Revenu universel, salaire étudiant, bouclier social : comment les partis veulent réformer les aides sociales
Allocation universelle de 1000€ pour l’ensemble de la population, revenu de base pour les 18-25 ans, bouclier social… Les partis politiques francophones avancent leurs propositions, alors qu’une étude conclut que le revenu de base peut renforcer la précarité dans certains cas.
Le débat autour de l’allocation universelle, aussi connue sous le nom de revenu de base ou de revenu universel, n’est pas neuf en Belgique. La paternité de l’expression, on la doit à Philippe Van Parijs, philosophe, économiste et enseignant à l’UCLouvain.
La nouveauté, elle vient d’une étude de l’Université d’Anvers sur la question du revenu de base. D’après les conclusions des auteurs, le revenu de base peut renforcer la précarité de la population dans certaines conditions, alors qu’il est justement censé y apporter des solutions.
Ainsi, une augmentation de la pauvreté pourrait se produire si les prestations sociales sont trop réduites pour financer le revenu de base. Pour rappel, le revenu de base est une somme versée à l’ensemble d’une population. Donc, tout le monde y a droit, les plus pauvres comme les plus aisés.
Dans leur étude, les chercheurs ont voulu savoir les effets de l’instauration d’une allocation universelle en Belgique. Si le revenu de base était égal au seuil de pauvreté (1.230 euros en Belgique), alors le nombre de personnes précaires en Belgique ne diminuerait que d’un tiers.
Les conclusions de l’étude pointent aussi qu’un revenu de base plus faible réduit mieux la précarité à condition d’être financé par la suppression des avantages fiscaux.
A un peu plus d’un an des prochaines élections législatives, les résultats de cette étude replacent le débat autour de l’allocation universelle au sein de la campagne électorale. Voici les positions des différents partis francophones sur la question.
Un revenu universel à 1000€ pour Bouchez (et le MR ?)
C’est une position que le président des libéraux francophones défend seul au sein de son parti pour le moment. Une allocation universelle inconditionnelle de 1000€ par mois pour l’ensemble de la population belge, qui remplace une série d’allocations (chômage, Revenu d’intégration sociale) et en maintient d’autres (santé, handicap).
Georges-Louis Bouchez défend cette mesure sur son site web. « Le premier but, c’est de pouvoir faire face à ses besoins primaires. Le second, c’est de lutter contre les pièges à l’emploi car aujourd’hui certains allocataires sociaux perdent de l’argent en commençant à travailler. Enfin, ça individualise les droits, alors que ça n’est pas possible dans le modèle actuel ».
Quant à la question du financement de ce revenu universel, le Montois estime qu’il permettra au final de réaliser des économies en supprimant les aides à l’emploi et en augmentant l’emploi chez les jeunes.
Le président du Mouvement Réformateur termine en expliquant la philosophie de sa proposition, à laquelle il réfléchit depuis 2015 selon lui. « Tout le monde n’a pas les mêmes chances au départ. Vivre toute votre vie avec des allocations sociales sans travailler, c’est déjà possible aujourd’hui si vous connaissez bien le système. Mais d’autres personnes qui font face à un accident de la vie ne savent pas comment être aidées. Pour ma part, je suis convaincu que personne ne naît avec le but de ne rien faire ».
« Imbuvable » pour le PS, qui préfère un revenu de base pour les 18-25 ans
Paul Magnette qualifiait en avril dernier « d’imbuvable » la proposition de Georges-Louis Bouchez. Pour le président des socialistes, donner 1000€ par mois sans faire de distinction entre les catégories (travailleur, chômeur, pensionné) n’est pas la bonne solution.
« 1000€ par mois, c’est très en dessous du seuil de pauvreté, donc insuffisant. Ce serait une régression sociale généralisée, ce qui de la part du MR n’est pas étonnant. C’est aussi donner un pouvoir énorme aux patrons, qui pourraient dire ‘tu as déjà 1.000 euros, je t’en donne 500 et tu te débrouilles avec ça pour vivre' ».
Plutôt que ce type d’allocation, le PS prône plutôt un revenu de base pour les 18-25 ans. « C’est à cet âge-là qu’il y a le plus d’inégalités et qu’elles vont le plus se cristalliser pour le reste de la vie. Entre ceux qui peuvent faire des études ou non, qui doivent travailler pour payer leurs études ou non, ceux qui peuvent faire un stage gratuit et ceux qui ne peuvent pas se le permettre, ceux qui ont un bon salaire et ceux qui ont un très bas salaire ».
Paul Magnette souhaite qu’un tel revenu de base pour les jeunes puisse être instauré au niveau européen, « car l’Europe a besoin de tels projets mobilisateurs ».
Le PTB veut un « salaire étudiant »
Du côté du PTB, on pense que le débat autour d’un éventuel revenu universel permet d’étouffer d’autres sujets plus importants. « Je pense par exemple à l’accessibilité pour tous à des logements et transports publics de qualité », avance Germain Mugemangango, porte-parole francophone du parti.
