« Si ce sont des menaces, il faut qu’il les explicite » : Ecolo veut auditionner le patron de Belfius au Parlement
Selon le CEO de Belfius, le carton inattendu du bon d’Etat pourrait contraindre les banques à revoir leurs conditions d’emprunt. Alors que Belfius est la seule banque 100% publique du pays, les propos de Marc Raisière crispent la Vivaldi. Ecolo exige son audition au Parlement.
Un succès fulgurant. Avec près de 22 milliards d’euros récoltés, le bon d’Etat initié par le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) a atteint des sommets inespérés. Un manne d’argent qui permettra d’éponger partiellement la dette belge.
Si la nouvelle est de bon augure pour les finances publiques, certaines banques redoutent le revers de la médaille. Pour Marc Raisière, CEO de Belfius, l’évaporation de ces liquidités des livrets d’épargne classiques risquent de contraindre les établissements bancaires à revoir leur politique en termes d’emprunt. « Dès l’instant où certaines banques, suite à l’opération bon d’État, voient leurs liquidités diminuer, elles seront moins présentes sur le monde des crédits. Donc moins de compétition et des conditions peut-être moins favorables », a-t-il avancé sur les ondes de Bel RTL, évoquant une « évidence mécanique » et non un « avis personnel ».
Belfius: des propos « incompréhensibles »
Sa mise en garde a eu le don d’irriter la Vivaldi, à commencer par le ministre des Finances. « A l’heure où vous réalisez des bénéfices exceptionnels, dire que vous allez rendre le prêt immobilier encore plus cher est incompréhensible », s’est agacé Vincent Van Peteghem dans la presse flamande. Les critiques sont d’autant plus vigoureuses que Belfius est la seule banque belge à 100% entre les mains de l’Etat. « A la fois sur le fond et sur la forme, je trouve inacceptable que le patron d’une banque publique – qui est détenue par le contribuable – mette en cause la politique de l’Etat », a déploré sur RTL le ministre de l’Economie Pierre-Yves Dermagne (PS).
Pour le chef de groupe Ecolo à la Chambre, Gilles Vanden Burre, les propos de Marc Raisière s’apparentent à des « menaces à peine voilées ». « Belfius est une des banques qui a le moins rehaussé ses taux sur les comptes épargne depuis la remontée des taux à l’international, rappelle le député écologiste. Or, on n’arrête pas de répéter que les petits et moyens épargnants doivent en profiter. Que le CEO vienne en plus en rajouter une couche en menaçant d’augmenter les taux d’emprunt, c’est inacceptable. En tant que patron d’une banque à 100% publique, Marc Raisière devrait considérer l’intérêt général de l’économie et des citoyens plutôt que se livrer à des déclarations à l’emporte-pièce. »
Si Gilles Vanden Burre conçoit que le succès du bon d’Etat soit « une surprise pour tout le monde », il estime qu’il ne met absolument pas en péril l’équilibre et la stabilité des banques. « L’année dernière, l’ensemble du secteur a engrangé plus de six milliards de profits et, cette année, on se dirige à nouveau vers des records, insiste-t-il. Les banques sont en excellente santé, donc qu’on ne vienne pas crier à l’instabilité. »
« Un big stress test »
Dans l’opposition, la députée Catherine Fonck (Les Engagés) déplore une « attaque politique vendeuse » dans le chef de Gilles Vanden Burre. Elle appelle à ne pas sous-estimer l’impact du bon d’Etat sur les banques. « Les bons d’Etat, c’est une bonne affaire pour ceux qui y ont investi (…). Mais 20 milliards d’euros, c’est un big stress test pour les banques. Et donc, ce n’est peut-être pas favorable pour les autres citoyens petits emprunteurs… ».
Cela étant, les propos de Marc Raisière n’ont pas trouvé écho chez le CEO de BNP Paribas Fortis, Michael Anseeuw. Pour le patron de la plus grande banque du pays, le succès du bon d’Etat ne représente pas une menace en soi. « La concurrence jouera un rôle plus important que la baisse de liquidités, tranche-t-il dans les colonnes du Soir. Prenons la chose autrement : 3,5 % de nos clients sont concernés par ce bon d’Etat. Cela représente moins de 3 % de leurs avoirs. Evidemment que nous devons être attentifs à ces 3 %, mais l’impact est à relativiser. C’est inédit, mais pas dangereux.»
Face à ces discours « contradictoires », Gilles Vanden Burre s’interroge sur la nature des propos de Marc Raisière. « Quelle était l’intention du patron de Belfius ? Une simple provocation ? Du cynisme à toute épreuve ? Si ce sont des menaces, il faut qu’il les explicite », insiste l’écologiste, qui appelle le CEO à venir s’expliquer au Parlement. « Des auditions sont prévues prochainement en commission des Finances sur le bon d’Etat, où différents acteurs seront interrogés. Dans ce cadre, nous allons demander l’audition de Marc Raisière pour comprendre quelle est la portée de sa menace », conclut le chef de groupe.
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