Un jour férié pour les Flamands le 11 juillet, le vœu nationaliste enfin exaucé par De Wever? «C’est symboliquement important»
L’Arizona propose aux Régions de faire de leur fête régionale un jour férié payé. Un souhait cher à la N-VA, mais qui laisse de marbre la Wallonie.
C’est une simple petite phrase, noyée dans les 206 pages que compte l’accord de gouvernement. Une mesure à haute portée symbolique, pourtant résumée en à peine 30 mots: «Pour les régions qui le veulent et le demandent, nous modifions la législation fédérale afin que le jour de fête régional devienne
également un jour férié officiel.» En substance: les Flamands pourraient bientôt tous avoir congé le 11 juillet (Fête de la Communauté flamande), les Bruxellois le 8 mai (Fête de l’Iris) et les Wallons, le 27 septembre (Fête de la Fédération Wallonie-Bruxelles).
Contacté, le cabinet de David Clarinval (MR), fraîchement nommé ministre de l’Emploi, n’était pas encore en mesure de détailler les modalités concrètes de cette disposition, qui figurait déjà dans l’accord de la Vivaldi sans jamais avoir vu le jour. Deux précisions sont déjà à noter: ce jour férié est une «possibilité» (et non une obligation), et devra être introduit «sans affecter la compétitivité».
Une priorité pour la Flandre
Concernant le premier point, la législation pourrait donc être adaptée pour une seule Région, sans impact pour les autres entités fédérées. Historiquement, c’est surtout la Flandre qui plaide pour associer les commémorations annuelles de la bataille des Eperons d’Or à un jour de congé officiel. La N-VA, au même titre que le Vlaams Belang, en a fait son cheval de bataille depuis plus de 20 ans. Plusieurs propositions de loi ont d’ailleurs été déposées en ce sens à la Chambre par les deux partis nationalistes depuis 2007. Et la demande figure toujours parmi les priorités du ministre-président flamand, Matthias Diependaele (N-VA). «En octobre 2023, le gouvernement flamand avait lui-même posé cette question au fédéral par l’intermédiaire de la Commission de concertation, rappelle son cabinet. Le ministre compétent Dermagne (NDLR: en charge de l’Emploi sous la Vivaldi) a apparemment laissé cette question au placard. Heureusement, l’Arizona a maintenant expressément repris notre souhait dans le nouvel accord de coalition.»
En Wallonie, la question ne figure pas à l’ordre du jour, en raison notamment des complexités liées aux divisions administratives entre Région et FWB. «Je préfère sincèrement consacrer l’énergie et le temps des équipes au redressement de la Wallonie, réagit le ministre-président Adrien Dolimont (MR). Notre fierté régionale viendra d’abord de ce qu’on accomplit plutôt que d’une nouvelle date pour la célébrer.» Enfin, côté bruxellois, le dossier ne peut actuellement pas être étudié… faute de gouvernement.
Disparition du 15 août?
La seconde condition de l’Arizona à l’entrée en vigueur d’une telle mesure réside donc dans la sauvegarde de la compétitivité des entreprises. Or, de facto, l’introduction d’un onzième jour férié légal entraînerait des coûts supplémentaires pour les entreprises. Selon des calculs réalisés par les employeurs siégeant au Conseil National du Travail (CNT) en 2022, la réforme engendrait une hausse du coût salarial horaire de 0,45%. Pour préserver les employeurs, l’idée de supprimer un jour férié existant (le 15 août est évoqué) serait privilégiée par Matthias Diependaele, qui évoque également la possibilité de récupérer les jours fériés tombant un dimanche ou jour d’inactivité inhabituel. «Mais il s’agit là de modalités pratiques qui doivent être précisées», ajoute-t-il.
«Je préfère sincèrement consacrer l’énergie et le temps des équipes au redressement de la Wallonie. Notre fierté régionale viendra d’abord de ce qu’on accomplit plutôt que d’une nouvelle date pour la célébrer.»
Adrien Dolimont (MR)
Ministre-président de la Wallonie
Pour pallier ces coûts, l’Arizona pourrait également offrir une contrepartie aux employeurs. «On pourrait imaginer des dispenses plus importantes de cotisations patronales ou de précompte professionnel, suggère Laura Couchard, conseillère juridique chez le prestataire de services RH Acerta. Mais à voir si cela suffirait à compenser totalement les coûts.»
Palmarès communautaire
Se pose également la question des entreprises bilingues, ou qui disposent de succursales dans plusieurs Régions du pays. Quel jour férié appliquer? Les Flamands travaillant à Bruxelles ou en Wallonie pourront-ils avoir congé le 11 juillet? Selon Matthias Diependaele, ce serait le lieu de travail de l’employé – et non le siège de l’entreprise – qui devrait primer dans la décision. Une formule déjà appliquée dans plusieurs sociétés belges, dont Acerta, qui octroie un jour de congé supplémentaire à des dates différentes selon le lieu de travail mentionné dans le contrat de l’employé. «Les collaborateurs basés à Leuven ont droit à un jour férié le 11 juillet, ceux qui exercent à Liège ont droit au 27 septembre et ceux qui travaillent à Bruxelles placent ce congé à la date de leur choix, précise Laura Couchard. Quelle que soit l’option choisie, il est en tout cas crucial pour les entreprises de définir un cadre clair avant de mettre en œuvre cette réforme.»
Bref, les modalités de la mesure doivent encore faire l’objet de longues discussions, sous l’égide du ministre Clarinval, avant d’être coulées dans un arrêté royal. Mais la présence de Bart De Wever au Seize risque de donner un coup d’accélérateur à son implémentation. «Le Premier ministre sera très attentif à son palmarès communautaire, reconnaît Bart Maddens, politologue à la KULeuven. Même s’il s’agit d’une petite mesure, elle est symboliquement importante pour un nationaliste. Mais il ne faut pas non plus en exagérer la portée: ce qu’il faut davantage tenir à l’œil, c’est une éventuelle nouvelle réforme de l’Etat ou d’autres avancées liées à la responsabilisation financière des Régions.»
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