Selon lui, la proposition de Georges-Louis Bouchez est également une fausse bonne idée. « Il s’agirait juste d’aller piocher dans la sécurité sociale, pour la répartir autrement. Cela ne réglerait aucunement les problèmes de précarité que nous connaissons. Que du contraire, cette allocation universelle renforcerait encore un peu plus les inégalités entre les riches et les pauvres« .
Pour le PTB, il faut une réforme fiscale plus juste, en taxant les millionnaires par exemple, pour ensuite réinjecter cet argent dans un « salaire étudiant ». « Nous l’avons déjà défendu dans notre programme par le passé », continue Germain Mugemangango. « Il s’agirait d’une somme d’argent permettant aux étudiants d’assumer seuls le coût de leurs études, sans dépendre financièrement de leurs parents. Il faut que chaque étudiant puisse suivre des études, peu importe la fortune de sa famille« .
Le porte-parole du parti communiste n’a pas voulu communiquer de chiffre concernant ce salaire étudiant, mais assure vouloir « en débattre avec la Fédération des étudiants francophones ».
Un revenu de base pour les jeunes, également la volonté d’Ecolo
Dans la même veine que le Parti Socialiste, Ecolo propose un revenu de base pour les 18-26 ans, dont le montant atteindrait entre 460€ et 600€ par mois. Ce revenu ne remplacerait pas les aides sociales préexistantes mais supprimerait les allocations familiales (pour les jeunes de plus de 18 ans) et le crédit d’impôt pour enfant à charge.
« Notre proposition permet à la fois l’émancipation, le recul de la pauvreté et le renforcement de la sécurité sociale », explique Gilles Vanden Burre, chef de groupe Ecolo/Groen à la Chambre. « Quand on est jeune, on a envie de tester des choses. Parfois, ça ne marche pas et on recommence. Il faut faciliter l’accès à l’emploi pour les jeunes, et empêcher que des personnes se retrouvent abandonnées sans revenus ».
Les écologistes ne veulent donc pas toucher le système actuel de sécurité sociale, mais bien « le compléter et l’améliorer, sans remettre en cause la solidarité entre citoyens ».
Un « revenu de participation » de 600€ pour les Engagés
Le parti mené par le bourgmestre de Namur Maxime Prévot est pour un « revenu de participation » à la société, une mesure qui se retrouve dans leur manifeste pour une société régénérée. Concrètement, il s’agirait ici d’un revenu de 600€ par personne de plus de 18 ans.
« Il faut que chacun et chacune ait la conviction d’être partie prenante de la vie sociale », peut-on lire dans le manifeste de l’ex-CDH. « Ce revenu ne sera pas suffisant pour vivre, mais correspondra à un investissement de l’État pour faciliter la participation de toutes et de tous. Il s’ajoutera aux autres revenus et sera donc pris en compte pour nos impôts. »
Les Engagés souhaitent que les allocations sociales soient déduites de ces 600 euros. Aussi, le parti centriste aimerait lier ce revenu de participation à la réalisation d’un service citoyen. La somme serait alors versée à la personne qui a réalisé son service citoyen, dès la fin de celui-ci.
DéFi et son « bouclier social »
Le parti de François Desmet vient lui aussi avec une proposition ‘originale‘, à savoir un « bouclier social pour amortir les inégalités entre les riches et les pauvres, dans un monde de plus en plus incertain ».
Le président de DéFi évalue le montant de ce bouclier social à 1300€ (hors inflation, NDLR), soit la limite pour vivre chaque mois au-dessus du seuil de pauvreté. « Ce serait aussi une opération de simplification administrative, les gens ne devraient plus courir derrière un certain nombre d’allocations (chômage, cpas…) qui seraient reprises dans le calcul. »
Cette allocation sociale serait unique, et non pas versée tous les mois comme le revenu universel. « Cela permettrait de remplacer un certain nombre d’allocations existantes comme la GRAPA, le RIS, et l’allocation de remplacement de revenu. Elle constituerait aussi le socle minimal pour les allocations de chômage et de pension ».
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Selon François Desmet, le revenu universel est une bonne idée sur le fond, mais qui tient plus du slogan que de la réalité. « Si vous faites le calcul, donner 1000€ par mois aux 9 millions de Belges actifs, cela représente une dépense de 114 milliards d’euros pour l’Etat. »
Le bouclier social proposé par DéFi permettrait de ne pas trop piocher dans les caisses de l’Etat. « L’allocation universelle est impayable, alors que notre mesure ne coûterait pas beaucoup plus cher que le modèle de financement de la sécurité sociale actuel ».
Un enjeu important pour 2024 ?
Revenu universel, revenu de base pour les jeunes, bouclier social, salaire étudiant et revenu de participation à la société. Les propositions des partis francophones pour réformer l’aide sociale sont multiples et diverses, même si des convergences entre certaines mesures semblent se dégager.
Quoi qu’il en soit, le débat autour du revenu universel pourrait bien faire partie de la campagne pour les élections de 2024…
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