Conner Rousseau démissionne: pourquoi le PS risque de perdre des plumes (analyse)
Conner Rousseau n’est plus le président de Vooruit. Il a annoncé quitter ses fonctions avec effet immédiat, après un bureau de parti expéditif. A quelques mois des élections, cette séquence risque de laisser des traces chez les socialistes flamands…et francophones, selon le politologue Nicolas Bouteca (UGent).
Éméché, le président s’en était pris début septembre à des policiers à la sortie d’un café de Sint-Niklaas et les avait incités à se servir de leur matraque contre les Roms de la commune. Eventé dans la presse, cet incident avait provoqué une vive polémique et poussé Conner Rousseau à présenter ses excuses au cours d’une conférence de presse.
Cette semaine, de nouvelles révélations du quotidien Het Nieuwsblad viennent jeter une lumière encore plus crue sur les propos tenus par Conner Rousseau au café ’t Hemelrijk à Sint-Niklaas. « Mon immeuble d’appartements est raciste, et je les comprends bien », aurait dit le président de Vooruit aux agents de police. « Soyons honnêtes : ce sont toujours ces hommes bruns. De mon point de vue, vous devriez les traiter beaucoup plus sévèrement. Vous devriez utiliser beaucoup plus votre matraque. Je ne peux pas expulser toute cette racaille brune. »
Suite à ces révélations, Vooruit a décidé de convoquer une réunion extraordinaire de son bureau de parti, suivie d’une conférence de presse pendant laquelle Conner Rousseau a annoncé renoncer à ses fonctions de président.
Propos sexistes
Conner Rousseau se serait également plaint à propos de Roms qui causent des problèmes près d’un conteneur à verre. « Ces Roms ou autres gitans sont là tous les putains de jours avec leur matelas ou leur friteuse près de la bulle à verre », aurait-il dit. Selon Het Nieuwsblad, il se serait également pris à une autre personne présente, coiffée d’une crête. « Utilisez votre matraque pour frapper ce gros laid sur sa figure ». Il aurait également fait « l’éloge sexuel » d’une amie présente sur les lieux auprès des policiers.
Selon le parquet de Flandre-Orientale, les déclarations sont si graves qu’elles pourraient entraîner une condamnation devant le tribunal. Une procédure de médiation a été proposée : pour la première fois de l’histoire de la Belgique, un président de parti devra se rendre à la caserne Dossin, un mémorial de la Shoah. Il suivra les traces de l’ex-député du Vlaams Belang Dries Van Langenhove, fondateur du mouvement identitaire flamand Schild & Vrienden, qui s’était déjà vu imposer cette mesure en 2019. Conner Rousseau devra également participer à des séances avec un thérapeute sur l’impact des mots et de l’usage de la langue.
Une situation absurde pour Conner Rousseau
Pour Nicolas Bouteca, politologue à l’Université de Gand, « c’est un peu comme si Mick Jagger devait reprendre des cours de chant ». « Il s’agit sans doute de mesures utiles, détaille-t-il, mais je pense que la conclusion la plus importante, c’est que c’est une situation absurde pour un politicien, surtout un politicien de son parti qui, selon son idéologie, devrait être en première ligne dans la lutte contre la discrimination. Et c’est étrange qu’une telle personne doive encore recevoir des leçons à ce sujet. »
« Quand on lit les mots, ils sont très durs et même vulgaires. Ce sont aussi des termes racistes. Conner Rousseau les avait qualifiés lui-même de zattemansklap (NDLR : discours d’un type bourré), mais en les lisant maintenant, les mots paraissent encore plus durs. Je pense que les révélations de jeudi ont rendu les choses encore pires, surtout maintenant qu’on peut lire mot pour mot ce qu’il a dit. »
Vooruit aura du mal à se passer de Conner Rousseau, selon le politlogue. « Son absence laissera un vide au sein du parti qui ne peut pas être comblé. La seule question est de savoir quel sera l’impact sur le long terme pour le parti. Si en tant que parti progressiste, vous souhaitez lutter contre la discrimination, vous serez confronté à ces déclarations de Rousseau dans chaque débat. Elles pourraient compromettre la crédibilité politique du parti pour les années à venir ».
Les propos du président des socialistes flamands risquent de profiter aux autres partis. « On ressent que les opposants, notamment les écologistes, exploitent ces déclarations pour le dépeindre comme quelqu’un qui n’est pas vraiment progressiste, ce qui pourrait influencer l’électeur qui hésitait peut-être déjà à voter pour Vooruit en raison de ses déclarations plus fermes sur la migration », ajoute-t-il. La coprésidente de Groen Nadia Naji a ainsi affirmé sur les ondes de la VRT ne plus voir de « points communs » avec son homologue de Vooruit Conner Rousseau.
Le langage le plus nauséabond du Vlaams Belang
Pour Nicolas Bouteca, les propos tenus par Conner Rousseau sont dignes du Vlaams Belang, si pas pires. « Dans les débats sur la discrimination, comme celui sur le cordon sanitaire par exemple, Conner Rousseau affirme qu’il ne veut pas former de coalition avec un parti qui rompt le cordon sanitaire, mais il utilise le langage du Vlaams Belang, et même le langage le plus nauséabond du Vlaams Belang », estime-t-il.
En revanche, le politologue estime que les sorties avinées de Conner Rousseau risquent de coûter des voix au PS, le parti frère de Vooruit. « En Flandre, on disait parfois que le PS coûtait des votes au Vooruit, car le PS est bien plus à gauche. Aujourd’hui, c’est peut-être l’inverse. En Belgique francophone, on commence à penser que Magnette et le PS vont probablement gouverner avec le parti de Conner Rousseau ».
Ahmed Laaouej, le chef de groupe PS à la Chambre, s’est d’ores et déjà fortement distancié des « propos dégueulasses » de Conner Rousseau. « Ce sont des propos clairement racistes, c’est une insulte aux milliers de personnes qui ont une ascendance liée à l’immigration, une insulte valeurs de progrès qu’il doit incarner en tant que président d’un parti de gauche que même l’emprise de la boisson ne peut justifier ».
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