« Le putsch De Croo »: comment Tom Ongena est devenu le nouveau président de l’Open Vld
Lors d’une élection peu démocratique, le bon soldat Tom Ongena a été confirmé comme président de l’Open Vld jusqu’aux élections communales d’octobre prochain. Le fait qu’Alexander De Croo reste leader du parti est un secret de Polichinelle. Analyse en 5 questions.
Précipité à la tête de l’Open Vld fin juin après le départ d’Egbert Lachaert, Tom Ongena a été confirmé lors d’un congrès des libéraux ce weekend comme président par intérim. Alexander De Croo avait d’abord repris temporairement les rênes du parti, mais avait été fortement critiqué. Il avait alors sorti de son chapeau le fidèle Tom Ongena. Qui a donc été confirmé, remportant le vote avec 59% des voix. Certains estiment que l’aspect démocratique de l’élection a été balayé d’un revers de la main. Le fait que le nouveau président du parti libéral flamand soit la marionnette d’Alexander De Croo est assumé en interne.
Tom Ongena, connu de tous à l’Open Vld, mais pas du grand public
Au sein de l’Open Vld, Tom Ongena est celui qui sait tout faire, et a désormais tout fait. Le père de famille a été porte-parole, secrétaire politique, échevin, sénateur… et désormais président de parti, quelques jours après avoir fêté ses 48 printemps. « Tom qui ? » se demandent probablement la majorité de la population au sud du pays. « Même en Flandre, Tom Ongena était un simple député flamand, assez peu connu », explique le politologue Carl Devos (UGent).
Son histoire d’amour avec les libéraux flamands commence en 2003. Cette année-là, il devient porte-parole du ministre-président flamand Bart Somers. Il enchaînera comme porte-parole, secrétaire général du parti, conseiller communal avant de siéger au Parlement flamand par deux fois (2013-2019 et depuis 2019). En 2020, il pénètre également le Sénat en devenant sénateur pour le Parlement flamand. Une institution dirigée par sa collègue de parti et amie Stephanie D’Hose. « Tom est plus qu’un collègue. C’est un ami. Nous sommes tous deux au cœur de l’Open Vld depuis 20 ans. C’est quelqu’un de très humble, qui n’a pas d’égo. Il a aussi beaucoup d’humour, et il faut pouvoir rire de temps en temps en politique ».
De l’avis de plusieurs observateurs, Tom Ongena travaille dur. « C’est quelqu’un de très constructif, avec qui il est agréable d’échanger, glisse Rodrigue Demeuse (Ecolo), qui préside une commission au Sénat où le libéral siège également. Tom n’est pas une grande gueule, il est plutôt discret et ne tire pas la couverture à lui ». Sabine Laruelle (MR), présidente honoraire du Sénat, ne le connait pas personnellement mais parle « d’un homme posé ». Un homme dévoué à son parti, aussi, à entendre Carl Devos. « On peut le voir comme un fidèle apparatchik de l’Open Vld, qui travaille en coulisses depuis de nombreuses années. »
Le personnage-clé pour apaiser les tensions au Vld ?
Au sein de l’Open Vld, Tom Ongena appartient à la frange ‘modérée’. « Il me semble qu’il cherche avant tout à construire des ponts et à travailler avec tout le monde », pose Rodrigue Demeuse. « Il n’est pas arrivé en politique grâce à son nom de famille (contrairement à Alexander De Croo, NDLR), précise Stephanie D’Hose. Tom a gravi les échelons du parti un par un. Son rôle ? Rassembler en interne car nous vivons une période difficile ». Carl Devos confirme que l’homme politique fait partie de l’aile gauche des libéraux, incarnée par le bourgmestre de Malines et ministre flamand Bart Somers, ainsi que par Alexander De Croo, « qui faisait plutôt partie de l’aile droite du parti par le passé ».
« De Croo est le seul véritable leader du parti »
Carl Devos, politologue (UGent)
Ce changement de bord peut s’expliquer par la fonction de la figure de proue du Vld : quand on est Premier ministre – d’un attelage à sept partis – il faut faire des compromis pour mener la barque de son gouvernement. Cette position « trop à gauche » d’Alexander De Croo serait l’une des causes de la rupture entre le leader de la Vivaldi et l’ex-président de parti Egbert Lachaert.
