Retrouver un job après la politique, la galère des parlementaires? «J’ai dû refaire un CV». © BELGA

Retrouver un job après la politique, la galère des parlementaires? «J’ai dû refaire un CV»

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

Après des années passées en politique, les anciens élus doivent se réinsérer professionnellement. Certains entament un véritable chemin de croix, entre étiquetage politique et «manque de compétences». Analyse avec les politologues Pierre Vercauteren (UCLouvain) et Jean Faniel (Crisp).

À chaque élection, c’est la même chanson. Parlementaires ou ministres sous la précédente législature, leur avenir en politique devient flou, alors qu’un nouveau scrutin se profile. Ils et elles subissent la volonté de renouvellement des candidats de leur parti. À moins qu’ils n’aient été mis à l’écart par leur formation. Ou qu’ils aient choisi par eux-mêmes de tourner la page politique de leur carrière.

Certains partent à la pension, d’autres doivent se reconvertir. Une étape loin d’être évidente, qui peut vite s’apparenter à un chemin de croix. Car les politiques, une fois dépouillés de leur(s) mandat(s), se promènent sur le marché de l’emploi avec une étiquette de parti collée sur la tête. L’ancienne ministre de la Coopération au développement Meryame Kitir (ex-Vooruit), qui stoppe sa carrière en raison des trop nombreuses attaques personnelles, en sait quelque chose. «J’ai rendu ma carte de parti pour être libre. Mais aux yeux des entreprises, je reste Meryame Kitir, femme politique socialiste.» Le député fédéral Georges Dallemagne, qui vivait également sa dernière législature, rejoint sa camarade de Chambre. «C’est plus difficile pour les politiques de se recycler en Belgique, qu’en France ou aux Etats-Unis.»

«On m’a dit que je n’avais pas de compétences»

À 59 ans, celle qui fut un temps directrice de la Fédération wallonne de l’agriculture (FWA) devra bientôt retrouver un travail. © BELGA

La sénatrice et parlementaire wallonne Sabine Laruelle (MR) a déjà vécu ce moment, alors qu’elle met sa carrière politique entre parenthèses une première fois, en 2014. «N’ayant rien prévu, j’ai dû refaire un CV. Des chasseurs de tête m’ont dit que je n’avais pas de compétences hormis mon carnet d’adresses. Ils ne savaient pas comment me recaser.» La libérale travaille alors comme indépendante pour une société de consultance dans les secteurs agricole et de la sécurité alimentaire… avant de rouvrir la parenthèse politique après les élections de 2019. À 59 ans, celle qui fut un temps directrice de la Fédération wallonne de l’agriculture (FWA) devra bientôt retrouver un travail. «Je veux me remettre un petit peu en difficulté, pour la dernière tranche d’activité de ma carrière».

«Auparavant, le parachutage d’anciens élus dans la fonction publique était récurrent»

Pierre Vercauteren (UCLouvain)

Compliqué de se réinsérer dans la société après la politique?

La réinsertion professionnelle des anciens élus dépend de plusieurs facteurs, explicités par le politologue Pierre Vercauteren (UCLouvain). «Ceux qui travaillaient dans la fonction publique (exemple: les enseignants) peuvent y revenir, grâce au principe de détachement. Mais peu de politiques sont dans cette situation.» Et puis, il y a ceux et celles qui bossaient dans le privé avant d’entrer dans l’arène politique. «Les élus qui étaient indépendants dans un cabinet de comptables ou d’avocats pourront relancer leur activité, continue Pierre Vercauteren. Il sera par contre plus compliqué de retrouver un job pour ceux qui étaient employés et ont donc dû démissionner de leur poste pour accomplir leur(s) mandat(s).»

Dans la pratique, les partis sont en première ligne pour recaser leurs poulains à un nouveau poste. «Auparavant, le parachutage d’anciens élus dans la fonction publique était récurrent», se rappelle celui qui enseigne à l’UCLouvain. Un phénomène moins observable récemment, selon le politologue.

L’indemnité de sortie, parachute doré des ex-élus?

Pendant cette période plus ou moins courte de flou professionnel, les ex-politiques bénéficient d’une indemnité de sortie, aussi connue sous le nom d’indemnité de départ. Un sujet ô combien polémique, au vu de certaines sommes que d’anciens mandataires continuent de toucher. «Sachant qu’un parlementaire touche 7.000 euros net mensuels en moyenne avant rétrocession, ces indemnités sont confortables», indique le directeur général du Crisp Jean Faniel, qui a réalisé un Courrier hebdomadaire sur cette question.

Les parlementaires entrés en fonction avant 2014 peuvent toucher cet argent maximum quatre ans après l’arrêt de leur activité, contre maximum deux ans pour les députés qui ont rejoint une assemblée après 2014. La durée pendant laquelle les ex-élus touchent ces indemnités dépend du nombre d’années qu’ils ont passées sur les bancs parlementaires.

«Ces indemnités qui leur sont versées mensuellement ont des allures de préavis non-presté»

Jean Faniel (Crisp)

Mieux que le chômage

«Cet argent qui leur est versé mensuellement a des allures de préavis non-presté, développe Jean Faniel. Les montants que touchent ces anciens politiques sont évidemment bien plus élevés que les allocations de chômage des autres travailleurs. De plus, les ex-élus peuvent cumuler leur indemnité de sortie avec le salaire qu’ils auraient retrouvé dans le privé par exemple.»

Le système des indemnités de départ a été mis en place pour les parlementaires, afin de remplacer le chômage, auquel ils n’ont pas accès. Ce régime est censé leur permettre de continuer à gagner de l’argent, en attendant de trouver un autre poste. Les parlementaires qui démissionnent volontairement au cours de leur mandat n’y ont pas droit.

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