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Gouvernement bruxellois: David Leisterh fait un pas de côté, Bruxelles est de retour à la situation du 10 juin
Après huit mois de négociations, le formateur bruxellois David Leisterh fait un pas de côté. Christophe De Beukelaer et Elke Van den Brandt deviennent informateurs et rencontreront tous les chefs de parti bruxellois ce lundi, conjointement.
Plusieurs fois, les formateurs bruxellois ont cru avoir un gouvernement qui se dessinait. Et autant de fois, ces espoirs ont été douchés par des portes qui claquent et des dents qui grincent. Ce vendredi 21 février, après plus de huit mois de négociations (ou de silence, par moments), le formateur David Leisterh (MR) publie finalement un communiqué où il annonce faire un pas de côté. Celui dont l’ambition d’être le nouveau ministre-président bruxellois reste donc, pour l’instant, bourgmestre de Watermael-Boitsfort. La faute à un système politique bruxellois basé sur des équilibres précaires et qui s’est heurté à des positions principielles. Malgré la volonté de David Leisterh de passer la main au chef des socialistes Ahmed Laaouej à qui il impute la responsabilité du blocage, Elke Van den Brandt (Groen) met en pause son rôle de formatrice néerlandophone pour entamer une mission d’information bruxelloise avec Christophe De Beukelaer (Les Engagés). Lundi, ils recevront conjointement les treize chefs de file des partis bruxellois.
«Après plus de huit mois, force est de constater que malgré toute la force et la patience que j’ai pu y mettre, et ce jusqu’aux dernières heures, les positions des différents partis ne permettent pas la formation d’une majorité, lit-on dans le communiqué publié peu avant 17h30, alors que les journalistes faisaient le pied de grue devant le siège du MR. Plusieurs partenaires ont empêché toute exploration raisonnable d’une solution.» Il est vrai que cette formation bruxelloise a été, depuis le début, une histoire de vetos.
La foire aux blocages
D’abord dès le 9 juin (et même avant) de la part de la droite bruxelloise (et du centre aussi) à l’encontre du PTB et de la Team Fouad Ahidar (en plus du cordon sanitaire contre le Belang, bien entendu). Puis lorsque l’axe francophone MR-Les Engagés-PS fut formé, et après plusieurs mois de difficultés côté néerlandophone, quand Groen, la N-VA, Vooruit et l’Open VLD ont annoncé en novembre avoir trouvé un accord. Là, le PS a affirmé (ou réaffirmé, selon certains) son veto contre les nationalistes néerlandophones. Depuis, très peu de choses ont bougé.
Cette formation est aussi l’histoire d’actions manquées, d’opportunités refusées. Peu avant les fêtes, David Leisterh et Georges-Louis Bouchez, son président, invitaient les présidents fédéraux des partis francophones à s’asseoir à la table afin de trouver une solution. Paul Magnette a réaffirmé que l’interlocuteur bruxellois pour la formation d’un gouvernement se nommait Ahmed Laaouej. Pour Ecolo, ce n’est ni Marie Lecocq ni Samuel Cogolati, mais Zakia Khattabi qui s’est présentée. L’épisode s’est bien révélé infructueux.
Fin janvier, c’est le PS qui a proposé au parlement bruxellois d’approuver ou non la désignation de David Leisterh comme ministre-président en convoquant l’article 35 paragraphe 2 de la Loi spéciale sur les institutions bruxelloises. Le casting ministériel était aussi concerné. Mais la piste fut balayée par l’étude juridique du parlement bruxellois (même si les socialistes ont demandé à recommencer celle-ci). Et depuis, rien n’a bougé.
Le PS Bruxellois est arrivé à la conclusion que seule une initiative menée par des partis qui recueillent la confiance de tous est de nature à apporter une réponse à la crise actuelle.
Communiqué de presse du Parti Socialiste
Enfin, voici deux semaines, David Leisterh annonçait reprendre des bilatérales avec tous les partis. Francophones, comme néerlandophones. Et là, quelque chose a bougé. Benjamin Dalle (CD&V) qui avait jusque-là laissé planer le doute sur son envie de «monter» ou non au gouvernement bruxellois a clarifié sa position en envisageant la possibilité de remplacer la N-VA. L’éclaircie a duré quelques minutes à peine. L’Open VLD incarné par Frédéric De Gucht a déclaré que si la N-VA n’allait pas au gouvernement, alors, son parti n’irait pas non plus. Et depuis, plus rien n’a bougé, et plus personne (sauf peut-être David Leisterh) n’espérait que ça bouge.
Tout cela nous amène à ce vendredi 21 février. Et à Elke Van den Brandt, qui ne fut pas non plus épargnée par ces huit mois de négociations durant lesquels le parlement bruxellois a, par moments, détricoté ce qu’elle avait coconstruit durant la législature écoulée. Et qui, à la surprise générale, se retrouve informatrice au côté de Christophe De Beukelaer. Au départ, le socialiste Ahmed Laaouej était attendu, lui qui est à la tête du deuxième parti bruxellois. Mais sa formation a refroidi les attentes libérales une heure après le pas de côté de David Leisterh. «Des contacts bilatéraux pris ces derniers jours, et constatant la polarisation extrême mise en scène à son encontre, le PS Bruxellois est arrivé à la conclusion que seule une initiative menée par des partis qui recueillent la confiance de tous est de nature à apporter une réponse à la crise actuelle.»
Le lourd tribu revient donc à Christophe De Beukelaer, «qui ne fait pas partie du camp de l’un comme du camp de l’autre», estime un proche observateur de la situation. La mission, si du moins il l’accepte, du nouveau duo serait a priori de convaincre Frédéric De Gucht et l’Open VLD de lâcher la N-VA. Seulement, ça, pour ce dernier, reviendrait à se plier aux desiderata du PS, ce qui est inaudible pour le néoleader libéral néerlandophone (et sa base militante). «Car la réalité, c’est que 70% du parlement bruxellois ne souhaitent pas discuter avec la N-VA. L’enjeu, c’est de pouvoir de le dire.»
Et puis, un point commun transparaît aussi bien dans le communiqué de presse des socialistes que dans celui des libéraux. Ces derniers se disent «disponibles pour ces réformes tant attendues, qu’elles soient budgétaires, sécuritaires, socioéconomiques». Alors que «le PS bruxellois contribuera dans un esprit sérieux et constructif à toute initiative prise dans le but de parvenir rapidement à la constitution d’un gouvernement régional s’appuyant sur une majorité parlementaire stable».
A Bruxelles, tout le monde a bien compris que l’esbrouffe autour de la mise sous tutelle de la Région évoquée à la Chambre ce jeudi 20 février n’était pas près de devenir réalité, du moins pas tout de suite. D’ici là, la Région bruxelloise sera peut-être gouvernée par un mode de démocratie plus direct et moins complexe qu’elle n’en n’a l’habitude: la démocratie parlementaire.
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