Conner Rousseau ne réclamera pas de dommages et intérêts à DPG Media
Le président de Vooruit avait obtenu une interdiction de la publication dans les médias d’éléments liés des propos potentiellement racistes qu’il aurait tenus dans un café flamand.
Le juge des référés de Termonde a rejeté jeudi le recours en tierce opposition introduit par DPG Media contre l’interdiction de la publication d’éléments issus du procès-verbal établi à l’encontre de Conner Rousseau. L’interdiction de publication est donc maintenue, bien qu’elle n’ait plus vraiment d’importance depuis la conférence de presse donnée par le président des socialistes du nord du pays, début octobre.
« Nous nous attendions à remporter cette affaire », a déclaré l’avocat du jeune socialiste, Simon Bekaert. « Il s’agit d’un équilibre entre les droits fondamentaux. La liberté de l’un s’arrête là où commence celle de l’autre. Les infractions pénales, commises peut-être pas par les journalistes eux-mêmes, mais par les personnes qui ont divulgué les informations, étaient toutes réunies en apparence ».
« Pour nous, c’est fini »
Me Bekaert a en outre indiqué que depuis la conférence de presse début octobre, son client ne réclamerait plus d’astreinte si DPG Media venait à publier l’article malgré tout. « Nous renonçons à l’exécution de la décision, nous l’avons réitéré devant le tribunal. » De même, le politicien ne réclamera pas de dommages et intérêts à DPG Media. Cependant, selon son avocat, c’est « juridiquement possible » via une assignation en justice. « Mais nous ne le ferons pas. Pour nous, c’est fini », a-t-il souligné. L’entreprise doit néanmoins verser à M. Rousseau une indemnité de procédure de 1.800 euros.
Si l’interdiction de publication d’éléments issus du procès-verbal établi à l’encontre de Conner Rousseau est maintenue, cela freinera le travail des journalistes, a estimé jeudi Charlotte Michils, secrétaire de l’Association flamande des Journalistes (VVJ). Pour la VVJ, cette interdiction constitue une surprise. L’association s’est mêlée à l’affaire car cette mesure ne s’applique pas seulement à DPG Media, mais à l’ensemble du secteur médiatique. « C’est pourquoi nous avons décidé de prendre position et de défendre la liberté de la presse« , a justifié la secrétaire. Si l’interdiction de publication est maintenue, « il sera difficile, pour les journalistes, de rendre compte des enquêtes en cours, ce qui constituera un frein à l’information », d’après l’association flamande.
Débat autour du caractère privé de l’affaire
Le juge des référés ne s’est pas prononcé sur le fond de l’affaire et a considéré que la vie privée du président de Vooruit avait bien été respectée. « DPG relève à juste titre que la vie privée de M. Rousseau bénéficie d’une protection différente et à certains égards plus limitée que celle d’un citoyen ordinaire. Le rôle public assumé par M. Rousseau, associé à ses propres relations avec les médias, implique que des éléments qui relèveraient de la vie privée, dans le cas d’un citoyen ordinaire, peuvent néanmoins présenter un intérêt social dans son cas », peut-on lire dans l’ordonnance.
« DPG pointe à juste titre que ces déclarations publiques ne font pas partie de la sphère privée. L’ivresse invoquée par l’intéressé pour justifier ses propos ne peut être juridiquement pertinente. Que le président d’un parti social-démocrate ait proféré, dans un espace public, certains propos blessants ou dénigrants pour certains groupes de population et/ou certaines professions semble bien relever de l’intérêt public. »
« On peut se demander si l’opposition introduite par DPG était suffisante compte tenu des contraintes temporelles que le média a simultanément imposées à M. Rousseau. Cependant, le travail journalistique et le travail d’un tribunal remplissent des fonctions sociales différentes. Il est complexe de déterminer si une apparence de droit est présente dans le cas présent. Par conséquent, le juge des référés doit considérer qu’il n’y en a pas ».
Le contentieux entre Conner Rousseau et DPG Media
Le parquet de Flandre orientale avait confirmé le 21 septembre qu’une enquête était en cours concernant les propos de Conner Rousseau tenus à deux policiers de Saint-Nicolas (Flandre orientale) dans la nuit du 1er au 2 septembre. Het Laatste Nieuws (HLN) et VTM avaient préparé un article et un reportage sur le sujet avec des passages du procès-verbal, mais le président de Vooruit avait obtenu une interdiction de publication en référé.
DPG Media, rejointe peu après par l’association flamande des journalistes (Vlaamse Vereniging van Journalisten – VVJ), avait alors introduit un recours en tierce opposition, exigeant la fin de cette interdiction. Celle-ci s’applique à « toute personne physique, toute entreprise responsable directement ou indirectement, par tout intermédiaire, organe de presse, média ou support audiovisuel ou informatique », mais n’a été signifiée qu’à DPG Media.
« Le président a estimé que ni la Constitution ni la Convention des droits de l’homme ne s’opposent à une interdiction préventive de publication applicable en toutes circonstances », a expliqué la magistrate de presse Sofie Van Ginderdeuren. DPG Media peut encore faire appel de la décision. Le groupe médiatique est en train d’examiner les différentes options, a indiqué un porte-parole. Il en va de même pour la Fédération des journalistes flamands (VVJ).
DPG Media en appel
Le groupe DPG Media compte faire appel de la décision du tribunal de maintenir l’interdiction de publication demandée par Conner Rousseau. Le parquet de Flandre orientale avait confirmé le 21 septembre qu’une enquête était en cours concernant les propos de Conner Rousseau tenus à deux policiers de Saint-Nicolas (Flandre orientale) dans la nuit du 1er au 2 septembre. Het Laatste Nieuws (HLN) et VTM avaient préparé un article et un reportage sur le sujet avec des passages du procès-verbal, mais le président de Vooruit avait obtenu une interdiction de publication en référé.
DPG Media avait alors introduit un recours en tierce opposition, exigeant la fin de cette interdiction. Le recours a été rejeté par le juge des référés de Termonde, le tribunal de première instance estimant qu’une violation du secret de l’enquête pénale pouvait justifier une interdiction de publication préventive. L’interdiction de publication est donc maintenue, même si elle ne fait plus vraiment sens depuis que le jeune socialiste a tenu une conférence de presse pour s’excuser des propos qu’il a tenus.
Face au maintien de l’interdiction de publication, DPG Media a donc décidé de faire appel. L’entreprise renvoie à l’article 25 de la Constitution belge qui stipule que la presse est libre, et la censure interdite. Selon l’avocat de DPG Media, Johan Verbist, le maintien de l’interdiction de publication va à l’encontre de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour constitutionnelle.