Alors qu'ils représentent 28 % de la population, les électeurs non Belges sont seulement 15 % à s'être inscrits pour les communales 2024 © Belga

Si peu de résidents étrangers vont voter aux communales 2024 : «Il y a plusieurs facteurs»

Les résidents étrangers sont autorisés à voter depuis 2006 aux élections communales en Belgique. Alors que cette population représente 28 % du potentiel électorat du pays, seulement 15 % d’elle est inscrite sur les listes. Voici comment l’expliquer.


Depuis 2006, les résidents étrangers (citoyens de l’UE et hors UE) en Belgique ont le droit de voter aux communales, s’ils remplissent certaines conditions. Et ils sont légions en Belgique, où, en 2021, plus de 12 % de la population résidant en Belgique possédait une nationalité étrangère, selon Stabel. Pourtant, peu d’entre eux sont inscrits sur les listes électorales.

Selon les chiffres du SPF intérieur, 15,29 % des résidents étrangers seulement sont inscrits pour le scrutin de ce dimanche, soit 162.817 personnes sur 1.064.506 électeurs potentiels. C’est en Wallonie que les communales ont le plus de succès auprès des étrangers cette année, avec 24,6 % des ressortissants de l’UE inscrits et 18,62 % pour les non européens. En Région bruxelloise, les Européens ont été 17,09% à s’inscrire, tandis que les non Européens sont 13,25%. En Flandre, il y a 10,4% d’électeurs européens inscrits et 7,6% d’électeurs non européens. Comment expliquer ce si faible engouement ?  

Un manque d’information

«Il y a plusieurs facteurs», déroule Emilie van Haute, professeure de Science politique à l’ULB. D’abord, les démarches administratives. Contrairement aux Belges qui sont inscrits de fait puisque le vote est obligatoire (du moins en Wallonie et à Bruxelles), les étrangers doivent s’inscrire et il s’agit de le savoir. Chaque commune gère sa communication autour du sujet. «On voit que les entités qui communiquent le plus et informent le plus les citoyens ont un taux d’inscription plus élevé», avance la professeure, qui pointe aussi une question de « timing ». «Les inscriptions avaient lieu pendant l’été (NDLR: Le 31 juillet était la date de clôture des inscriptions), ce n’est pas nécessairement le meilleur moment». Emilie van Haute souligne également la confusion qu’il y a pu avoir avec les élections européennes de juin, où les étrangers devaient là aussi faire une autre démarche pour voter.

C’est pour cette raison que des organisations comme Restless Brussels prennent le relais des pouvoirs publics. Cette asbl fondée en 2023 a mené une campagne pour pousser les citoyens étrangers à s’inscrire sur les listes électorales à Bruxelles. «On a commencé notre travail en mai, il y avait 12 % de résidents étrangers inscrits à ce moment-là et on est parvenu à 17 % d’inscrits aujourd’hui», raconte Chris Ruff, chargé de la communication. Ce néo-Belge déplore les délais d’inscription : «L’échéance de trois mois avant les élections pour s’inscrire, c’est trop. Il y a des gens qui ne viennent nous voir que maintenant pour s’inscrire et c’est trop tard», regrette-t-il.  

Le vote obligatoire effraie

«La peur du vote obligatoire revient souvent dans les enquêtes. Les non Belges sont socialisés dans d’autres pays où le vote n’est pas obligatoire pour la plupart. Ils n’ont pas forcément connaissance des spécificités du vote obligatoire en Belgique et craignent la sanction», argue aussi la spécialiste en science politique. Chose que confirme également Chris Ruff.

Mais encore faut-il que les étrangers, cette population souvent mobile, en particulier à Bruxelles, soient intéressés de voter. C’est en particulier le cas pour les Européens pour lesquels il n’y a pas de conditions de durée de présence sur le territoire belge pour voter. «Depuis combien de temps et pour combien de temps les personnes restent en Belgique? Il n’y a pas toujours une présence de longue durée et donc une socialisation à la vie politique locale», avance Emilie van Haute. Ceci pourrait d’ailleurs expliquer en partie le plus fort taux d’inscription en Wallonie. «Bruxelles est une ville très internationale avec beaucoup de rotation et de mouvement dans sa population». «Certains étrangers ne sont pas au courant des problématiques et compétences du pouvoir local», abonde Chris Ruff.

Une manne électorale peu exploitée 

La professeure de l’ULB n’hésite pas à renvoyer la faute au politique. « Il y a parfois peu d’efforts entrepris par les partis politiques pour aller vers ces populations. A Bruxelles, on a 34 % d’électeurs potentiels qui sont très peu mobilisés par les partis. On le voit sur les listes où il y a très peu de candidats étrangers. Sans candidat, il y a moins de sentiment de se sentir représenté et intégré», explique la politologue . Pour rappel, seuls les ressortissants de l’UE peuvent être candidats sur les listes communales.  

En Wallonie par exemple, sur les 17 325 candidats pour les communales, il y a seulement 1, 6 % de candidats non-Belges, renseigne le Service Public de Wallonie.

«Je ne pense pas que les électeurs votent en fonction du rattachement à une nationalité. Nous sommes contre le vote communautaire, on préfère cibler des citoyens qui sont ancrés dans une vie de quartier», répond Jean-Louis Hanff, 5e sur la liste des Engagés de Woluwe Saint-Lambert. Trois étrangers figurent sur la liste, «mais ce n’est pas pour cette raison qu’ils se présentent. Ce sont des personnes bien implantées dans la vie locale de Woluwe».

Au PS, il semblerait que l’électorat étranger soit un peu moins négligé. Dans la région bruxelloise, il a treize candidats étrangers qui figurent sur les listes PS : une à Bruxelles ville (PS – Vooruit), deux à Schaerbeek, un à Uccle, un à Forest, et 5 pour Etterbeek et Ixelles respectivement, les deux communes de la Région Bruxelles capitale où il y a le plus de non-Belges (49 %). «La population étrangère est une cible électorale pour nous, c’est pour cette raison que le parti nous engage sur les listes », avance Elisa Gambardella, 28e sur la liste PS de Schaerbeek. L’Italienne regrette que seulement 13 % des non Belges de Schaerbeek soient inscrits sur les listes alors que la commune compte 35 % de nationalité étrangère.

De son côté Chris Ruff pointe la barrière de la langue. «Beaucoup de gens à Bruxelles n’ont pas un bon niveau de français ou de néerlandais et les partis locaux ne font pas d’événements en anglais», rappelle le bénévole. Ce pourquoi Restless Brussels a organisé des rencontres en langues étrangères avec différents partis politiques bruxellois. Beaucoup ont répondu présent sur la capitale : Ecolo, Vooruit, MR, Open Vld, PS et les Engagés. Selon l’associatif, ce sont les partis flamands qui paraissent les plus réceptifs à l’électorat étranger. «Peut-être parce que l’anglais des flamands est meilleur et parce que ça pourrait leur permettre de gagner plus de voies à Bruxelles où ils sont moins représentés. Il y a quand même un tiers des Bruxellois qui ne sont pas belges», rappelle-t-il. À l’échelle du pays, les électeurs non belges représentent 28% de la population.





















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