La dernière mouture du Côté Verre, un vaste projet immobilier du côté nord du centre-ville de Namur, porté par Besix Red, ne satisfait toujours pas les opposants, souhaitant préserver les arbres du Square Léopold. © Jean-Paul Viguier Architectes

Quartier Léopold à Namur: face à des «oppositions lamentables», la Ville ne compte pas revoir le projet

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Les détracteurs du futur Quartier Léopold, à Namur, ont récemment gagné une bataille au Conseil d’Etat. Mais le promoteur et la Ville préparent la riposte.

Vingt ans. Vingt ans que la Ville de Namur cherche à installer un complexe commercial du côté nord de son centre-ville, dans l’optique de le redynamiser et d’enrayer l’exode du shopping vers la périphérie. C’est, du moins, l’argument majeur de la majorité Les Engagés-MR, délestée d’Ecolo depuis octobre dernier. D’abord envisagé au-dessus de la gare SNCB, dont la dalle accueille aujourd’hui les bus, le projet fut redirigé à quelques centaines de mètres de là, vers le parking Léopold. Vingt, c’est aussi le nombre d’ares du square qui le jouxte, nœud d’une mobilisation citoyenne pour en préserver, entre autres, des ormes centenaires. Au gré de contestations et d’une consultation populaire désavouant le projet en 2015, celui-ci fut maintes fois remanié. Jusqu’à aboutir aux 44.000 m² du «Côté Verre», un ensemble immobilier porté par Besix Red, prévoyant une surface commerciale nette de 13.698 m², 8.421 m² de bureaux, 2.750 m² pour l’horeca, 112 logements, 831 emplacements de parking en souterrain et 5.000 m² d’espaces publics.

«Dans sa forme actuelle, le projet répond aux recommandations qui avaient été émises dans le cadre des ateliers de co-construction.»

Stéphanie Scailquin

Echevine de l’Aménagement du territoire (Les Engagés)

Cette dernière mouture n’a toutefois jamais convaincu les opposants réunis au sein de l’asbl Ramur. Le collectif dénonce un manque de concertation avec les citoyens au regard de trois alternatives proposées, ainsi qu’une artificialisation trop importante du sol en lieu et place du Square Léopold, qui serait volontairement négligé par la Ville. La majorité, elle, rétorque que ce projet est vital pour l’avenir du centre-ville. Qu’il a substantiellement évolué au fil des années en tenant compte des remarques. Et que le Square Léopold n’est plus un espace vert qualitatif tant sur le plan de la sécurité qu’en matière environnementale, les arbres étant «pour la plupart malades», assure-t-elle. «Dans sa forme actuelle, le projet répond aux recommandations qui avaient été émises dans le cadre des ateliers de co-construction, à savoir un mixte entre des fonctions de commerce, de bureau et de logement», affirme l’échevine namuroise de l’Aménagement du territoire, Stéphanie Scailquin (Les Engagés).

Deux failles retenues

A la suite d’un recours, l’association Ramur vient de remporter une bataille importante. Le 10 février dernier, le Conseil d’Etat a en effet annulé la demande de périmètre de remembrement urbain (PRU) du futur Quartier Léopold, un document opérationnel indispensable pour ce projet mixte, approuvé par arrêté ministériel en 2022. Le Conseil d’Etat a retenu deux éléments. Le premier concerne l’absence d’avis du pôle Environnement vis-à-vis du rapport sur les incidences environnementales (RIE). Celui-ci avait bel et bien été consulté en 2019. Mais, en raison d’une mauvaise transposition de la réglementation européenne dans le Code de développement territorial wallon (CoDT), le pôle avait répondu qu’il ne remettrait «pas d’avis sur le dossier […] dès lors que le CoDT ne lui confie pas de mission en la matière.» Le second élément retenu porte sur la largeur insuffisante du périmètre d’analyse des incidences pour la délimitation du PRU, un point essentiel que n’aurait pas respecté le bureau d’études agréé en charge du RIE.

«L’idée, désormais, c’est de pouvoir se remettre autour de la table avec le promoteur immobilier et la Ville de Namur afin d’obtenir un projet plus consensuel», indiquait à L’Avenir Marcel Guillaume, le porte-parole de l’ASBL Ramur. De son côté, Ecolo a également plaidé sur Facebook pour que le délai supplémentaire résultant de l’annulation par le Conseil d’Etat nourrisse un nouveau processus de concertation: «Ce projet comporte des défenseurs et des détracteurs. Si nous voulons qu’il aboutisse un jour, il faudra arriver à réconcilier ces deux visions dans un projet qui réponde à l’intérêt général.» L’annulation du PRU devrait en effet le reporter de plusieurs mois.

Quartier léopold
En 2021 déjà, le Square Léopold n’apparaissaît plus comme un espace vert fréquentable. © BELGA PHOTO MAXIME ASSELBERGHS

Mais peut-être pas de plusieurs années: contrairement à ce qui était annoncé au départ, la Ville de Namur ne devra pas attendre que la Wallonie modifie le CoDT en conséquence. «Entre-temps, la transposition de la réglementation européenne est entrée en vigueur le 1er août 2024, postérieurement à la demande du PRU, souligne Stéphanie Scailquin. Ce point n’est donc plus un problème.» Par ailleurs, la Ville n’envisage visiblement plus de modifier le projet. «Nous nous sommes réunis avec les conseils juridiques de Besix et de la Ville afin d’identifier la voie juridique la plus sûre et la plus rapide possible. La porte est toujours ouverte pour discuter avec Ramur. Mais l’objectif de Besix, avec l’appui de la Ville, reste bien de déposer le même projet.»

Le coup de gueule de Maxime Prévot

Bien que désormais ministre des Affaires étrangères, Maxime Prévot (Les Engagés) a poussé un coup de gueule sur Facebook en tant que bourgmestre empêché de Namur, à l’encontre des opposants. «La poignée d’idéologues de Ramur et les quelques commerçants qui ont été en recours portent une lourde responsabilité dans la dégradation structurelle de la sécurité à Namur et l’affaiblissement de notre dynamique commerciale en contrariant depuis tant d’années toutes les démarches pour transformer le Square Léopold et mettre un terme au chancre qu’il représente depuis trop longtemps. Et pour quoi? Pour quelques arbres dont la plupart sont malades ou la crainte pour leur nombril financier de propriétaires de biens commerciaux proches. […] Il ne reste plus qu’à espérer que l’acteur privé qui finançait intégralement le projet ne décide pas de renoncer, lui-même profondément découragé par toutes ces oppositions lamentables.»

En réaction, Ramur a adressé une réponse tout aussi ferme à Maxime Prévot: «Vous avez souhaité consulté la population sur ce projet? Très bien. La consultation populaire vous a donné tort? Il fallait en tenir compte! Il n’y a jamais eu d’ambiguïté sur notre volonté de soutenir un projet qui préservait le parc. Le contre-projet proposé par notre association permettait un projet équilibré qui aurait fait taire toutes les contestations. Seulement, cette option ne remplissait pas suffisamment les poches de l’investisseur privé et, dès lors, l’opinion citoyenne n’a pas pesé lourd dans vos choix.»

Malgré cet énième rebondissement, le promoteur a confirmé à la Ville qu’il ne comptait pas abandonner son projet. La nature de la solution juridique choisie, dont on ignore encore la teneur, déterminera non seulement le délai potentiel de concrétisation de ce projet clivant, mais aussi la vigueur des échanges entre les deux camps dans les prochains mois.    

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