La ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden (CD&V), ici à la Chambre en janvier dernier, porte le projet de loi contesté. Jusqu’ici, l’opposition est parvenue à à repousser l’échéance. Mais cela ne devrait pas durer. © BELGA

Transparence administrative au fédéral: les raisons d’un débat acharné autour d’un projet de loi fort contesté

Clément Boileau
Clément Boileau Journaliste

«Foutage de gueule», «mauvaise gouvernance», «dommageable pour la démocratie»: l’opposition n’a pas eu de mots assez durs pour qualifier le projet de loi censé accroître la transparence administrative des administrations fédérales. Le projet n’a pu être voté, mais ce devrait être le cas prochainement.

C’est un feuilleton à rebondissement dont l’issue n’est pas encore tranchée. Dans la nuit de jeudi à vendredi dernier, le projet de loi censé accroître la transparence administrative au fédéral s’est vu criblé d’une série d’amendements, dont l’un, ajouté en dernière minute et adopté, a fini par repousser le vote à la fin du mois. Une ritournelle qui dure depuis des mois, mais cette fois-ci, cela devrait passer. À moins que…

Mettre fin à l’opacité

Il faut dire que l’opposition est vent debout contre ce texte. Au point de mettre en péril l’entrée en vigueur de la loi, censée intervenir en ce mois d’avril. Concrètement, le texte vise à faciliter la tâche de citoyens, associations ou journalistes qui souhaitent avoir accès à des documents jusqu’ici inaccessibles, sauf à en passer par des procédures longues et coûteuses.

C’est extrêmement dommageable pour la démocratie, la transparence et la confiance que nous devons tenter de rétablir.

Vanessa Matz (Les Engagés)

Députée fédérale

Or le projet de loi, tel que rédigé, s’est avéré crispant tout ce petit monde. Parce qu’il forge un motif d’exception pour les documents émanant de cabinets ministériels, ce que la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden (CD&V), a justifié par «l’importance du secret de la stratégie politique». Et aussi parce que la loi ne rend pas contraignants (pour l’administration) les avis de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), par laquelle il faut en passer pour obtenir – éventuellement – les pièces demandées. Pour l’heure, pour le fédéral (contrairement aux Régions), ces avis sont bel et bien consultatifs. Et le resteront. Malgré les recommandations de la Commission européenne, qui croyait pourtant, dans son dernier rapport sur l’État de droit, que la question était entendue…

«Petites affaires entre nous»

«Vous vous êtes enfermés dans l’idée de continuer comme avant», façon ‘On règle nos petites affaires entre nous’», s’est désolée la députée des Engagés Vanessa Matz. «C’est extrêmement dommageable pour la démocratie, la transparence et la confiance que nous devons tenter de rétablir», a-t-elle ajouté, dénonçant un «niveau de transparence nettement moins important que celui qui prévaut dans les entités fédérées.»

Moins subtil, le PTBiste Nabil Boukili parlait carrément de «foutage de gueule», en particulier sur le choix de ne pas réformer le rôle de la CADA, quand le chef de file de Défi François De Smet, soulignait, plus poliment, que la majorité «rate le virage de la bonne gouvernance ».

Alors même que son groupe devrait finalement voter la loi après s’y être longuement opposé, la députée N-VA Kathleen Depoorter a dressé le parallèle avec l’affaire Medista et la gestion de la crise covid par le fédéral, qui fragilise il est vrai le ministre de la Santé publique Frank Vandenbroucke (Vooruit) – par ailleurs objet d’une plainte et d’une enquête du parquet de Bruxelles portant précisément sur son manque de transparence administrative.

Pas de quoi décontenancer Annelies Verlinden, qui s’est réjouie, sans triomphalisme, de ce «petit pas» «dans la bonne direction». En attendant que le débat se poursuive «ultérieurement» – bref, la CADA attendra. Entretemps, le prochain scrutin donnera la mesure de la confiance que les électeurs accordent aux partis actuellement au pouvoir.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire