Sandrina Gaillard, candidate écologiste sur la liste Huy en Commun, habite à Tihange, au pied de la centrale nucléaire.

Sandrina Gaillard, candidate écolo au pied de la centrale de Tihange: «Sur le nucléaire, je suis plus modérée que la ligne du parti»

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Série 2/5 | L’écolo Sandrina Gaillard pousse la liste Huy en Commun, et habite Tihange. «On se fait engueuler par les gens qui y travaillent, mais moi, la centrale, c’est ma grande soeur», dit-elle.

Communales 2024 en Belgique | Les poissons volants: « Il existe aussi des poissons volants, mais ils ne constituent pas la majorité du genre », parait-il. Ils sont même, aux élections communales, la très petite minorité, ces candidats engagés dans certaines communes dominées politiquement, historiquement, sociologiquement, outrageusement, par l’adversaire politique. Un poisson volant aux élections communales 2024 en Belgique, c’est une libérale qui se présente à Châtelet, un socialiste à Uccle, un Flamand en Wallonie, un communiste dans le Brabant wallon, un francophone en Flandre ou une écologiste à l’ombre d’une centrale nucléaire, par exemple. Le Vif a découvert ces poissons volants-ce ne fut pas simple. Il vous présente plusieurs spécimens de cette espèce rare, la très petite minorité du genre-c’est intéressant.

Sandrina Gaillard est Ecolo, elle est avant-dernière sur la liste Huy en Commun formée par son parti et (notamment) par DéFI, liste que pousse le coprésident écologiste Samuel Cogolati. Elle est aussi tête de liste Ecolo aux élections provinciales dans le district de Huy, et habite à 500 mètres de la centrale nucléaire de Tihange. «On se fait engueuler par les gens qui y travaillent, mais moi, la centrale, c’est ma grande soeur, explique-t-elle. J’habite à Tihange depuis 25 ans, je suis Hutoise de naissance, ma petite histoire familiale c’est que mon père, qui était italien, vivait en France, et est venu ici, avec d’autres travailleurs pour construire Tihange 1 en 1971, et c’est là qu’il a a rencontré ma maman…»

Donc vous existez grâce à cette centrale quoi…

Exactement!

Ca fait de vous une Tihangeoise assez ordinaire, somme toute, mais une écologiste très particulière, non?

Exactement aussi… Mais il faut savoir que les Tihangeois en général sont assez préoccupés par la centrale. Nous on est voisins de la centrale, et comme on est tout près de l’aéroport de Bierset, on est le toboggan pour les atterrissage des avions, donc c’est toujours un peu stressant d’entendre passer des avions au-dessus de nos maisons avec la centrale en arrière-plan. Comme ce sont des cargos qui font assez de bruit, pendant la nuit, les fenêtres ouvertes, quand il y a de gros Antonov qui passent, on les entend bien, donc on espère toujours qu’ils vont poursuivre leur chemin vers Bierset. On ne peut pas faire autrement qu’y penser!

Ca veut dire que tous les Tihangeois ne sont pas heureux de l’existence de la centrale?

Euh… non! La centrale fournit beaucoup d’emplois, et c’est une manne d’argent pour la ville de Huy, ça, c’est une chose. Mais ça reste un outil dangereux, et avoir des avions qui passent au-dessus, c’est jamais, voilà… C’est stressant. Mais je ne dirais pas tous les Tihangeois, entendons-nous: nous, on est vraiment sur la ligne du toboggan, où on habite. C’est stressant, mais voilà, il faut faire avec.

Le fait que vous soyez Tihangeoise implique-t-il que vous ayez parfois une position différente de celle de votre parti sur le nucléaire?

Euh… oui, bien sûr, on est obligé de suivre la ligne du parti, mais au niveau communal et provincial, la centrale, ce n’est pas de notre ressort. Et d’ailleurs, dans le mouvement Huy en commun, on est avec DéFI, qui a une ligne opposée d’Ecolo sur le nucléaire. Mais on est d’accord tous les deux pour prendre les plus grandes précautions possibles avec la centrale, comme sur la construction du hangar qui vient d’être inauguré il y a quelques mois pour le stockage des déchets. Et on était d’accord pour augmenter au maximum la taxe sur les déchets nucléaires. Mais ça ne relève plus de notre compétence à la commune et pas à la province, parce qu’on est désormais relégués dans l’opposition fédérale…

A Huy, c’est autre chose, ça amène tellement de millions à la commune, c’est touchy…

Vous êtes plus différente des vôtres comme écologiste à Tihange, ou bien comme Tihangeoise chez Ecolo?

Les deux. Autant l’un que l’autre. A Tihange, les gens sont très modérés par rapport à la centrale et aux déchets, parce qu’on est juste à côté. A Huy, c’est autre chose, ça amène tellement de millions à la commune, c’est touchy… A Tihange, on est davantage sensibilisé par rapport à ça, quelle que soit la couleur politique. On a un café qui s’appelle Tihange 4, et qui a été installé sur le terrain où devait se construire le quatrième réacteur…

Sur le programme communal, vous portez des spécificités écologistes tihangeoises ou hutoises?

Non, non, nous de toute façon, on suit le parti. L’avis du parti est ce qu’il est. Personnellement, je suis un peu plus modérée par rapport à ça que la ligne du parti. Mais je suis d’accord pour dire que tant qu’on investit dans le nucléaire, on n’investira pas dans les énergies renouvelables. Et on n’aimerait pas non plus que tout ça devienne un chancre, et que tout reste à l’abandon quand Engie va partir. Tout partis confondus, on est très exigeant, super vigilant pour le démantèlement. Le hangar pour le stockage temporaire des déchets, il a été construit pour 80 ans, et il n’y a toujours pas de solution pour les déchets… Et puis moi, de chez moi, je suis à 500 mètres à vol d’oiseau de la centrale nucléaire, ça fait partie de notre quotidien. Au niveau communal, avec Samuel Cogolati, on a toujours défendu le fait que la commune n’était pas assez réactive en cas d’accident. En tout cas moins que celle d’Amay…

La gestion de Tihange après Tihange, les conséquences sur la mobilité, l’emploi, etc., de la fermeture de réacteurs, c’est une préoccupation tout de même?

Oui, bien sûr! Mais là aussi, ça dépasse les limites de Tihange et de Huy, c’est de la supracommunalité. Je fais partie de la conférence des élus. On a la cellule switch, soutenue par la région wallonne, ce sont les quatre partis, quatre PS, quatre MR, quatre Engagés, et quatre Ecolo, et on est très attentif par rapport à ça. On y travaille en collégialité, et c’est très agréable. C’est comme ça que je sais qu’il y avait un terrain qui était de l’autre côté de la route, un terrain vraiment sur Tihange, qui avait été prévu pour Tihange 4, et que maintenant ils pensaient faire une partie du démantèlement là-bas. Ca, je ne suis pas sûre que ça ferait plaisir aux Tihangeois qu’il y ait une espèce de quatrième réacteur de l’autre côté de la grand-route, plus près des habitations…

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