Seuls 3 députés non réélus sur 10 ont renoncé à leurs indemnités de sortie (Info Le Vif)
Trois mois après la fin de leur mandat, 68,8% des députés fédéraux et 78,5% des parlementaires wallons ont réclamé leurs indemnités de sortie. Un coût non négligeable pour les finances publiques.
C’est un jeu de chaises musicales qui survient tous les cinq ans. Au lendemain de chaque scrutin fédéral et régional, la composition des différentes assemblées du pays est renouvelée. Certains députés prêtent serment pour la première fois, alors que d’autres rendent leur tablier après de longues années de service. A l’issue des élections du 9 juin, un total de 207 parlementaires ont vu leur mandat non renouvelé, tout hémicycle confondu. Qu’ils aient été incapables de récolter le nombre de voix nécessaires à leur reconduction ou simplement qu’ils aient décidé de ne pas se représenter, ces députés sortants n’ont pas droit au chômage, leur statut social n’étant pas assimilé à celui d’un travailleur lambda. Les ex-élus peuvent par contre prétendre à des indemnités de sortie, qui devaient être réclamées avant le 1er ou le 9 septembre (selon l’assemblée concernée).
Ces compensations ne sont en effet pas automatiquement versées aux députés non reconduits, mais doivent faire l’objet d’une demande explicite, formulée par écrit au Bureau du parlement dans les trois mois suivant la cessation du mandat. L’absence de réaction est considérée comme un refus.
Environ 7 demandes sur 10 d’indemnités de sortie
Au terme de cette date butoir, il apparaît que la très grande majorité des ex-mandataires ont profité de ce droit. A la Chambre des représentants, 62 demandes d’indemnités ont été introduites sur les 90 membres non-réélus à l’issue du 9 juin, selon les données du Parlement fédéral communiquées au Vif. Cela représente donc près de 7 ex-députés sur 10 (68,8%). Un pourcentage qui est en réalité sous-estimé: depuis lors, certains anciens membres ont de nouveau été appelés à siéger à la Chambre par la voie de la suppléance ou siègent désormais dans une autre assemblée, les privant logiquement d’indemnités de départ. Le pourcentage d’ex-élus touchant en réalité ces compensations tournerait ainsi plutôt autour des 75%.
Au Parlement de Wallonie, 33 indemnités de fin de mandat ont été réclamées sur 42 membres non réélus, indique l’assemblée. Soit 78,5% des parlementaires concernés.
Qui a refusé?
Les assemblées refusant de communiquer sur les dossiers personnels de leurs membres, il est impossible de connaître avec précision l’identité des mandataires qui ont renoncé à ces indemnités. Plusieurs députés ont toutefois annoncé publiquement leur refus, généralement après avoir décroché un nouvel emploi. C’est notamment le cas de l’ex-membre de la Chambre Samuel Cogolati (Ecolo), nommé coprésident des Verts durant l’été. «Il n’est pas question d’utiliser l’argent public prévu comme filet de sécurité alors que j’ai à présent un travail et un salaire», justifie le Liégeois. Début juillet, le PTB avait également annoncé que ses 15 députés non réélus (dont quatre à la Chambre et cinq au Parlement wallon) refuseraient leur «prime de départ» afin de dénoncer ce «système de privilèges».
Il est vrai que, cumulées, les indemnités de départ atteignent parfois des sommes colossales. Pratiquement, ces compensations sont calculées en fonction du nombre d’années au cours desquelles le député a siégé, quel que soit le parlement (régional ou fédéral). Un an passé dans un hémicycle donne droit à deux mois d’indemnités de départ. Ces indemnités équivalent à l’indemnité mensuelle du parlementaire (son «salaire») lorsqu’il était encore en exercice, fixée à 8.814,45 euros bruts par mois depuis le 1er juin 2024, à laquelle il faut ajouter son indemnité forfaitaire pour frais exposés (fixée à 2.597,94 euros par mois au 1er juin 2024). Soit un total de 22.824 euros bruts (11.412 fois deux) par année passée au Parlement.
Un budget de 4 millions en Wallonie
Pour éviter de débourser des sommes trop mirobolantes pendant des années, les parlements ont toutefois instauré un plafond. L’indemnité de sortie est ainsi accordée pour une durée minimale de 4 mois et maximale de 24 mois (peu importe l’ ancienneté du mandataire). Un député en fonction depuis 37 ans ne pourra donc pas prétendre à 74 mois d’indemnités de départ, mais bien à deux ans (24 mois).
Lire aussi | Le parachute doré des élus sortants
A noter que ces sommes sont brutes. Contrairement aux indemnités parlementaires classiques (partiellement exonérée d’impôts), les indemnités de sortie sont intégralement taxées. Elles ne sont pas non plus perçues d’un seul coup, mais sont versées par tranches mensuelles. «Ce n’est donc pas un chèque en blanc qui atterrit sur le compte de l’ex-parlementaire en un claquement de doigt», résume Jean Faniel, directeur général du Centre de recherches et d’informations socio-politiques (Crisp). Enfin, comme évoqué plus haut, ces indemnités remplacent les allocations de chômage auxquels les ex-mandataires n’ont pas droit. Un régime spécifique que plusieurs partis veulent abroger, afin de soumettre les élus au droit classique de la sécurité sociale.
«Ce n’est pas un chèque en blanc qui atterrit sur le compte de l’ex-parlementaire en un claquement de doigt»
Jean Faniel
Directeur général du Crisp
Quoi qu’il en soit, les indemnités de sortie représentent un coût important pour les finances publiques. A titre d’exemple, le Parlement wallon a estimé à 4.007.595 euros le montant alloué à ces allocations rien que pour l’année 2024. Un budget qui pourrait être revu à la suite des élections locales, précise l’institution, mais qui ne sera toutefois pas à charge intégrale du Parlement wallon. Une partie sera récupérée auprès des autres assemblées dans le cas des carrières mixtes, c’est-à-dire lorsque le bénéficiaire a siégé au cours de son parcours politique dans une ou plusieurs autres assemblées.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici