Pourquoi le gouvernement wallon ne veut pas de l’eau gratuite dans les restaurants
Début mars, le gouvernement wallon a annoncé que l’eau ne serait pas gratuite dans les restaurants. Un projet qui se trouvait pourtant dans l’accord de gouvernement de 2019. Depuis, le Covid-19 et la crise énergétique ont dégradé la santé économique de l’horeca. Retour sur les coulisses d’une décision loin d’être unanime.
Le projet d’eau gratuite dans l’horeca est resté tellement longtemps au frigo qu’il en est ressorti glacé, début mars. Gelé par le gouvernement wallon depuis 2019 et le début de la législature, il est abandonné. « La gratuité n’existe pas, quelqu’un la paye toujours à un moment », réagissait Willy Borsus (MR), ministre wallon de l’Économie, après l’annonce de l’exécutif wallon. « C’est aux professionnels de l’horeca d’agir et faire leur choix en la matière. Les établissements qui veulent proposer gratuitement de l’eau peuvent bien entendu le faire. On n’oblige à rien ».
Pour rappel, le gouvernement wallon avait inscrit en 2019, dans sa déclaration de politique générale, son ambition de distribution gratuite d’eau dans les établissements horeca. La majorité PS-MR-Ecolo projetait « d’assurer l’utilisation gratuite de l’eau de distribution dans les lieux publics et les restaurants». Il était alors porté par Eddy Fontaine (PS), vice-président de la Commission économie et parlementaire wallon. « Je suis forcément déçu que le projet soit abandonné. Les conclusions de Willy Borsus sont celles de la fédération horeca. Je n’y crois pas. Mais je comprends que le moment soit mal choisi, alors que le secteur peine à garder la tête hors de l’eau ».
Des déçus, l’abandon du projet en a fait d’autres. Le collectif de citoyens Free Tap Water, qui a vu le jour à l’été 2019, en fait partie. « C’est dommage, réagit Bruno Mola, qui est membre. On soutenait cette proposition, même si nous n’avons jamais plaidé pour que les restos servent de l’eau du robinet gratuitement. Nous les incitons simplement à le faire de manière volontaire, pour que le client ait le choix ».
« Je comprends le gouvernement wallon. Il aurait été indécent de revenir avec l’eau gratuite dans le contexte actuel »
D’après Eddy Fontaine, le projet aurait déjà dû aboutir. « Nous avions pesé le pour et le contre, après avoir auditionné la fédération de l’horeca et les restaurants. Le Covid est arrivé au moment où le projet était prêt. La crise sanitaire a été suivie par la crise énergétique. Il aurait été indécent de revenir avec l’eau gratuite dans le contexte actuel ».
Si le gouvernement wallon a fait marche arrière sur l’eau, c’est bien pour maintenir le secteur de l’horeca à flot. « Le projet en lui-même n’aurait jamais dû exister », estime Luc Marchal, le président de la fédération Horeca Wallonie. « On s’y était déjà opposé en 2019, non pas par principe mais pour deux raisons précises. D’abord parce qu’on estime que si l’eau est gratuite dans les restaurants, elle doit l’être aussi dans les administrations, les magasins et sur la voie publique. Ensuite, parce que cela a un coût : il faut laver les carafes, avoir des verres corrects à disposition et offrir un service de qualité. Et la crise économique actuelle n’arrange rien…».
Nous étions contre ce projet d’eau gratuite, car la fédération estime qu’il aurait pu avoir des conséquences négatives pour l’emploi
Pour l’horeca, faire une croix sur les revenus liés à l’eau en bouteille serait dommageable. « Notre secteur a un poids économique important, continue Luc Marchal. Il est le cinquième employeur du pays, ce qui représente 330 000 emploi. Nous étions contre ce projet d’eau gratuite, car la fédération estime qu’il aurait pu avoir des conséquences négatives pour l’emploi ».
Des conséquences négatives pour l’emploi dans l’Horeca ?
Selon le président de la fédération Horeca Wallonie (et Willy Borsus), les établissements auraient dû faire face à des conséquences économiques. Eddy Fontaine n’est pas du tout de cet avis. « J’ai démontré au président de la fédération Horeca de l’époque que son argument économique de perte liée à l’eau gratuite n’était pas correct. Il faut savoir que des établissements proposent déjà l’eau gratuitement. Je les ai entendus, et ils ne disent pas que cela a un impact négatif sur leur trésorerie. Plusieurs estiment que ça ne change rien pour eux ». Free Tap Water partage l’avis du parlementaire socialiste. Via une application, le collectif répertorie plus de 900 établissements qui proposent déjà l’eau gratuitement. « Ils nous disent ne pas subir de perte de revenu, explique Bruno Mola. Après, sans doute qu’ils répercutent le coût de l’eau gratuite d’une autre manière ».
À court terme, les restaurants belges ne seront pas obligés d’offrir l’eau du robinet gratuitement à leurs clients. Pour autant, Eddy Fontaine continuera à se battre pour le projet. « Je le porte depuis des années et continuerai à le porter lors de la prochaine législature, que ce soit dans la majorité ou dans l’opposition ». En attendant, le gouvernement wallon débattra début avril d’une autre proposition liée à l’eau, portant sur l’installation de fontaines à eau sur la voie publique.
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