Bart De Wever, parfait inconnu sur la scène internationale, peut-il peser dans les discussions européennes sur l’Ukraine? © BELGA

«Un saut dans l’inconnu»: comment Bart De Wever, novice en diplomatie, peut porter les intérêts belges sur la scène européenne

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

Invité par Macron à un mini-sommet sur l’Ukraine, Bart De Wever plonge la tête la première dans le grand bain européen. Dépourvu d’expérience internationale, le Premier ministre pourra compter sur un contexte géopolitique favorable pour peser dans le débat.

«En arrivant ici, la première question qu’on m’a posée c’est: ‘Qui êtes-vous?’». Lundi 3 février, à peine deux heures après sa prestation de serment, Bart De Wever débarquait au Palais d’Egmont pour son premier sommet européen. Peu coutumier des hautes sphères diplomatiques, le bourgmestre empêché d’Anvers peinait à trouver ses marques parmi les poids lourds internationaux. Deux semaines plus tard, le voilà propulsé (du moins, par écran interposé) à l’Elysée pour une concertation informelle sur l’Ukraine. Au-delà de discussions stratégiques avec ses partenaires canadien, grec ou encore finlandais, le Premier ministre en a également profité pour prendre la température auprès de son homologue ukrainien, Denys Chmyhal.

Cette première quinzaine au Seize aura donc pris une tournure bien plus internationale que prévu pour le président de la N-VA, lui qui avait basé l’essentiel de sa campagne sur des thématiques belgo-belges. Rattrapées par des impératifs géopolitiques, ses ambitions d’assainissement budgétaire ou d’harmonisation fiscale ne seront pour autant pas remisées au placard. «Cet agenda international ralentit le tempo, mais n’empêchera pas la concrétisation des promesses nationales de Bart De Wever, prédit Carl Devos, politologue à l’UGent. La N-VA reste aux manettes des portefeuilles-clés pour la Belgique, notamment du Budget et des Pensions. Jan Jambon, en charge de ces matières, va poursuivre son travail dans l’ombre. Et quand les propositions seront prêtes, Bart De Wever sera là pour les faire adopter.»

Un favorable virage à droite

Les urgences internationales permettront en outre au Premier ministre de rappeler l’importance d’investir davantage dans la Défense (belge et européenne), véritable priorité de la N-VA. Et sur ce point, Bart De Wever pourra facilement trouver des alliés au sein des Vingt-Sept. «L’Europe d’aujourd’hui n’est plus celle d’il y a quelques années, rappelle le politologue de l’UGent. Le virage politique récent de plusieurs Etats vers la droite, voire l’extrême-droite, est clairement favorable à De Wever. Les questions de défense, de sécurité, d’immigration et de renforcement des frontières sont en haut de la pile des préoccupations, et c’est une aubaine pour les nationalistes flamands qui défendent exactement cette ligne. On est loin de l’époque du Pacte de Marrakech, qui avait contraint la N-VA à claquer la porte de la Suédoise en 2018.»

Au-delà de son idéologie, reste à savoir si Bart De Wever aura suffisamment d’envergure politique pour peser dans le débat européen. Dénué d’expérience internationale et d’un naturel réservé, l’Anversois pourra-t-il gagner la confiance de ses pairs? Le contraste avec son prédécesseur risque en tout cas d’être frappant. Au cours de son mandat, Alexander De Croo avait noué des liens solides avec Emmanuel Macron, le Luxembourgeois Xaviel Bettel et le Néerlandais Mark Rutte. Le pas de côté de Sophie Wilmès avait également permis au libéral de cumuler ses fonctions avec le portefeuille des Affaires étrangères, le rompant définitivement à l’exercice diplomatique. «Alexander De Croo avait une véritable stature internationale, confirme Carl Devos. Son passage au Seize n’était sans doute qu’un tremplin vers une carrière diplomatique, lui qui rêve de marcher dans les pas d’Herman Van Rompuy ou Charles Michel. Mais pour Bart De Wever, c’est un saut dans l’inconnu: il n’a aucune ambition internationale. Après son (ou ses) mandat(s) de Premier, il aspirera sans doute à reprendre les rênes de sa ville. Mais c’est tout.»

«La fonction fait l’homme»

Ses années passées à la tête d’Anvers, ville très internationale en raison de ses liaisons portuaires, pourraient toutefois lui conférer un léger avantage dans sa familiarisation avec la politique européenne, avance le politologue. Bart De Wever pourra également compter sur le soutien de Maxime Prévot (Les Engagés), en charge des Affaires étrangères, avec qui il entretient des relations plus que cordiales. Alors que personne ne l’attendait au poste de Premier il y a cinq ans, le leader nationaliste pourrait à nouveau créer la surprise, estime Carl Devos. «On dit que la fonction fait l’homme, donc laissons-lui l’occasion de faire ses preuves.»

Mais le président de la N-VA ne pourra pas révolutionner la machine européenne à lui seul. Bien qu’elle héberge le siège de plusieurs institutions, la Belgique reste un petit poucet en termes d’arsenal militaire ou budgétaire, souvent snobée par la France, l’Allemagne ou la Grande-Bretagne dans les prises de décision capitales. Non-convié par Macron à la table des poids lourds européens mardi, Bart De Wever devra se contenter de briller parmi les poids plumes.

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