Les agriculteurs flamands se rassemblent à Torhout pour une balade sur leurs tracteurs en direction de Bruxelles, afin de protester contre les nouvelles règles proposées pour réduire les émissions d'azote. © Belga

Quel est le « plan azote », ce dossier qui pousse des milliers de tracteurs à manifester ce vendredi à Bruxelles ? 

Quelque 2 500 tracteurs se dirigent vers Bruxelles ce vendredi matin pour protester contre la politique agricole du gouvernement flamand. Cette action aura de nombreuses répercussions sur la circulation dans la capitale. Pourquoi manifestent-ils ? Entre plan drastique et désaccords politiques, rien ne va plus en Flandre…

Les agriculteurs flamands mettent Bruxelles sens dessus dessous ce vendredi. Des perturbations sont attendues dans la capitale, au point que la police déconseille la voiture pour s’y rendre. En cause : l’arrivée de 2.500 tracteurs pour protester contre le « plan azote ». Ce dossier, qui inclut la restriction drastique des épandages et l’interdiction des activités d’une quarantaine de fermes, fait vivre à la Flandre l’une de ses plus grandes crises. Mais de quoi parle-t-on exactement?

Présent dans le fumier et dans le lisier, l’azote est indispensable dans le développement des plantes. Un fertilisant utile qui, en quantité excessive, provoque à terme des pertes de productions agricoles, mais aussi la pollution des cours d’eaux via la libération de métaux lourds dans le sol.

En discussion depuis des mois sur le sujet, le gouvernement flamand n’arrive plus à s’entendre et est au bord de l’implosion. De nombreux experts estiment même que la survie de la coalition N-VA/CD&V/Open Vld se joue sur ce dossier. La raison de cette zizanie? L’élevage industriel dans le nord du pays, qui produit ainsi une quantité astronomique d’azote. En Flandre, l’élevage porcin représente près de 95% de la production belge, dont un peu plus de la moitié se concentre uniquement en Flandre-Occidentale. Mais l’élevage de la volaille est aussi en cause.

Pour remédier à cela, le gouvernement s’était mis d’accord il y a un peu plus d’un an. Ce « plan azote » prévoyait plusieurs mesures, dont la plus radicale concernant l’arrêt des activités de quarante-et-une exploitations d’ici 2025. Une mesure trop drastique ? Très certainement selon le syndicat agricole Boerenbond, qui multiplie les actions coup de gueule depuis. Le syndicat, accompagné par plusieurs mouvement agricoles, manifeste d’ailleurs ce vendredi à Bruxelles avec pour ambition de « marcher avec un millier de tracteurs », comme l’a déclaré Hendrik Vandamme, président du Syndicat général des agriculteurs (ABS). Au final, il s’avèrerait qu’ils soient 2.500 tracteurs à faire le déplacement.

Les agriculteurs manifestent régulièrement contre le « plan azote ».

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Les agriculteurs manifestent régulièrement contre le « plan azote ».

Une semaine plus tôt, le 8 février, les agriculteurs faisaient déjà le pied de grue avec des pancartes devant la résidence de Jan Jambon.

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Une semaine plus tôt, le 8 février, les agriculteurs faisaient déjà le pied de grue avec des pancartes devant la résidence de Jan Jambon.

D’autres actions se sont déroulés l’année dernière, comme le stationnement de tracteurs sur un pont de franchissement de l'autoroute E19 à Brasschaat lors d'une action de protestation d'agriculteurs le mercredi 29 juin 2022.

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D’autres actions se sont déroulés l’année dernière, comme le stationnement de tracteurs sur un pont de franchissement de l’autoroute E19 à Brasschaat lors d’une action de protestation d’agriculteurs le mercredi 29 juin 2022.

Les agriculteurs manifestent régulièrement contre le « plan azote ».

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Les agriculteurs manifestent régulièrement contre le « plan azote ».

Une semaine plus tôt, le 8 février, les agriculteurs faisaient déjà le pied de grue avec des pancartes devant la résidence de Jan Jambon.

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Une semaine plus tôt, le 8 février, les agriculteurs faisaient déjà le pied de grue avec des pancartes devant la résidence de Jan Jambon.

D’autres actions se sont déroulés l’année dernière, comme le stationnement de tracteurs sur un pont de franchissement de l'autoroute E19 à Brasschaat lors d'une action de protestation d'agriculteurs le mercredi 29 juin 2022.

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D’autres actions se sont déroulés l’année dernière, comme le stationnement de tracteurs sur un pont de franchissement de l’autoroute E19 à Brasschaat lors d’une action de protestation d’agriculteurs le mercredi 29 juin 2022.

Un timing serré

Le dossier est sur la table du gouvernement flamand depuis 2014. Un problème de longue date, donc, qui traine de par la difficulté de trouver un compromis avec le milieu agricole. En effet, puisqu’il est responsable de 60% de la production d’azote en Flandre, ce secteur est le premier impliqué. Il faut également savoir que les terres de 80 % des zones naturelles flamandes renferment un niveau trop élevé en azote, ce qui en fait un des plus mauvais élèves européens.

