Suspension de l’accueil des hommes seuls: « Un coup de canif de plus dans l’Etat de droit »
La décision de la secrétaire d’Etat Nicole de Moor de ne plus offrir de place d’accueil aux hommes seuls demandeurs d’asile suscite l’indignation. Pour l »association « Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers » (Ciré), il s’agit d’ »un coup de canif de plus dans l’Etat de droit ».
L’association « Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers » (Ciré) n’est guère étonnée par l’annonce de la secrétaire d’Etat à l’Asile, Nicole de Moor, de suspendre l’accueil des hommes seuls demandeurs d’asile. Selon elle, il ne s’agit de rien d’autre que de l’officialisation d’une pratique en cours depuis deux ans.
« Cela officialise une pratique à l’œuvre depuis deux ans. Nous en sommes presque à ne pas comprendre les réactions indignées de certains membres du gouvernement alors qu’ils savent bien ce qui se passe. Depuis deux ans, nous dénonçons que les hommes seuls restent sur le carreau. Aujourd’hui, on porte un coup de canif en plus dans l’Etat de droit. En plus, cette décision ne réglera rien. Cela fait un certain temps que l’on s’attend à ce que, dès la semaine prochaine, des familles ne reçoivent pas de place », a expliqué la directrice générale, Sotieta Ngo, à l’Agence Belga.
L’Etat belge a déjà été condamné des milliers de fois pour défaut d’accueil de demandeurs d’asile le temps que leur demande soit examinée. Les actions en justice n’ont pas cessé et se poursuivront, avertit le Ciré.
Selon l’association, il est faux d’affirmer que l’Etat fait tout ce qu’il peut. Il a la possibilité de recourir à des hôtels pour trouver des places d’accueil et d’activer un plan de répartition entre communes, ce qu’il ne fait pas. « Le problème, c’est la volonté politique, le blocage est politique », a souligné Mme Ngo.
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Le Samusocial s’alarme
Selon l’asbl Samusocial, cette décision va entraîner une augmentation du public sans abri en rue et du nombre de refus de personnes en demande d’hébergement. Et ce, « alors que des centaines de personnes – hommes, femmes et familles – doivent dormir en rue étant donné les capacités limitées de nos centres déjà saturés », ajoute l’asbl.
Cette décision annonce également le renforcement prochain de la crise de l’accueil, alors que les besoins vont encore augmenter à l’approche de l’hiver, selon le Samusocial. « Nous regrettons de devoir constater l’absence totale d’information et de coordination avec les acteurs de terrain qui seront pourtant les premiers impactés par cette décision ».
Le Samusocial conclut en disant que « s’il faut bien entendu assurer aux enfants et aux femmes un accueil, l’État fédéral doit respecter ses obligations à l’égard de tous les candidats à l’asile. Des solutions doivent être trouvées pour qu’aucun demandeur d’asile ayant droit à l’accueil ne soit contraint à dormir dehors ».
Petra De Sutter demande un débat
La vice-Première ministre Groen, Petra De Sutter, demande que la décision de Nicole de Moor de ne plus offrir de place d’accueil aux hommes seuls demandeurs d’asile remonte au gouvernement.
« Je le regrette profondément. Ce que la secrétaire d’Etat de Moor a décidé en revient à formaliser une politique pour laquelle notre pays a été condamné d’innombrables fois. Je veux qu’au sein du gouvernement une discussion ait lieu sur des solutions fermes pour faire en sorte que personne ne dorme à la rue », a-t-elle déclaré.
Dès l’annonce de Mme de Moor (CD&V), le vice-Premier Ecolo, Georges Gilkinet, avait également qualifié la décision d' »extrêmement problématique« .
En Région bruxelloise, à l’heure où le fédéral, la Région et les communes tentent de résoudre les problèmes qui se posent à la Gare du Midi, l’annonce est mal passée. Les ministres Alain Maron (Ecolo) et Bernard Clerfayt (DéFI) ont déjà exprimé leur vive désapprobation. Le ministre-président Rudi Vervoort (PS) a fait part de sa préoccupation. « Cette décision préoccupante de la secrétaire d’Etat risque d’engendrer un nouvel afflux de public en errance en Région bruxelloise. Nous attendons du fédéral une solution dans les plus brefs délais », a-t-il déclaré sur X.
« Ne pas instrumentaliser les familles avec enfants »
La décision fait également bondir également la Ligue des familles qui, dans un communiqué , demande de ne « pas instrumentaliser les familles avec enfants ».
La Ligue des familles dit avoir « pris connaissance avec consternation de l’annonce de la Secrétaire d’Etat Nicole de Moor indiquant qu’elle n’accueillerait plus les hommes seuls au sein du réseau Fedasil afin de garantir des places aux familles avec enfants ». La Ligue en profite pour rappeler au gouvernement ses obligations légales, notamment de « fournir un toit à tous les demandeurs d’asile pendant la durée de leur procédure, quelle que soit leur situation familiale ». Les familles avec enfants « ne peuvent servir de prétexte pour laisser d’autres personnes dormir dans la rue », ajoute la Ligue.