Pierre Havaux
Vent du Nord de Pierre Havaux : un buddy pour guider le nouvel arrivant dans ses premiers pas en Flandre
L’inburgering ou parcours d’intégration civique s’enrichit d’un nouvel instrument depuis ce 1er janvier : le buddy, littéralement un « copain », va se charger d’épauler l’étranger qui vient s’installer en Flandre dans ses premiers contacts et ses premières démarches, notamment en le familiarisant avec l’usage du néerlandais. Appel aux bonnes volontés est lancé au sein de la population par les autorités flamandes qui ont décidé de systématiser cet accompagnement personnalisé qui n’existait qu’au stade expérimental et qui suscite la curiosité intéressé dans certains pays.
Si l’Autre ne vient pas spontanément au Flamand, c’est le Flamand qui viendra charitablement à lui. Depuis ce 1er janvier, l’étranger qui débarque en Europe et choisit de poser durablement ses valises en Flandre ne sera plus seul. Un buddy se pointera pour guider ses premiers pas en terra incognita, lui tendre la main et l’accompagner dans son parcours obligatoire d’intégration civique. Le buddy, c’est littéralement un «copain», «un pote» ; c’est aussi la dernière arme que les autorités flamandes ont décidé de sortir du stade expérimental pour l’engager de manière systématique dans la bataille de l’inburgering.
Ce compagnon de route acceptera de consacrer quarante heures de son temps à aider le nouvel arrivant à frapper aux bonnes portes.
Ce compagnon de route, à recruter au sein de la population, acceptera de consacrer quarante heures de son temps à aider le nouvel arrivant à frapper aux bonnes portes, à se familiariser avec les us et coutumes locales, à se frotter aux rudiments du néerlandais, à se constituer un réseau afin de trouver sa place dans la vie en société flamande et en épouser les normes et les valeurs. La formule, paraît-il, peut s’avérer d’une efficacité redoutable: voisiner avec une personne d’une autre origine ethnique ou culturelle doublerait les chances d’un primo-arrivant d’accéder au marché du travail.
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Créer du lien est important mais est tout sauf évident. Plus d’un «ex-inburgeraar» peut en témoigner: nouer contact avec les gens du cru se révèle terriblement difficile. Bart Somers (Open VLD), ministre en charge du Vivre ensemble, y voit à regret l’un de ces traits de la nature flamande: «Nous avons en nous une part de retenue, nous avons du mal à engager rapidement la conversation.» Le buddy, lui, sera taillé sur mesure pour briser la glace et ce genre d’expérience, assure le ministre, ne pourra que rendre meilleur le Flamand qui la tente, en changeant le regard porté sur l’autre. Bart Somers ne doute d’ailleurs pas que l’appel aux bonnes volontés sera entendu. L’ an dernier, quelque 2 500 Flamands ont ainsi fait offre de service et «j’avais à peine annoncé la mesure que nous prenons aujourd’hui qu’au moins cinq cents personnes se sont manifestées pour se dire disponibles», prêtes à épauler un nouvel arrivant. Un bel élan, quoique encore nettement insuffisant, pour satisfaire les besoins en mentors que nécessitent quelque 8 000 à 10 000 trajets d’accompagnement.
La formule a du potentiel mais représente aussi un saut dans l’inconnu. C’est que la Flandre innove en la matière et son approche attire déjà le regard intéressé des Néerlandais, des Danois et des Norvégiens alors que l’Union européenne la juge inspirante. Le buddy, c’est un peu la Rolls de l’intégration pourvu que la mécanique tourne rond. Une première évaluation de ses effets, réalisée par la KU Leuven en 2021, pointait notamment la perte de confiance que peut engendrer chez un nouvel arrivant un buddy de piètre qualité. La seule bonne volonté a ses limites, préviennent les acteurs professionnels de l’intégration. Ce n’est pas l’avis de la N-VA qui voit dans cette façon d’établir une relation directe entre le Flamand et l’étranger un excellent moyen de court-circuiter ce que l’une de ses élues, Maaike De Vreese, appelle «l’industrie de l’intégration», ce chaînon intermédiaire qui aurait la fâcheuse tendance à tourner avant tout sur lui-même.
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