Transformer les votes blancs et nuls en sièges vides: l’objectif du parti Blanco est-il réaliste ?
Créé après les élections de 2019, le parti Blanco veut porter la voix des citoyens qui votent blanc ou nul lors du prochain scrutin. Le programme de la formation tient en une mesure: réviser la Constitution, pour permettre aux citoyens de voter pour un siège vide à la Chambre dans un futur plus ou moins proche.
D’après l’enquête ‘Démocratie sous pression‘ du Vif, 51% des Belges estiment que leur vote ne compte pas, alors que 4 citoyens sur 10 ne veulent plus du vote obligatoire. Constat encore plus amer pour notre système politique fédéral : plus de la moitié de la population (50,3% des sondés de l’enquête) est d’avis que le vote blanc devrait se refléter par des sièges vides. Tous ces chiffres donnent du grain à moudre à un arrivant récent sur l’échiquier politique belge, le parti Blanco
Une seule mesure au programme: pouvoir voter pour un siège… vide
Créé au lendemain des élections de 2019, le mouvement, qui ne revendique aucune appartenance idéologique, s’est fixé un seul objectif : que les votes blancs et nuls soient représentés par des sièges vides à la Chambre. Pour le moment, ces votes non valables n’ont aucune influence sur la répartition des sièges entre les partis au parlement fédéral. Tout comme les votes abstentionnistes. Et les voix diluées dans des partis qui n’atteignent pas le seuil électoral de 5%. Le « parti Blanco » présentera donc une liste dans chacune des 11 circonscriptions électorales du pays pour les élections à la Chambre, en juin prochain.
« En compilant tous ces votes non-valables, on se rend compte qu’en 2019, 20% de la population était représentée par des parlementaires qu’ils n’avaient pas choisi, commente Laurent Ryckaert, cofondateur du parti. Cela veut dire que des personnes sont ignorées, alors qu’elles estiment qu’aucun parti ne mérite leur voix ». Lors des dernières élections, un plafond de votes non valables plus observé depuis 60 ans a été atteint. Blanco voudrait donc que les sièges issus de ces votes non valables (environ 30), qui reviennent finalement aux partis, soient occupés par des élus Blanco. Qui se contenteraient de s’abstenir lors des débats au parlement, afin de donner une voix aux votes contestataires exprimés dans les urnes.
Benjamin Biard, politologue au Centre de recherche et d’information socio-politique (Crisp), rappelle qu’un tel parti – qui portait déjà le nom de Blanco – avait vu le jour en 1981. Une initiative qui n’avait pas été couronnée de succès. Le nouveau parti qui porte ce combat peut-il inverser la tendance, quatre décennies plus tard ? « Cette formation politique est originale car son objectif est d’être élue pour ne pas siéger. Si on peut comprendre leur questionnement, vouloir modifier la Constitution est utopique. » Toucher au texte fondateur de l’Etat belge requiert une majorité de 2/3 à la Chambre et au Sénat.
« S’ils parviennent à avoir des élus, l’exercice politique au sein de la Chambre n’en serait que plus compliqué »
Benjamin Biard, politologue au sein du Crisp
Benjamin Biard estime que la croisade du parti Blanco jusqu’aux élections prochaines s’annonce difficile. « Il se présente aux électeurs avec un programme qui tient en une mesure. Or, cette volonté de modifier la Constitution nécessite d’ouvrir l’article concerné à la révision lors de la législature qui précède les élections ».
Pour le politologue du Crisp, l’émergence de Blanco n’est pas une solution à un système politique où l’offre partisane est déjà pléthore, faisant de la composition des majorités une équation de plus en plus difficile à résoudre. « S’ils parviennent à avoir des élus, l’exercice politique au sein de la Chambre n’en serait que plus compliqué. » Laurent Ryckaert ne partage pas ce point de vue : « Nous n’allons pas bloquer le jeu politique. Simplement, imaginons que nous obtenions 10 sièges en 2024, la constitution d’une majorité et d’une opposition se fera donc sur base de 140 sièges, et plus 150 ».
« Il faut commencer par réfléchir à comment accroitre la participation électorale »
Le parti Blanco veut donc matérialiser les votes blancs et nuls par des sièges vides à la Chambre. Y-a-t-il d’autres solutions pour ces votes non valables ? « Il faut commencer par réfléchir à comment accroitre la participation électorale, pointe Benjamin Biard. On pourrait par exemple sanctionner quelqu’un qui ne se présente pas au bureau de vote, même si on n’est pas certain que cette personne présentera un vote valable ensuite ». D’autres spécialistes, comme le chercheur Min Reuchamps (UCLouvain), plaident pour une transformation des votes blancs et nuls en sièges pour des citoyens tirés au sort parmi ceux qui ont voté. Mais, et c’est un grand mais, l’enseignant-chercheur parle du niveau local, et non du fédéral.
« Le vote blanc doit rester ce qu’il est, et a son importance dans un système de vote obligatoire »
Laurent Ryckaert, cofondateur du parti Blanco
Laurent Ryckaert, lui, rejette cette option. « Le vote blanc doit rester ce qu’il est, et a son importance dans un système de vote obligatoire ». Il espère que Blanco aura pu atteindre son objectif d’inscription du siège vide sur le bulletin de vote d’ici 2029 ou 2034. En attendant, lui et ses troupes préparent la campagne 2024. « On informe les gens, et on leur conseille d’aller lire le programme des partis pour voir s’ils s’y retrouvent ».
La formation a rassemblé 120 candidats et suppléants, citoyens qui se sont portés volontaires.
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