Suppression des provinces: les électeurs du MR sont deux fois plus nombreux à le souhaiter que ceux du PS (info Le Vif)
Les Belges se montrent clairement divisés sur la disparition des provinces, selon une enquête de la KULeuven. Les électeurs du MR sont néanmoins deux fois plus nombreux à le vouloir que ceux du PS.
L’institution politique provinciale survivra-t-elle aux élections de ce 13 octobre 2024? Ce niveau de pouvoir a été largement décrié ces derniers mois par le MR et Les Engagés, lors de l’annonce du nouveau gouvernement wallon, qui le voit comme une couche indigeste dans la lasagne institutionnelle belge. Les deux partenaires espèrent abolir le scrutin provincial d’ici 2030 et changer la recette pour entamer une sérieuse réforme.
Le rôle des provinces est également questionné par la Flandre, qui entend mener une évaluation sur son efficacité, selon l’accord du gouvernement flamand, comprenant la N-VA, le CD&V et Vooruit. Sans compter les critiques sur le coût, notamment en Wallonie, de ce niveau de pouvoir. Des messages qui confirment cette impression d’un niveau de pouvoir provincial remis en cause, voire en sursis.
Si le politique a fait de cette question un enjeu, qu’en pense réellement la population du pays? Une nouvelle étude menée par l’université de Louvain (KULeuven) avec le bureau Bilendi auprès de 2.600 personnes éclaire la situation… en y ajoutant l’indécision des Belges.
Les personnes sondées dans l’étude se montrent en effet extrêmement divisées sur le maintien ou la disparition des provinces. Tant au nord qu’au sud du pays d’ailleurs. Les Wallons sont ainsi autant à vouloir la fin des provinces (39%) que sa poursuite (38%). Côté flamand, la disparition est voulue par 36% de personnes interrogées, soit six points de moins que pour le maintien (42%). Et environ un sondé sur cinq ne se prononce pas.
La situation n’est pas plus claire en ventilant les résultats par lieu de résidence, note la KULeuven. Seul le Limbourg se détache, étant le lieu le plus en faveur du maintien des provinces, pour plus d’un sondé sur deux (54%).
«Étrangement, ces résultats partagés nous montrent qu’il y a une vraie opinion sur les provinces, avec environ 80% de personnes pour ou contre, note Marc Hooghe, politologue à la KULeuven, coauteur de l’étude. Le pourcentage de personnes sans avis, qui peuvent signaler un désintérêt ou manque de considération pour l’action provinciale, rejoint d’autres résultats déjà vus pour d’autres niveaux de pouvoir. Dire simplement que les provinces importent peu aux Belges et qu’ils souhaitent juste leur disparition est donc trop réducteur.»
Entre électeurs socialistes et libéraux, 50/50
Une ventilation des réponses selon les affinités politiques des répondants donne également à voir la fracture MR et PS.
Le parti libéral a fait de la bonne gestion un message fort de sa campagne, espérant une réforme des provinces, confirmée dans l’accord de gouvernement noué avec Les Engagés. Message reçu visiblement par les électeurs de droite, qui sont parmi ceux répondant le plus positivement à la proposition de suppression des provinces (50%).
De l’autre côté du spectre, les électeurs du Parti socialiste sont ceux le plus en faveur du maintien des provinces (51%). Ils devancent notamment le PTB, ce qui étonne le politologue qui pointe que pour d’autres questions «les répondants ayant choisi ce parti sont les plus négatifs envers le système politique, ont le moins de confiance en général envers les institutions et expriment le plus de mécontentement».
Les Flamands connaissent mieux leur gouverneur
Concernant la connaissance réelle des provinces et de leur action, la KULeuven a notamment demandé aux sondés s’ils connaissaient le nom du gouverneur en fonction. Une vraie différence apparaît ici entre Flamands et Wallons: respectivement 67% et 38% sont capables de l’identifier correctement dans une liste de plusieurs noms.
«En Flandre, il y a notamment eu une exposition plus forte des gouverneurs durant la crise sanitaire liée au Covid, avance Marc Hooghe. Ils ont peut-être un niveau d’activité ou de visibilité médiatique plus fort que ceux du sud du pays, ce qui les rend plus identifiables par la population. Par exemple Carl Decaluwé, gouverneur de Flandre occidentale, est partout. Il est aussi en place depuis longtemps et trois personnes sur quatre peuvent citer son nom.»
Si les dramatiques inondations de 2021 ont pu donner une certaine visibilité à l’action provinciale d’urgence au sud du pays, notamment pour Liège, avec aussi son lot de critiques, «ce sont davantage les bourgmestres, et non les gouverneurs, qui étaient les visages mis en avant par les médias. Le réflexe semble être de se tourner d’abord vers eux, parce qu’ils incarnent une forme de proximité», émet comme hypothèse le politologue.
L’étude a également mesuré la confiance que les citoyens accordent à leur province. Elles s’en sortent avec un score moyen de 4,9 sur 10, soit moins que la commune, qui atteint 5,4/10, mais plus que le niveau fédéral, avec 4,6/10. Ces différences sont similaires entre le nord et le sud du pays, mais ceux qui connaissent le nom de leur gouverneur attribuent à la province une note de 5,1/10, contre 4,7/10 pour ceux qui l’ignorent.
Loin d’être terminé, le débat sur l’avenir des provinces sera éminemment complexe. Et derrière les fourneaux, le politique aura encore l’occasion de se rendre compte que la lasagne belge ne manque définitivement pas d’épice.
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