Filip Dewinter travaillait pour le parti communiste chinois: tout ce qu’il faut savoir
Une enquête publiée par Humo et Apache détaille les liens troubles entre le vice-président du Parlement Flamand et ancien leader du Vlaams Belange avec un espion chinois. Une affaire embarrassante pour le parti qui caracole en tête des intentions de votes en vue des prochaines élections du 9 juin. Voici un résumé des faits et des différentes réactions qui ont suivis ces révélations.
L’information n’a pas manqué de susciter pas mal de réactions au nord du pays, alors que le Vlaams Belang caracole en tête des sondages à quelques semaines des élections du 9 juin. Dans une enquête publiée ce lundi, les médias flamands Humo et Apache affirment que Filip Dewinter, député au Parlement flamand et ancien leader du Belang aurait travaillé secrètement pendant des années pour la Chine. Humo et Appache se sont appuyés sur des notes de frais et certains courriers pour analyser la collaboration entre Dewinter et un espion chinois, Changchun Sha.
Het Nieuwsblad s’est notamment penché sur les affirmations contenues dans l’enquête réalisée par les journalistes d’Humo et Apache. « Il a été trompé, il s’agissait uniquement d’échanges culturels avec la Chine et il n’y avait aucune mauvaise intention. C’est en résumé la thèse que Filip Dewinter défend depuis des années à propos de ses contacts avec la Chine.»
C’est en 2018 que sont révélés pour la première fois les liens entretenus entre l’ancien président du Vlaams Belang et l’espion chinois Shao Changchun. Dewinter prétendait qu’il ignorait qu’il s’agissait d’un espion. Le politicien voulait uniquement rallier à lui les électeurs chinois d’Anvers grâce à ce contact. «L’enquête journalistique menée par Humo et Apache montre que ces contacts étaient bien moins innocents que Dewinter ne le laisse entendre », estime Het Nieuwsblad.
Humo et Apache ont ainsi pu mettre la main sur des documents datant de 2016-2017. Parmi eux, une lettre rédigée sur le papier à en-tête de la Chambre par Dewinter à un homme politique chinois de haut rang. Le politicien flamand s’y décrit comme un membre du parlement ainsi que comme un «conseiller politique principal de la Silk Road Peace Award Foundation». Cette fondation est l’une des nombreuses organisations à but non lucratif que Shao Changchun a créées en Belgique.
Sans la moindre hésitation, Filip Dewinter se qualifie de conseiller politique d’une organisation chinoise, qui est d’emblée beaucoup moins innocente que ce qu’il affirme. Dans les colonnes d’Humo, il répond tout simplement : «Je ne suis pas un conseiller politique».
L’enquête d’Humo et Apache révèle également que Dewinter a organisé une rencontre entre Shao et l’ambassadeur de Syrie en Belgique. Les paiements apparaissent plus clairement. On constate dans les différents documents collectés que Filip Dewinter avait reçu un total d’environ 25.000 euros de frais. Il s’est fait payer des dîners avec des collègues du parti et avec des politiciens d’extrême droite étrangers, parmi lesquels l’Aube dorée grecque. On ne connaît évidemment rien du contenu des discussions lors de ces événements, mais cela ressemble à de l’influence.
Lorsque Filip Dewinter a organisé un séminaire avec une organisation à but non lucratif de Shao, il a écrit à la main sur le papier à lettres de la Chambre : «Pour l’organisation du séminaire et le lobbying, vous pouvez me payer à votre satisfaction». Selon Humo et Apache, ce montant s’élèverait à 3.000 euros.
De «vieilles informations qui remontent à la surface alors que les élections approchent», estime le Belang
Pour Het Nieuwsblad, le vice-président du Parlement flamand réagit à ces nouvelles accusations comme il le fait toujours en les qualifiant de «réchauffées» et en évoquant des faits qui «remontent à la surface comme par hasard à trois mois des élections». C’est d’ailleurs la même stratégie de défense utilisée par son parti. Le président actuel du Vlaams Belang, Tom Van Grieken, était l’invité de Terzake lundi soir. «C’est une vieille information», a-t-il répondu sur le plateau de l’émission de la VRT. «Filip Dewinter avait déjà déclaré que ces documents existaient et qu’ils avaient déjà fait l’objet d’une enquête. La Sûreté de l’État a déjà déclaré qu’il n’y avait pas eu de corruption. La seule nouveauté est le moment choisi : deux mois avant les élections, ils vont remettre sur le tapis de vieilles questions», a lancé Van Grieken.
Ce dernier fait aussi référence à l’affaire des masques buccaux. Fin 2023, on a appris que Filip Dewinter avait reçu 10.000 masques buccaux par le même intermédiaire chinois, Shao, au début de la crise sanitaire. Il semble plus difficile, d’après Het Nieuwsblad, qu’à cette époque, Filip Dewinter n’ait pas eu connaissance des activités d’espionnage de Shao Changchun. Mais, la commission de déontologie a déclaré la plainte irrecevable parce qu’elle disposait de trop peu d’informations de la part de la Sûreté de l’État.
Le ministère public avait déjà innocenté Dewinter à la suite des révélations de 2018. Mais plusieurs sources affirment que cette décision s’explique principalement à cause des lois jugées trop laxistes en matière d’espionnage. Avec la nouvelle législation, qui entrera en vigueur cette année, Filip Dewinter n’aurait pas bénéficié de la même clémence.
Van Grieken osera-t-il écarter Dewinter ?
Cette affaire place en tout cas, selon certains médias flamands, le Vlaams Belang dans l’embarras. À la fin de l’année dernière, Frank Creyelman, chef de groupe du Vlaams Belang au conseil communal de Malines, avait été payé par un espion chinois pour faire du lobbying et obtenir des informations. À l’époque, le président Tom Van Grieken avait rapidement écarté l’intéressé, mais il est peu probable qu’il agisse de la même manière avec Dewinter, car ce dernier reste un candidat très populaire à Anvers et susceptible d’obtenir de très nombreuses voix de préférence. Il est toujours candidat du Vlaams Belang pour les prochaines élections communales qui se tiendront dans la cité portuaire en octobre.
Suite à l’enquête parue sur le site d’Humo, Groen a demandé au Parlement flamand que Filip Dewinter démissionne de son poste de vice-président. «Pour nous, quelqu’un qui essuie les pieds de notre démocratie ne peut pas être vice-président de l’une de nos institutions démocratiques les plus importantes. Nous voulons qu’il démissionne de ce poste et qu’un autre vice-président soit nommé», a déclaré Mieke Schauvliege, présidente de Groen.
Mais le principal intéressé et son parti font la sourde oreille. Het Nieuwsblad se demande si la N-VA prendra également d’autres mesures. En effet, dans un document de 2016, Dewinter demande le remboursement d’un dîner avec le député N-VA Koen Metsu. Mais ce dernier nie formellement être allé au restaurant avec Dewinter. De quoi encore augmenter les tensions alors que les Flamands seront bientôt amenés à se présenter devant les urnes.
Dans son édito du jour, la journaliste politique de Het Laatste Nieuws Isolde Van den Eynde explique que «dans son programme électoral, le Vlaams Belang plaide en faveur de la nomination d’un commissaire du gouvernement chargé de vérifier le respect de la politique de lutte contre la censure, c’est-à-dire contre le wokisme . Filip Dewinter balaie ses périls chinois sous le tapis, mais dans le programme du parti, la Chine n’est pas loin», conclut-elle.
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