Tom Ongena est-il la marionnette de De Croo ?
Quand Egbert Lachaert a claqué la porte de la présidence de l’Open Vld, c’est Alexander De Croo qui a suggéré de nommer Tom Ongena président par intérim. Un choix stratégique du Premier ministre ? Au nord du pays, Tom Ongena a vite été surnommé « de handpop van De Croo », soit la marionnette de De Croo. « Quand Egbert était encore président, il avait chargé Tom de mener la campagne électorale en vue des élections de 2024, glisse Stephanie D’Hose. Il va simplement continuer le travail qu’il a entamé il y a 6 mois ».
L’actuelle présidente du Sénat ne veut pas entendre parler de marionnette, et nuance. « C’est normal qu’il s’aligne sur la position d’Alexander (De Croo, NDLR), qui est la tête pensante du parti ». Carl Devos, de son côté, n’a pas peur des mots. « De Croo est le seul véritable leader du parti, qui décide quelle direction prendre dans tous les dossiers importants ». Un ministre Vld, qui a voté pour Tom Ongena lors du congrès de parti, abonde : « Il a été confirmé comme interim manager. C’est quelqu’un qui connait la musique de la maison, mais devra trouver le bon tango pour s’entendre avec Alexander ».
Des élections en trompe-l’œil ?
Le bureau de parti de l’Open Vld a donc organisé des élections pour confirmer Tom Ongena en tant que président intérimaire du navire libéral. Une situation qu’Els Ampe, au départ candidate à la présidence, n’a pas supporté. L’échevine à la ville de Bruxelles, après avoir retiré sa candidature, a décidé de quitter le parti, dégoûtée par la manière avec laquelle se sont déroulées les élections lors du congrès. Chez les libéraux flamands, on assume le côté peu démocratique du procédé. « Au bureau de parti, nous avons décidé de modifier les règles du scrutin pour des questions pratiques », défend Rik Daems, chef de file de l’Open Vld au Sénat.
« Aucun des candidats adverses n’a jamais eu une chance équitable face à Tom Ongena »
Carl Devos, politologue (UGent)
Résultat : seuls les membres du Vld présents au congrès pouvaient choisir le futur président. « Ce qui s’est passé samedi au congrès est illibéral et non-démocratique, juge Carl Devos. La modification des statuts a été vue comme un vote de confiance par rapport à Alexander De Croo. En tout cas, l’image du parti est gravement endommagée. En Flandre, on parle du ‘’putsch De Croo’’, car aucun des candidats adverses n’a jamais eu une chance équitable face à Tom Ongena ».
Sans le vote électronique, 400 personnes sur les 700 participants au congrès ont soutenu Tom Ongena. Une légitimité démocratique très faible au vu des 45.000 membres que compte le parti bleu foncé, rappellent nos confrères du Soir. « Si on n’avait pas changé les règles, maintient Rik Daems, nous n’aurions pas eu de président avant le Nouvel An ». Comprenez : l’Open Vld ne pouvait pas se permettre d’attendre trois mois avant de lancer une campagne électorale plus que nécessaire, au vu des sondages, et qui avait jusqu’ici mal démarré, avec les déclarations d’Els Ampe et la fuite d’une note stratégique pour favoriser Alexander De Croo par rapport à ses opposants politiques en Flandre.
Quels défis pour Tom Ongena ?
Avec un Open Vld sous les 9% dans les derniers sondages, la tâche de Tom Ongena est lourde à porter. Mais les élus libéraux ont confiance en lui. « Il est notre personnage-clé pour la campagne, analyse Rik Daems. Il devra rassembler les opinions mais c’est un travailleur. Et quand il entreprend quelque chose, il aboutit toujours ».
Entreprendre, mais avec quel projet ? Carl Devos souligne que les contours de la campagne du Vld restent flous. « On peut s’accorder sur le fait que le parti est devenu une sorte de ‘Liste De Croo’. La seule chose qui compte, c’est de reconduire Alexander De Croo comme Premier ministre dans le prochain gouvernement. » Voilà la tâche ingrate de Tom Ongena, qui, bien que sous le feu des projecteurs, devra rester dans l’ombre de son leader, seul et unique capitaine à bord du navire Open Vld.
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