Pourquoi Charleroi, Mons et Liège sont coincées par le budget wallon
Le parlement wallon a voté, ce mercredi, le budget 2025 proposé par le gouvernement régional. A Liège, Charleroi et Mons, cette période de rigueur budgétaire annonce un changement de relation avec l’autorité régionale.
Adopté ce mercredi, le budget du gouvernement wallon pour 2025 a fait (re)naître une nouvelle scission entre la Wallonie des villes et la Wallonie des champs. Les bourgmestres de Charleroi, Liège et Mons s’en sont inquiétés à bien des égards dans la presse. Thomas Dermine, Nicolas Martin et Willy Demeyer pourront-ils échapper au serrage de ceinture ?
D’abord, il y a eu le coup de bambou avec le refus, fin novembre, de la part de Belfius de financer le plan Oxygène qui devait initialement aider ces trois villes à respirer économiquement. Alors, communes et régions ont trouvé une solution via le Centre Régional d’Aide aux Communes (Crac), qui a pris le financement en charge via un prêt. Mais un prêt n’est pas un don, et celui-ci s’est noué à certaines conditions, assez strictes. En échange des 235 millions à se répartir, les communes devront notamment réduire leurs effectifs scabinaux de 15%, mettre fin à la mise à disposition gratuite du personnel communal ainsi qu’à la staturisation.
Des prêts presque imposés
Faute de choix, Charleroi a accepté ce lundi les conditions lors du dernier conseil communal avant 2025, bien qu’elles manquent de précisions selon le cabinet du bourgmestre carolo, Thomas Dermine (PS), qui soutient que la Ville n’a jamais jeté l’argent par les fenêtres. «Depuis une dizaine d’années, la ville et la Région wallonne travaillent main dans la main avec des recommandations négociées. En dix ans, 900 équivalents temps-plein n’ont pas été remplacés, c’est un tiers du personnel. En moyenne, Charleroi dépense 100 euros de moins par an et par habitant par rapport aux neuf autres grandes villes wallonnes.»
A Liège aussi, on a accepté les conditions un peu à pas forcé. Les communes ont la particularité d’être obligées de prévoir des budgets à l’équilibre. «D’une part, nous avions besoin de cet argent, concède le bourgmestre Willy Demeyer (PS). D’autre part, nous n’avions pas une énorme marge de manœuvre. (…) Nous sommes au maximum de toutes les taxes possibles, augmenter les taux additionnels de l’impôt sur les personnes physiques serait injuste pour les Liégeois.» Le socialiste déplore un «sous-financement chronique de la centralité», exposant que Liège, territoire dense, héberge 200.000 âmes mais rend service à 600.000 citoyens quotidiennement.
C’est là tout le mal de la Wallonie des villes, note par ailleurs le professeur en finances des pouvoirs locaux à l’UCLouvain, Jean Hindriks. «Le mécanisme de dotation régionale implique que les villes reçoivent des bonus en fonction de leur population. Or, depuis plus de dix ans, on observe un phénomène d’étalement urbain. Les villes se vident de leurs employés», qui préfèrent habiter la périphérie, créant ainsi un manque-à-gagner sur l’impôt des personnes physiques pour les municipalités. Idem pour les précomptes immobiliers qui sont de plus en plus rentables en périphérie alors que les habitations en agglomération ne connaissent pas la même inflation.
Pas de résistance, sauf à Mons peut-être
En échange de cette bulle d’oxygène, les trois grandes villes wallonnes sont donc amenées à faire le tri dans leurs dépenses. Mais la résistance à ce que d’aucun décrivent comme une «politique d’austérité» n’est pas dans les plans pour autant. «On n’est pas encore dans une stratégie de lutte avec la région, assure le cabinet Dermine. Nous n’avons pas encore fait nos prévisions budgétaires. Mais la convention (du prêt Oxygène) demande de pousser les redevances et les taxes communales. Le bourgmestre a mis un halte-là sur ce point. L’enjeu, c’est de faire revenir la population active avec de bons revenus sur notre territoire.»
A Mons, où la majorité «laboratoire» PS-PTB-Ecolo présentera sa déclaration de politique communale ce jeudi, on promet de poursuivre les investissements. «Avec ou sans accord du CRAC, n’en déplaise à la Région, la majorité de nos engagements pourront être tenus, assure Maxime Pourtois (PS) dans l’Avenir ce mercredi matin. Nous sentons la volonté gouvernementale de nous étouffer, de nous dicter notre politique mais nous pouvons l’affirmer aujourd’hui : cette mandature ne sera ni vide ni paralysée.» Le collège montois rencontre d’ailleurs le Crac ce vendredi pour négocier la fin de la staturisation des fonctionnaires communaux, notamment.
A Liège, Willy Demeyer (accompagné d’un collège MR-Les Engagés) fait preuve de moins de véhémence à l’encontre du projet budgétaire régional. Le budget n’est pas encore voté, mais une augmentation des taxes sur les spectacles ou de certaines redevances sera envisagée.
Entre le marteau d’une politique régionale qui a fait de la rigueur budgétaire son leitmotiv et l’enclume des impôts déjà élevés, c’est là que se trouvent les villes wallonnes. «On ne rentre pas en résistance, répète le cabinet Dermine à Charleroi, mais le gouvernement wallon va devoir constater l’effet de sa politique sur les grandes villes.»
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