Et lui?
Si Paul Magnette demande au bureau une dérogation, provisoire jusqu’à décembre ou définitive grâce à une prochaine révision des statuts, il devra l’obtenir. Or, ce bureau de parti est plein de gens qui lui en veulent pour la défaite du 9 juin. Et il est rempli de personnes qu’il a brutalisées, des mandataires locaux qui ont dû renoncer à un parlement ou des parlementaires qui ont dû renoncer à un mandat local, après 2017. Et il est peuplé de socialistes, liégeois notamment mais pas seulement, qui ont composé leurs listes en fonction de cette interdiction du cumul qu’avec Paul Magnette ils ont dû s’imposer (lire l’encadré), mais qu’ils regrettent beaucoup aujourd’hui (demandez un peu à Seraing et à Liège pour voir).
C’est de l’ampleur, individuelle ou collective, temporaire ou permanente, de cette dérogation à l’interdiction du cumul qu’on parlera à l’important bureau du 24 juin.
Si, cette dérogation, Paul Magnette ne la demande pas pour lui à ses camarades, ou qu’il ne l’obtient pas pour lui de ses camarades, il devra quitter le mayorat de Charleroi dès sa prestation de serment comme député à la Chambre, le 10 juillet prochain, puisque ses camarades lui ont demandé d’y incarner l’opposition socialiste. Julie Patte, première échevine de Charleroi, qui est prête, s’installera alors comme bourgmestre de la première ville wallonne, au milieu de l’été ou plus sûrement à la rentrée de septembre, à quelques semaines à peine de communales cruciales, d’enjeu encore plus national qu’à Mons, et dans une ville où le PTB et le MR mettront gravement en danger l’historique hégémonie socialiste. La liste PS, si tout se passe comme aujourd’hui prévu, serait alors menée là-bas par un ancien bourgmestre qui a dû démissionner pour siéger au Parlement, mais pas par la bourgmestre sortante, deuxième, qui resterait néanmoins candidate bourgmestre. Quoi qu’il se décide au bureau du 24 juin, ou dans les semaines à venir, une chose est déjà certaine: le message délivré aux Carolos par l’équipe socialiste sera remarquablement peu clair.
Où sont passés les Liégeois?
Dans l’importante fédération liégeoise du PS, les ambitions ministérielles –sauf retournement majeur– ont été réduites à néant. En l’occurrence, celles de Frédéric Daerden, qui se présentait au fédéral, et de Christie Morreale, tête de liste régionale. Plus d’un socialiste liégeois, au sens de la Ville cette fois, constate aussi avec amertume que pas un seul candidat de la Cité ardente n’a été élu député, à aucun niveau de pouvoir. Alors que les listes avaient été conçues à l’aune de l’interdiction de cumul, autant écrire que les socialistes liégeois accueilleront avec déplaisir les dérogations qui seront accordées ailleurs.
Dans la foulée des élections, c’est aussi la géopolitique socialiste locale qui peut s’en trouver bouleversée. Les places sont chères, sur une liste socialiste où un savant équilibre doit être trouvé entre personnalités, rivalités, hommes et femmes, issus des différentes sections. Convoitée, la course au mayorat de la Ville de Liège sera plus que vraisemblablement laissée à Willy Demeyer, la chose est entérinée. Mais les désappointements ministériels de Frédéric Daerden, qui a déclaré vouloir rester à Herstal, et Christie Morreale, d’Esneux mais propriétaire d’un appartement à Liège, ont inévitablement revigoré ces scénarios qui circulaient depuis quelque temps: et si l’un et/ou l’autre venait s’installer à Liège, plus vite qu’escompté? Pour être candidat dans une commune, de surcroît, il faut y être domicilié le 1er août au plus tard, d’où cette accélération du calendrier dans la foulée du scrutin.
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