Mathieu Michel, en visite sur les hauteurs du Palais de Justice © belga

Début des travaux au Palais de Justice: « Ces échafaudages m’ont beaucoup meurtri » (interview)

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

Le secrétaire d’Etat à la Régie des bâtiments Mathieu Michel (MR) se livre sur un dossier vieux comme le monde, alors que la restauration des façades du Palais de Justice de Bruxelles a officiellement commencé.

Enfin. Présents depuis 40 ans sur les façades du Palais de Justice, les échafaudages feront bientôt partie du passé, à en croire le secrétaire d’Etat à la Régie des bâtiments Mathieu Michel (MR). L’homme politique libéral a fixé plusieurs échéances pour la bonne tenue du projet. Courant 2024, les premiers échafaudages devraient être enlevés. D’ici 2030, le bâtiment se retrouverait sans aucun échafaudage pour célébrer les deux siècles d’existence de la Belgique. Et en 2040, l’intérieur du bâtiment sera aussi entièrement rénové, si tout se passe comme prévu.

« Cela nécessitera un engagement politique de mes successeurs, prévient Mathieu Michel. Le projet est sur les rails, j’estime que j’ai fait ma part du boulot et j’ai maintenant bon espoir que le projet aille à son terme ». Tout ne sera pas aussi rose. Les travaux sont estimés à 205 millions d’euros, et près de 30% des pierres qui composent le Palais de Justice devront être remplacées. « Les carrières vont tourner à plein régime », reconnait l’élu.

Un Palais de Justice rénové en 2040, c’est un rêve ?

Mathieu Michel : Non, je pense que c’est atteignable. La justice doit se moderniser avec la digitalisation pour avoir des bâtiments plus économes en superficie. Ce n’est pas un rêve, je suis convaincu qu’il ne faut pas mettre beaucoup d’énergie pour que tout soit bouclé en 2040. Il faut juste s’assurer dans les budgets futurs que le projet est soutenable financièrement. C’est la plus grande menace qui pèse sur la rénovation du Palais de justice.   

Les travaux de rénovation débutent enfin. Vous devez être assez content ?

Oui car j’en ai fait une priorité depuis ma prise de fonction. Le simple fait de pouvoir commencer les travaux est une étape importante, car ces échafaudages ont été placés pour des travaux encore jamais réalisés. Le chantier se met en place, nous avons mené le processus à bien donc, en un sens, mon boulot est terminé. Il ne reste plus qu’à s’assurer que le chantier aille à son terme, mais j’ai bon espoir.

En mai dernier vous assuriez qu’il valait mieux tout démolir et construire un nouveau Palais de justice. Votre vision a changé ?

J’ai dit que ce serait plus facile, mais ce n’est pas mon souhait. Ce bâtiment est emblématique : il s’agit du plus grand palais de justice du monde, qui est un héritage faisant partie de notre histoire. Et aussi, inévitablement, du paysage bruxellois. Je ne peux pas comprendre qu’on ait laissé ce bâtiment en plan pendant près de 40 ans. C’est juste un scandale. Le challenge est de respecter toute la symbolique autour du Palais de justice, qui représente la démocratie avec le Palais royal et le parlement fédéral.

À votre prise de fonction, qu’avez-vous pensé quand le dossier du Palais de Justice est arrivé entre vos mains ?

Cela a été une source de plaisir pour moi quand je me suis rendu compte que j’allais pouvoir apporter une réponse à ce problème. Ce dossier m’indignait déjà en tant que citoyen, bien avant que je devienne secrétaire d’Etat à la Régie des bâtiments. Voir des échafaudages sur le Palais de Justice pendant 40 ans, c’est constater la faillite d’un système. Quand je me suis rendu compte que j’allais pouvoir me retrousser les manches, ça a été une source de motivation colossale pour faire avancer ce dossier.

À titre personnel, voir ces échafaudages m’a beaucoup meurtri en tant que citoyen. Et puis, quand je suis arrivé, certains ont considéré que je n’avais pas ma place. Pour moi, il était important de démontrer que toute une série de personnes avant moi qui étaient en charge de la Régie des bâtiments n’ont pas fait leur boulot. Je voulais montrer que quand je fais une promesse, je la tiens. C’est aussi comme ça qu’on doit restaurer la confiance avec les citoyens.

Comment vous expliquez que le dossier ait fait autant de surplace ? Certains ont eu peur de se mouiller ou ont reculé devant l’ampleur de la tâche ?

C’est un dossier suffisamment important pour qu’on s’en indigne, mais pas assez pour qu’on le prenne à bras le corps. Je considère que la gestion publique implique de s’intéresser aux symboles tels que le Palais de justice. Vous savez, quand j’ai dit à mes collaborateurs qu’on allait retirer les échafaudages, certains m’ont répondu « Mais, Mathieu, c’est impossible ! ». Il ne faut pas céder à ce genre de défaitisme. Plus qu’un symbole, il s’agit de la construction d’un état d’esprit collectif. Nous devons pouvoir être fiers de notre Palais de justice. Retirer ces échafaudage n’est peut-être pas évident, mais on peut y arriver avec un peu plus de positivité.

Les travaux sont estimés à 205 millions d’euros. Cela parait beaucoup d’argent, si c’est uniquement pour construire un « esprit collectif »

Construire un nouveau palais de justice coûte entre 100 et 200 millions d’euros. Le montant supplémentaire que nous avons choisi d’injecter pour la rénovation doit servir à réhabiliter cet emblème de la Belgique. Et la fonctionnalité du bâtiment est intégrée dans la réflexion. J’ai lancé une étude de faisabilité sur l’utilisation du bâtiment pour y réintégrer toute une série de fonctions qui aujourd’hui ne s’y trouvent plus. Sur le campus Poelart, en face du Palais de justice, il y a 2 ou 3 autres bâtiments qu’on loue dans lesquels des fonctions de justice se trouvent. L’objectif à terme est d’économiser sur le budget.

Avec les élections qui approchent à grand pas, pourrez-vous mener le dossier à son terme ?

Souvent, les mandataires ont du mal à se projeter à plus de trois ou quatre ans. Mon boulot est de mettre en place le projet sur les rails. Même si mon successeur ne fait rien, le Palais de justice sera rénové, à l’intérieur comme à l’extérieur. La rénovation sera stoppée uniquement si mon successeur décide d’arrêter le projet. Mais pour le faire, il faudrait poser un acte politique. C’est ma façon à moi de contraindre mes successeurs de poursuivre l’œuvre que j’ai entamée. Le plan d’investissement pour la Régie des bâtiments que j’ai réalisé porte sur 20 ans. La politique, ce devrait être du long terme… Mon successeur devra prendre position publiquement s’il en décide autrement sur ce dossier.

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