Jules Gheude
Stap voor stap vers l’édification d’un Etat-Nation flamand
« Le Flamand ne recule jamais. Il a la douce obstination têtue du fanatisme », observait Jules Destrée dans sa fameuse « Lettre au Roi » de 1912. Au fil des décennies, la justesse de ce constat s’est largement vérifiée.
Le rouleau compresseur flamand avance lentement mais inexorablement pour faire de la Flandre un Etat-Nation souverain : avec la fixation de la frontière linguistique, le territoire a été délimité. L’autonomie culturelle est ensuite devenue une réalité et la scission de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde a bétonné l’homogénéité linguistique.
La prochaine étape est programmée : introduire le confédéralisme de façon à faire de l’échelon central belge une coquille vide que l’on jugera, à terme, superflue. Belgique requiem, pour reprendre le titre du livre de René Swennen, paru en 1980, l’année même où son ancien professeur de Droit à l’Université de Liège, François Perin, démissionnait spectaculairement du Sénat en déclarant que « le mal belge était incurable et irréversible ».
Les six réformes institutionnelles qui ont été réalisées depuis 1970 n’ont pas réussi à engendrer la cohabitation paisible et sereine des deux grandes Communautés du pays. L’écart entre le Nord et le Sud est aujourd’hui abyssal.
La crise politique de 2010-2011 (541 jours sans gouvernement de plein exercice) a amené la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale française à se pencher sur le « cas belge » et à adopter un rapport dans lequel la question est clairement posée : « La Belgique serait donc condamnée, Etat si faible que toute crise politique serait l’occasion de poser la question de sa survie, Etat si artificiel qu’il devrait se briser à l’inéluctable envol de la nation flamande. La devise nationale (« L’union fait la force ») n’aura-t-elle donc été qu’une incantation ? ».
C’est précisément cet « inéluctable envol de la Nation flamande » que les responsables politiques francophones s’obstinent à ne pas vouloir reconnaître.
Lors d’une mission économique en Chine à la fin de 2004, le prince héritier Philippe n’avait pas hésité à sortir de sa réserve en confiant à un journaliste flamand : « Dans notre pays, il y a des gens et des partis, comme le Vlaams Belang, qui sont contre la Belgique, qui veulent la détruire. Je peux vous assurer que je m’opposerai toujours à ceux-là et n’oubliez pas : je peux être coriace s’il le faut. »
Coriace au point que devenu Roi, Philippe s’est vu contraint, en mai 2019, lors des consultations en vue de la formation d’un gouvernement, de recevoir Tom Van Grieken, le président du Vlaams Belang qui venait de sortir grand vainqueur des élections en Flandre, avec une progression de 10%.
Aujourd’hui, selon le dernier baromètre politique, le Vlaams Belang serait le premier parti politique du Nord du pays, avec un score de 24,8%.
Pour José-Alain Fralon, l’ancien correspond du « Monde » à Bruxelles, le Roi ferait le mauvais choix en se livrant à un « baroud d’honneur ». Et il lui conseille de « la jouer plus finement » : « En admettant, comme nous le ferons tous tôt ou tard, que rien ne pourra entraver la marche de la Flandre vers son indépendance et en accompagnant celle-ci au lieu de tenter en pure perte de la stopper. » (dans « La Belgique est morte, vive la Belgique ! », en 2009. Le Roi était alors Albert II).
En fait, le Roi se retrouverait nu si, au lendemain des élections de 2024, la formation d’un nouveau gouvernement belge s’avérait impossible. Le Vlaams Belang et la N-VA pourraient alors tirer profit du blocage pour proclamer, via une majorité absolue au Parlement flamand (les deux formations sont aujourd’hui créditées ensemble de 46,3% d’intentions de vote) l’indépendance de la Flandre.
Il ne resterait alors plus aux parties qu’à se mettre autour de la table pour régler les modalités juridiques du divorce. Un divorce que l’Union européenne sera bien forcée de reconnaître.
(1) Dernier livre paru : « La Wallonie, demain – La solution de survie à l’incurable mal belge », Editions Mols, 2019.
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