Un «boys club», un choix «cocasse» et une absence remarquée: les 5 leçons à tirer du casting ministériel de l’Arizona
A défaut de diversité et de parité, l’Arizona joue la carte de l’expérience dans la composition de son gouvernement. Décryptage de ce casting ministériel en 5 points.
Date de naissance: 03 février 2025. Nationalité: Belge. Age: 49 ans. Genre: (essentiellement) masculin. La carte d’identité du gouvernement De Wever est officiellement connue. Alors que la composition de l’attelage arizonien se précisait au fil du week-end, le MR tardait à révéler ses quatre heureux promus. Fidèle à son inclination pour les scénarios à suspense, Georges-Louis Bouchez brisait finalement le silence lundi matin, à peine 45 minutes avant la prestation solennelle de serment au Palais Royal. Le Montois annonçait faire une croix sur le portefeuille de l’Intérieur pour se consacrer à la présidence de son parti, rabattant de facto certains équlibres. Voici les 5 leçons à retenir de ce casting ministériel.
1. Les hommes au pouvoir
Première observation, et non des moindres: l’Arizona relègue l’égalité de genre au second plan. Sur 15 postes ministériels, seuls quatre seront désormais occupés par des femmes, soit à peine 26%. On est loin de la barre des 50% franchie sous la Vivaldi, bien que les démissions en cascade aient ensuite eu raison de cette parité. Le kern (Conseil des ministres restreints) aura même des allures de «boys club» sous le gouvernement De Wever. Aux côtés du Premier ministre trôneront uniquement des hommes: Jan Jambon (N-VA), Maxime Prévot (Les Engagés), Vincent Van Peteghem (CD&V), David Clarinval (MR) et Frank Vandenbroucke (Vooruit). Une absence de représentation féminine à la tête de l’Etat que déplore Annelies Verlinden (CD&V), dont les excellents résultats électoraux laissaient pourtant présager l’accession au poste de vice-Première. «Ce n’est pas l’image que l’on doit donner en 2025», regrette la nouvelle ministre de la Justice.
Bien qu’elle soit le reflet de négociations centrées autour de cinq hommes, l’identité masculine du nouvel exécutif reste surprenante en 2025, note Jean-Benoît Pilet, professeur de science politique à l’Université libre de Bruxelles (ULB). D’autant que les gouvernements des entités fédérées avaient ouvert la voie à cette féminisation. Jamais la Fédération Wallonie-Bruxelles ni la Flandre n’avaient ainsi compté autant de femmes ministres dans leurs rangs. «C’est le signe d’un plafond de verre ultra-solide au sommet des institutions fédérales et des partis eux-mêmes, qui restent présidés par des hommes», analyse le politologue. Une absence de parité qui a également trait à la disparition des postes de secrétaire d’Etat, historiquement davantage féminisés, pointe Nicolas Bouteca, politologue à l’UGent.
2. Des traces de la Vivaldi… et de la Suédoise
Avec une moyenne d’âge de 49 ans, contre 42 sous le gouvernement De Croo, l’attelage arizonien joue également la carte de l’expérience. A l’exception des (très) jeunes Eléonore Simonet (27 ans) et Mathieu Bihet (33 ans), l’essentiel de l’équipe dispose d’un bagage politique relativement important. Avec cinq ministres déjà en poste sous la précédente législature (Verlinden, Van Peteghem, Vandenbroucke, Clarinval et Quintin), les partenaires de coalition ont privilégié la continuité au renouvellement. L’Arizona signe également le retour de Theo Francken et Jan Jambon sur le devant de la scène fédérale, après leur participation ministérielle au sein de la Suédoise. Seul Georges-Louis Bouchez a véritablement sorti des lapins de son chapeau. «Le MR est la formation politique dont le casting ministériel sur l’ensemble des gouvernements (communautaires, régionaux et fédéraux) s’est le plus renouvelé au cours des dix dernières années, relève Jean-Benoît Pilet. Bouchez a complètement mis la main sur son parti et a développé une nouvelle garde rapprochée. Les poids lourds du passé sont presque tous partis, à l’exception de ceux, comme David Clarinval, qui ont réussi à se lier avec lui.»
3. A chaque parti son trophée
La répartition des différents portefeuilles ministériels respecte, comme à l’accoutumée, une certaine logique. «Les partis ont été chercher les ministères des enjeux dont ils se sentent propriétaires et sur lesquels ils ont fait campagne», note Jean-Benoît Pilet. Peu surprenant, donc, de voir les Finances, la Défense et l’Asile et la Migration aux mains de la N-VA, l’Emploi et l’Intérieur au MR, ou encore la Santé et les Affaires sociales à Vooruit. Loin d’être une thématique-phare de l’accord de gouvernement, le Climat revient aux Engagés, qui en avaient fait une priorité électorale en empiétant sur le terrain traditionnel d’Ecolo. Seule exception à ce pragmatisme politique: la nomination de Maxime Prévot, sans grande expérience internationale, aux Affaires Etrangères à la place de Bernard Quintin, relégué à l’Intérieur malgré sa grande carrière diplomatique. «Le retrait in extremis de Bouchez, à qui était destiné l’Intérieur, a donné lieu à cette désignation un peu cocasse», analyse Jean-Benoît Pilet.
4. Un déséquilibre communautaire?
Cette distribution «cohérente» cache toutefois un certain déséquilibre entre francophones et néerlandophones, estime Nicolas Bouteca. «Les portefeuilles les plus lourds sont aux mains des Flamands, tranche le politologue de l’UGent. Certes, seuls deux partis francophones sont montés au fédéral, mais ils héritent toutefois des compétences les moins importantes, à l’exception de l’Intérieur. Les Affaires étrangères, c’est un portefeuille avec un certain prestige, mais in fine pas très politique. Ce n’est pas le sujet qui occupe le débat public.» La N-VA sort grande gagnante de cette répartition avec, au-delà du poste de Premier ministre, des compétences en termes de Pension et de Finances concentrées uniquement dans les mains de Jan Jambon, et l’Asile et la Défense qui figurent parmi les priorités de l’Arizona.
5. Une absence remarquée
La grande surprise de ce gouvernement, c’est donc l’absence de Georges-Louis Bouchez. Au-delà de l’influence que revêtira cette décision sur l’équilibre interne du MR, elle pourrait également torpiller la tranquilité de l’Arizona. Bouchez à bord du navire, c’était la promesse d’une législature moins tumultueuse que la Vivaldi, durant laquelle la «particip-opposition» du MR a été maintes fois dénoncée. «Sachant que Bart De Wever a tendance à être plus réactif quand on lui rentre dedans qu’Alexander De Croo, cela pourrait donner lieu à de nouvelles étincelles, observe Jean-Benoît Pilet. Mais Bouchez semble bien plus convaincu par l’Arizona et a été au coeur des négociations de l’accord, donc laissons-lui le bénéficie du doute.»
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