Sursalaires de Valentine Delwart: la secrétaire générale du MR a brouillé les cartes jusqu’au bout, avec l’aide du parti (info Le Vif)
La libérale, qui a crevé le plafond du cumul de ses rémunérations pendant cinq ans, a tout tenté pour obtenir une interprétation favorable de son salaire sur fonds publics, qu’elle savait problématique. Le MR l’a épaulée en ce sens.
Lors du conseil communal d’Uccle du 28 mai, Valentine Delwart l’a clamé haut et fort: oui, elle a bien lu l’ordonnance du parlement bruxellois de 2017 qui encadre le cumul des rémunérations des mandataires –lesquels soumettent chaque année leur déclaration à la cellule de transparence du parlement régional. Mais non, en toute «bonne foi», et pendant cinq ans, l’échevine des finances uccloise et secrétaire générale du MR n’avait pas remarqué que ses cumuls dépassaient le plafond fixé par l’ordonnance, du fait que son poste au sein du parti est payé par la Chambre des représentants, et non par le MR.
«Mon avocat a immédiatement écrit au procureur du roi pour indiquer que je souhaite être entendue dès que possible.»
Ces dépassements lui ont valu une plainte de Transparencia pour faux et usage de faux, et détournement d’argent public au profit du MR. A la suite de celle-ci, le parquet de Bruxelles a ouvert une enquête, comme l’a révélé Le Vif. «Mon avocat a immédiatement écrit au procureur du roi pour indiquer que je souhaite être entendue dès que possible», fait savoir Valentine Delwart, qui dit avoir porté plainte en diffamation contre Claude Archer, porte-parole de Transparencia.
Encombrante fiche de paie
A première vue, Valentine Delwart semble effectivement «de bonne foi»: «J’ai rempli ma déclaration (NDLR: transmise à la cellule par la commune) une première année, une deuxième année, une troisième année, une quatrième année», énumère l’échevine au conseil communal en mai dernier, expliquant s’être «interrogée» à la cinquième fois, après avoir relu le vade-mecum du parlement bruxellois sur le sujet. Selon la mandataire, des questions ont alors été transmises par elle au secrétariat communal d’Uccle, qui a interrogé la cellule Transparence du parlement en juillet 2023 –sans mentionner le nom de la personne concernée. La cellule a répondu, dixit Valentine Delwart, «à une série d’interrogations, mais pas à toutes». S’en est suivi un «échange d’e-mails entre la cellule et [elle]-même pour s’assurer de la bonne lecture à avoir de cette ordonnance».
L’échange en question durera huit mois. C’est finalement la Chambre elle-même qui, après une confrontation entre la mandataire et la cellule Transparence, lui a formellement confirmé, en février dernier, le caractère public de sa rémunération. Et donc le dépassement du plafond.
Pourquoi avoir attendu tout ce temps pour clarifier sa situation? «Parce que les questions juridiques qui se posaient étaient d’abord de savoir si on parlait d’une fonction ou d’un mandat», justifie l’échevine. Pourtant, malgré ses doutes, celle-ci a bien mentionné dans sa déclaration d’octobre 2023 –consultée par Le Vif– une «activité» de secrétaire générale du MR à titre «privé». Or, ce n’était pas le cas, l’annexe jointe à sa déclaration en atteste: à savoir sa fiche de paie, où la Chambre apparaît comme débitrice de son salaire en tant que secrétaire générale du MR. Une fiche fiscale qui fait foi: c’était d’ailleurs l’avis de la cellule de Transparence, qui avait prévenu Valentine Delwart de la teneur de son analyse dès le début de leurs échanges. Mais la cellule ne pouvait jurer de rien puisque, entre juillet 2023 et février 2024, la mandataire n’a pas transmis ses fiches fiscales.
Le parti tente le tout pour le tout
«La grande question était de savoir si la Chambre considérait que son mandat était privé ou public», confirme-t-on du côté de la cellule, où l’on mentionne, comme Valentine Delwart, une demande «d’attestation» auprès de celle-ci pour lever le doute. Sauf que ce n’est pas une «attestation» que la secrétaire générale du MR a demandé à la Chambre en février dernier, plutôt une dérogation en vertu du fait que l’institution peut effectivement prendre en charge le salaire des collaborateurs des parlementaires et des collaborateurs des groupes politiques désignés par le parti (ce qui est son cas). Malgré l’insistance du MR, la Chambre n’a pas cédé.
«Une demande a […] été faite via le groupe MR à la Chambre de vérifier s’il était possible pour la Chambre d’attester que conformément à l’article 4 du statut des collaborateurs politiques, [je sois] mise à disposition du président de groupe et non pas une employée de la Chambre», reconnaît Valentine Delwart, à qui la Chambre a signifié qu’elle n’en demeurait pas moins son employée. «Ceci clôturait les échanges juridiques et j’ai dès lors directement indiqué que je m’engageais à rembourser les montants dépassant le plafond de rémunération», résume la secrétaire générale du MR, estimant que le déroulé des faits «démontre que c’est à [s]on initiative que l’analyse a été faite et qu’[elle a] suivi avec diligence cette analyse.»
Question «lancinante»
Au sein du bureau du parlement bruxellois, certains doutent pourtant de la «diligence» de l’échevine uccloise. «On nous a dit beaucoup de choses au bureau sans nous transmettre les échanges qui ont pu avoir lieu, lâche ce mandataire bruxellois, ajoutant que la cellule Transparence semblait lui trouver beaucoup de circonstances atténuantes.» «Depuis un certain nombre d’années, la question (NDLR: des dépassements de Valentine Delwart) est lancinante», dit cet autre député, tout aussi échaudé par les atermoiements de la cellule en vue de clarifier le statut de la secrétaire générale du MR.
«Depuis un certain nombre d’années, la question [des dépassements de Valentine Delwart] est lancinante.»
Du côté du parti, averti par Valentine Delwart de ses échanges avec la cellule Transparence, c’est silence radio. La situation de la secrétaire générale était-elle connue? En tout cas, ses proches collaborateurs se sont montrés clairs dans leurs déclarations passées. Son adjoint, Thomas Salden, indique bien être rémunéré par l’asbl du parti, d’après les données transmises à la Cour des comptes. Et ceux qui sont payés par de l’argent public le disent aussi. Tel Maxime Daye, bourgmestre de Braine-le-Comte et conseiller chez les libéraux, rémunéré par l’entremise du parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles comme assistant parlementaire. Ce qui est légal, et sans ambiguïté comparé à ce qu’a déclaré Valentine Delwart, secrétaire générale du parti prétendument payée, d’après ce qu’affiche la Cour, par le Mouvement réformateur. Délibéré ou non, c’était tout simplement faux.
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