Seulement, après presque dix ans de mesures temporaires, une solution doit absolument être trouvée pour cette année. Pourquoi ? Cela se résume en trois mots : Politique agricole commune (PAC). La Commission européenne pousse le gouvernement flamand à agir et, sans solution officiellement actée, elle ne fournira pas les premières aides prévues par la PAC pour la période 2023-2027.

Autre deadline pour le gouvernement flamand : 2050. Dans le but de respecter les accords du réseau Natura 2000, plus aucun site agricole situé à proximité d’une de ces zones ne devra dépasser un seuil critique d’azote. A l’heure actuelle, la Flandre est bien loin du compte. Pour se faire, des mesures drastiques doivent être prises, selon une partie du gouvernement. Mais une autre partie, dirigée par le CD&V, ne l’entend pas de cette oreille.

2024 en vue

Sans compromis depuis l’impossibilité de mettre en place l’accord prévu il y a un an, la majorité flamande est en crise. L’exécutif, composé d’une coalition N-VA-Open VLD-CD&V, est en total désaccord sur le sujet et peine à trouver une solution.

Plus précisément, le conflit oppose principalement les nationalistes et les chrétiens-démocrates. La ministre flamande de l’environnement Zuhal Demir (N-VA), qui a présenté le drastique « plan azote », fait face au CD&V de Sammy Mahdi. Président de son parti depuis le 25 juin dernier, son objectif politique est clair : revenir à la source de sa formation en soutenant mordicus le milieu agricole. Jo Brouns (CD&V), ministre de l’Agriculture dans le nord du pays, est d’ailleurs largement sollicité par le syndicat Boerenbond pour faire entendre sa voix au sein du parlement.

Un rôle implicite de porte-parole que le ministre compte bien continuer à exécuter. D’abord, parce que son parti le soutient, estimant que les agriculteurs sont trop durement touchés par les restrictions envisagées. Aussi parce qu’avec les élections fédérales, régionales et européennes prévues pour 2024, le soutien du monde agricole est indispensable pour le parti s’il souhaite retrouver ses couleurs d’antan dans la sphère politique flamande et fédérale.

Seulement, sans accord, le gouvernement flamand ne peut plus avancer et risque la paralysie totale. Dans les Régions, les coalitions ne tombent pas, ce sont les majorités qui changent. Une éjection du CD&V en faveur du Vooruit de Conner Rousseau est-elle envisageable ? Possible, puisque le président socialiste a déclaré que « même si la méthode n’est pas la bonne, la proposition de Zuhal Demir est valable. » Pas de faux espoirs pour autant pour la N-VA et l’Open VLD, puisque le soutien unique de Vooruit ne serait pas suffisant pour fournir une majorité.

« La Wallonie est le petit poucet de la production porcine en Belgique.« 

Et en Wallonie ?

Si la situation fait grand bruit dans le nord du pays, cela est loin d’être le cas en Wallonie. Cela s’explique par diverses raisons. Tout d’abord, parce que l’impact des émissions d’azote est bien inférieur par rapport à la Flandre. « La Wallonie est le petit poucet de la production porcine en Belgique. En 2021, malgré une belle progression (+ 28 %) sur ces 30 dernières années, le cheptel porcin wallon ne dépasse pas 6 % du cheptel national. La production porcine est présente dans 3 % des exploitations wallonnes », peut-on lire sur le site de la Région.

Mais en 2013, le gouvernement wallon avait reçu une mise en demeure de la Commission européenne à ce sujet. La ministre de l’Environnement Céline Tellier s’est donc attelée à la tâche, en proposant la modification du Programme de gestion durable de l’azote (PGDA), validé par le gouvernement le 16 février dernier. « L’objectif est précisément de ne pas arriver à la situation de nos voisins du nord. Ce PGDA remodelé mise sur la prévention », a confié la ministre à nos confrères du journal Le Soir.

Parmi les principales mesures, on peut notamment retrouver des règles plus strictes sur la gestion de l’épandage, avec une interdiction dans les zones vulnérables et les sites en pente. D’autres mesures, comme la création d’un registre des fertilisations azotées pour permettre de mieux contrôler ces normes, se trouve aussi dans le programme, mais aussi la réduction des durées de stockage hors infrastructures, ramenées à 9 mois contre 10 dans l’ancienne version.

Le gouvernement wallon semble donc avoir réussi à anticiper la problématique, tandis que l’exécutif flamand se retrouve toujours face au mur. Les principaux ministres du gouvernement flamand se sont d’ailleurs quittés une nouvelle fois sans accord mercredi matin, après 16 heures de réunion. De quoi renforcer un peu plus la colère des agriculteurs flamands pour la grande manifestation de ce vendredi à Bruxelles.

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