Etienne Dujardin
Un sursaut ou le chaos en juin 2024? Pour l’instant, on fonce droit dans le mur
Les sondages se suivent et se ressemblent. Les extrêmes sont de plus en plus puissantes. La Wallonie est de plus en plus à gauche et la Flandre de plus en plus à droite. Des coalitions idéologiquement cohérentes sont de moins en moins possibles. Va-t-on vers le chaos en 2024 et de nombreux mois sans gouvernement ? C’est difficile à prévoir, un an, c’est long en politique, mais les motifs d’espérer des formations de gouvernement rapides sont faibles. Comment en est-on arrivé là?
La Vivaldi ne donne plus rien et n’a d’ailleurs jamais donné grand-chose. Aucune réelle réforme structurelle n’a été entreprise. Ce gouvernement sans aucune cohérence idéologique entre 7 partis très différents a tenu le coup au début en gérant la crise du Covid et en distribuant des chèques et de l’argent magique. Cette crise du Covid étant terminé, il a fallu gérer et réformer le pays comme en temps normal.
Cependant, pas grand-chose n’avance, ni la réforme du travail, ni la réforme fiscale, ni la réforme des soins de santé… Et la dernière réforme des retraites est microscopique, en-dessous des objectifs minimums de la commission européenne.
Le pays reste l’un des pays les plus taxés au monde, mais nous avons en même temps une dette publique qui explose et qui ne sera bientôt, au rythme actuel, plus soutenable surtout vu la remontée rapide des taux d’intérêts. Des mesures structurelles de fond devraient être prises dans les différentes réformes à réaliser mais cela semble trop tard à un an des élections. Plus personne ne veut faire de compromis et aucun parti ne veut prendre la responsabilité de tirer la prise d’un gouvernement qui restera comme l’un des plus médiocres de l’histoire de ce pays.
A un an des élections, le pays devient difficilement gouvernable selon le dernier sondage sorti en juin dernier. L’Open VLD s’effondre à force de s’effacer devant les revendications de la gauche au gouvernement. Le CD&V n’est pas en bien meilleure forme. Défi n’a plus qu’un seul de ses deux élus à la Chambre. Les Engagés n’ont plus d’élus à Bruxelles et passent sous les 5 élus à la Chambre soit le minimum pour avoir un groupe parlementaire. Pendant ce temps, PTB et Vlaams Belang montent en flèche. Comment éviter le choc et le chaos qui s’annoncent en 2024 ? En expliquant le vrai enjeu de ces élections et en faisant une campagne qui présente l’état réel du pays, notamment de son budget et des grands défis de demain, et qui, en même temps, propose un cap clair à suivre.
Le premier enjeu est évidemment celui de l’avenir de la Belgique. Souhaitons-nous encore voir fonctionner ce pays ? Comment donner tort à la Flandre qui veut de plus en plus son autonomie lorsqu’elle voit une Wallonie au bord de la faillite financière avec une dette publique qui sera bientôt insoutenable, et ce, sans même parler de la dette de la fédération Wallonie-Bruxelles ? Les Belges francophones ne veulent pas de la scission du pays, mais en votant PTB, PS ou Ecolo, ils ne font qu’accélérer l’explosion du pays avec des politiques très différentes au Nord et au Sud.
Le second enjeu est celui de la dette publique. L’argent gratuit n’existe plus. Avec 22 milliards de déficit budgétaire en 2022, et 41 milliards en 2028 à politique inchangée, il est temps de dire la vérité aux gens. Les dépenses publiques toujours plus importantes, les multiplications des pseudos-gratuités, les subsides à gogo, les milliers d’entités publiques sans beaucoup d’intérêt (près de 800 uniquement à Bruxelles) ne sont plus tenables.
Un des caps à fixer lors des prochaines élections sera celui d’un retour à la bonne gestion et à la bonne gouvernance partout. Avec le choix entre, d’une part, « une gauche des allocs » qui ne souhaite faire aucune réforme structurelle pour éviter une faillite budgétaire et, d’autre part, une politique qui rendrait du pouvoir d’achat aux travailleurs en dégraissant le mammouth étatique et en réduisant des dépenses devenues hors de contrôle et insoutenables à terme. La vraie réforme de l’Etat à faire n’est pas une énième réforme communautaire mais une réforme structurelle et massive de la dépense publique, seul moyen aujourd’hui pour augmenter les capacités financières des travailleurs.
Le dernier enjeu sera celui de proposer d’autres visions en termes d’enseignement et d’écologie. En matière d’enseignement, les professeurs sont à bout et beaucoup de parents sont déçus de la qualité de l’école. Les vraies réformes à mener pour l’enseignement ne sont pas la gratuité des repas ou le changement de calendrier mais bien un retour aux fondamentaux et la fin de la pédagogie de la bienveillance. Ce n’est pas avec la suppression des examens de passage ou des interrogations certificatives régulières, ni avec l’interdiction de doubler entre certaines années qu’on peut améliorer la qualité de notre enseignement. Tout cela ne peut que nous conduire dans le mur et aggraver le résultat de nos tests PISA.
De même en matière écologique, il est temps d’offrir une offre politique crédible pour tous ceux qui souhaitent faire attention à la planète mais sans avoir dans le package « écolo » : le communautarisme, le wokisme, la décroissance, et la lutte contre le capitalisme tous défendus par les verts.
ll est moins une… Soit les partis se renouvellent, font appel à la société civile et s’oxygènent un peu. Soit la société civile va s’organiser et proposer elle-même une alternative. On sent de plus en plus des tentatives de recomposition politique ou de création de nouveaux partis ainsi que des députés dégoûtés de la vie politique actuelle qui raccrochent tant au Nord qu’au Sud du pays. 2024 sera l’année de tous les dangers, espérons qu’un sursaut arrive encore in extremis afin d’éviter la gueule de bois au lendemain des élections.
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