Affaire Sanda Dia: la colère ne faiblit pas
L’arrêt rendu dans l’affaire Sanda Dia continue à susciter la colère : ce week-end, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées à Gand et à Bruxelles pour protester contre les peines considérées comme trop légères infligées aux membres du cercle étudiant Reuzegom. Même le monde politique flamand s’en mêle.
Le 26 mai dernier, la cour d’appel d’Anvers a condamné les 18 membres du cercle étudiant Reuzegom à des peines de travaux d’intérêt général allant jusqu’à 300 heures et à des amendes de 400 euros pour la mort de Sanda Dia. Une partie de l’opinion publique flamande considère ces peines trop légères et crie à la justice de classe, les membres de Reuzegom venant de milieux plutôt aisés alors que Sanda Dia était issu d’un milieu plus modeste.
« Nous ne croyons pas que la classe sociale des suspects et de Sanda n’ait pas joué un rôle dans cette histoire », a déclaré un des manifestants. « Nous ne croyons pas non plus que la couleur de peau et l’appartenance ethnique de Sanda n’aient pas joué un rôle. Aurait-on eu la même indulgence si les auteurs avaient été d’origine africaine ou maghrébine?« , s’interrogent-ils.
La presse en a également pris pour son grade, alors que les médias n’ont pas révélé l’identité des membres du cercle étudiant condamnés. Plusieurs manifestants ont scandé leurs noms et affichaient des pancartes reprenant l’identité des coupables.
Suspects riches et blancs
« Si les suspects ne sont pas riches ou blancs, leurs noms et leurs photos sont diffusés beaucoup plus rapidement, avant même qu’ils ne soient condamnés, avant même que leur culpabilité ne soit établie », affirment les manifestants. « Dans ce cas-ci, alors qu’il s’agit de riches blancs, les médias trouvent toutes sortes d’astuces pour esquiver de mentionner leurs noms », ajoutent-ils.
Indigné que les noms des membres de Reuzegom n’aient pas été dévoilés, le youtubeur ACID, fort de 531 000 abonnés, a décidé la semaine dernière de balancer les noms sur sa chaîne. La vidéo a atteint rapidement des centaines de milliers de vues, mais a été retirée par YouTube en raison de la « politique en matière de harcèlement et de contenu offensant ».
Critiqué pour avoir fait justice lui-même, ACID bénéficie de l’appui de Sammy Mahdi, le président du CD&V. Le youtubeur « n’a rien fait d’autre que ce que font les journalistes tous les jours », affirme le président des chrétiens-démocrates flamands dans une vidéo Tiktok. Sammy Mahdi dit comprendre la « frustration que vivent de nombreuses personnes » quant aux règles d’anonymat « qui sont strictement appliquées dans une affaire, mais pas dans d’autres ».
Sammy Mahdi n’est pas le seul homme politique à avoir exprimé son avis dans l’affaire. Chef de groupe PTB à la Chambre, Jos D’Haese, n’a pas caché sa désapprobation. « Dans l’affaire Reuzegom, le juge a statué en son âme et conscience, mais le procès s’apparente à une justice de classe« , déclare-t-il à Humo.
« Alors que Sanda Dia était encore à l’hôpital, ils [NDLR : les membres de Reuzegom organisateurs du baptême) négociaient déjà des stratégies de défense appropriées. Le juge a également indiqué dans son jugement que les faits sont anciens, mais que les accusés eux-mêmes ont retardé le procès », ajoute-t-il. Selon lui, une personne qui oublie son abonnement de train paie plus que les membres de Reuzegom pour « avoir torturé quelqu’un à mort ».
« Une pente glissante »
Le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open VLD) estime qu’il n’appartient pas aux politiciens de s’exprimer à la place des juges. « J’ai entendu des juges qui craignaient pour eux-mêmes et leurs familles », a-t-il indiqué, parlant de « pente glissante’. « Je suis préoccupé par un climat dans lequel des juges sont ciblés par certaines personnes et voient leurs noms et adresses publiées. »
Le ministre dit toutefois comprendre les manifestations et les prendre au sérieux. « Les lois sont ce qu’elles sont et 300 heures de travaux d’intérêt général sont le maximum. Mais je suis prêt à avoir un débat », a-t-il déclaré. Dans les prochaines semaines, le débat sur le nouveau Code pénal aura lieu à la Chambre. « Je suis prêt à en discuter ouvertement. Cependant, il ne doit pas seulement s’agir d’amendes et de culpabilité, mais aussi de la façon dont nous rendons les criminels meilleurs. »
Comme le souligne le politologue Dave Sinardet dans les colonnes du quotidien De Morgen, il y a un parti flamand qu’on n’entend pas et c’est le Vlaams Belang. « Soudain, le parti qui, depuis des décennies, fait du durcissement des peines l’un des fers de lance de son programme est extraordinairement silencieux. Alors que le Vlaams Belang n’a cessé de fustiger les décisions judiciaires qui, selon lui, équivalent à des ‘sanctions laxistes’, le parti de law and order ne semble pas avoir développé d’idées sur ce que beaucoup considèrent comme des sanctions légères pour les membres de Reuzegom ». (Avec Belga)
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