« Un comeback qui peut s’avérer payant »: Françoise Bertieaux, le choix stratégique du MR
Françoise Bertieaux, ancienne cheffe de file du MR bruxellois, range son tablier de peinture new-yorkais pour revenir à son premier amour, la politique belge. En parachutant l’ancienne échevine d’Etterbeek au poste de ministre de l’Enseignement supérieur, Georges-Louis Bouchez joue la carte de la sécurité et de l’expertise.
Je suis de retour à la maison. » Après quatre années outre-Atlantique, Françoise Bertieaux renoue avec ses racines bruxelloises. Exit les pinceaux et la vie d’artiste, l’Uccloise de naissance replonge dans l’arène politique. Avec l’ambition de relever un défi de taille : honorer le poste de ministre de l’Enseignement supérieur, laissé vacant par les problèmes de santé de Valérie Glatigny. Un « rêve » pour la libérale de 64 ans, qui connait les arcanes de la Fédération Wallonie-Bruxelles comme sa poche pour y avoir œuvré pendant vingt longues années.
« Elle dispose d’un solide bagage politique », confirme Pierre Vercauteren, politologue à l’UCLouvain. « De tout temps, elle a été une ‘communautariste’: elle suivait beaucoup les dossiers de la communauté française, notamment dans l’enseignement », abonde Pascal Delwit, professeur de science politique à l’ULB. Cheffe du groupe MR au parlement de la FWB de 2004 à 2019, Françoise Bertieaux a imprimé sa ténacité et sa poigne sur les bancs de l’opposition. Son obstruction vigoureuse au décret Inscriptions, notamment, est restée dans les annales.
Un atout de taille pour celle qui se voit confier le portefeuille de l’Enseignement supérieur, en plus de la Recherche, de la Jeunesse, des Hôpitaux universitaires, de la Promotion de Bruxelles, des Maisons de Justice ainsi que de l’Aide à la Jeunesse. Les compétences du Sport et de la Promotion sociale, elles, reviennent au Ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Pierre-Yves Jeholet.
Pas de prise de risques
A onze mois d’un méga-scrutin électoral, et alors que la majorité des formations politiques sont déjà entrées en campagne, le président du MR Georges-Louis Bouchez a vu en Françoise Bertieaux le choix de l’expertise, mais surtout de la sécurité. « Sa décision de placer Hadja Lahbib au poste de ministre des Affaires étrangères avait créé beaucoup de remous à l’époque, en particulier au sein du MR, rappelle Pierre Vercauteren. Cette fois-ci, Bouchez ne pouvait pas retenter l’expérience. » Après le tollé suscité par le Téhérangate, l’heure est donc à l’apaisement dans les rangs des libéraux. En nommant une femme, originaire de Bruxelles comme Valérie Glatigny, le Montois joue également la carte de la continuité en préservant les équilibres électoraux.
Si Françoise Bertieaux s’attend à être « mise à l’épreuve », son parcours ministériel ne devrait pas pour autant être truffé d’embûches. La plupart des dossiers « chauds » – la réforme du décret paysage, notamment – ont déjà été tranchés par sa prédecesseure. « Traditionnellement, la dernière année de législature n’est jamais marquée par des décisions spectaculaires », recadre Pascal Delwit. Après avoir replongé les mains dans le cambouis, Françoise Bertieaux devra se contenter de « gérer les derniers dossiers en bonne mère de famille » et d’opérer quelques petits arbitrages au gouvernement, « mais sans enjeu majeur. » « La Fédération Wallonie-Bruxelles n’est pas l’espace le plus exposé médiatiquement, insiste encore le politologue de l’ULB. Objectivement, le MR ne prenait pas beaucoup de risques en effectuant ce remplacement. »
Françoise Bertieaux, un retour payant?
En privilégiant une ex-cadre du parti plutôt qu’une « jeune pousse », Georges-Louis Bouchez a déjà les élections de 2024 en ligne de mire. Il l’a d’ailleurs confirmé en conférence de presse, vendredi matin. Françoise Bertieaux sera sur les listes électorales du MR, tout comme Valérie Glatigny, qui occupera une « place de choix », a insisté le président. Un calcul stratégique ? Loin d’être une véritable machine à voix, l’ex-présidente du CPAS d’Etterbeek jouit tout de même d’une certaine popularité dans la capitale. « C’est une femme d’expérience qui a déjà été réélue à plusieurs reprises, rappelle Pierre Vercauteren. Elle a donc un potentiel sur lequel on peut tabler pour le futur scrutin. » Alors que la compétition s’annonce particulièrement serrée à Bruxelles, le MR entend bien compter sur toutes les ressources à sa disposition. « De ce point de vue-là, le come-back de Françoise Bertieaux peut s’avérer payant. »
Georges-Louis Bouchez, en tout cas, mise plus d’un kopeck sur celle qui a été sa première cheffe de groupe au Parlement. « J’espère que ce sera un retour comme Michael Jordan, qui est un des come-backs les plus légendaires de l’histoire du sport. »
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici