Schizophrène, la N-VA ? « Le PS est le plan A, le Vlaams Belang est le plan B »

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

La N-VA tend une nouvelle fois la main au PS, pour former un ‘cabinet d’affaires’ après les élections. Ce gouvernement serait uniquement habilité à la gestion du budget, et à la préparation du volet socio-économique. En parallèle, les deux partenaires négocieraient une réforme institutionnelle, pour ouvrir la voie au confédéralisme. Décodage de cette sortie schizophrénique de Bart De Wever, qui révèle les plans des nationalistes pour l’après-2024.

Que fera la N-VA à l’issue du mégascrutin de 2024 ? À cette question posée et reposée depuis des mois, Bart De Wever répond tout et son contraire. Ce weekend, le président des nationalistes flamands est revenu à la charge lors des vœux de son parti pour l’année à venir. Il se verrait bien Premier ministre d’un zakenkabinet (‘cabinet d’affaires’), sorte de gouvernement en affaires courantes amélioré formé avec le PS. Un exécutif qui, tout en faisant le minimum pour maintenir la Belgique à flot, préparerait le terrain du confédéralisme.

Pourquoi former un tel gouvernement ?

Pour Dave Sinardet, politologue à la VUB, ce zakenkabinet a peu de chances d’aboutir. « La N-VA devrait trouver d’autres partenaires de coalition, après avoir convaincu le PS. Le parti nationaliste évoque la gestion du budget comme celle d’une to-do list. Mais choisir à quoi l’on consacre l’argent de l’Etat, c’est précisément faire de la politique ».

« Le PS peut gouverner sans la N-VA, mais la N-VA ne peut pas gouverner sans le PS »

Carl Devos, politologue à l’UGent

En réalité, les propositions de Bart De Wever visent à éviter de répondre à la question que tout le monde se pose : la N-VA osera-t-elle gouverner avec le Vlaams Belang ? « Le plan A de la N-VA reste un deal avec le PS au fédéral, avant de faire bouger les lignes au niveau flamand. Le plan B, si les nationalistes restent dans l’opposition au fédéral, c’est de former une majorité avec le Belang. Mais seulement s’ils n’ont plus rien à perdre », continue Dave Sinardet.

Que pense le PS de la proposition de la N-VA ?

Paul Magnette ne veut pas, pour l’instant, d’une coalition fédérale avec la N-VA © getty images

Le président du Parti Socialiste Paul Magnette répond – depuis des mois – par la négative aux appels du pied de son homologue flamand. Carl Devos ne voit pas pourquoi les socialistes francophones accepteraient de former un zakenkabinet avec la N-VA. « Leurs projets socio-économiques pour la Belgique sont diamétralement opposés. Le PS a une alternative, qui est la reconduction de la Vivaldi. Le PS peut donc gouverner sans la N-VA, mais la N-VA ne peut pas gouverner au niveau fédéral sans le PS ».

Mais les nationalistes flamands sont prêts à tout pour reprendre les rênes du plat pays. « La N-VA veut forcer l’Open VLD et le CD&V à constituer un gouvernement fédéral qui serait majoritaire côté flamand, continue le politologue de l’UGent.

« La N-VA ne gouvernera jamais avec le Vlaams Belang en Flandre si elle a la possibilité de gouverner au niveau fédéral »

Carl Devos, politologue à l’UGent

« La N-VA ne gouvernera jamais avec le Vlaams Belang en Flandre si elle a la possibilité de gouverner au niveau fédéral et d’y mettre en œuvre certaines réformes qu’elle vendra comme du « confédéralisme » au nord du pays », pointe Carl Devos, politologue de l’UGent. « Par conséquent, quel que soit le scénario, il est préférable que le PS et la N-VA trouvent un accord ensemble et forment la base du prochain gouvernement fédéral. Jusqu’aux élections, les attaques se poursuivront parce qu’ils sont les meilleurs ennemis l’un de l’autre. Mais après les élections, ils devraient rapidement s’asseoir autour d’une table et se ressaisir ».

Bart De Wever veut-il vraiment devenir Premier ministre ?

Bart De Wever
Bart De Wever aime l’ambiguïté © Belga

« En fin stratège, Bart De Wever veut montrer aux électeurs qu’il est prêt à prendre ses responsabilités », analyse Dave Sinardet. Mais, au-delà de la com’ électorale, celui qui préside la N-VA depuis 20 ans n’ambitionnerait pas réellement de conquérir le 16, Rue de la Loi. « Il fait campagne contre la Belgique mais veut diriger ce pays. Pour de nombreuses personnes, voir un nationaliste flamand endosser le costume de Premier ministre ne serait pas crédible. Bart De Wever ne le fera pas s’il n’a pas de garantie sur la réforme de l’Etat », juge Carl Devos.

La proposition de la N-VA n’est pas neuve

Que la N-VA veuille conditionner la formation d’un gouvernement au règlement de la question institutionnelle n’est pas nouveau. En mai dernier, Bart De Wever plaidait déjà pour la formation d’un ‘mini-cabinet’ avec le PS. « Vous n’occupez que les postes de vice-Premiers ministres et vous vous mettez d’accord sur quelques objectifs minimaux, notamment budgétaires. Pendant ce temps, vous reconstruisez le pays en profondeur, avec un virage confédéral. », déclarait-il.

Sur le fond, la proposition du parti nationaliste n’a pas bougé d’un iota. Seule la forme a changé, confirme Dave Sinardet. « Bart De Wever ne parle plus de mini-cabinet mais de cabinet d’affaire ». Une adaptation lexicale qui n’est pas anodine, estime Carl Devos. « Cela fait penser à un gouvernement d’experts, solution envisagée pour réconcilier les citoyens avec la politique« .

Le président de la N-VA aime faire le contraire de ce qu’il dit. En 2014, Bart De Wever n’avait pas exclu de devenir Premier ministre. En 2019, il envisageait la ministre-présidence flamande. Dans les deux cas, l’historien de formation est resté président de parti et bourgmestre d’Anvers.

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