Le directeur de l’Observatoire de la santé et du social nommé illégalement?
Olivier Gillis, qui était jusqu’à présent chef de service de cet observatoire bruxellois, a été nommé directeur sans que la procédure ni les statuts ne soient respectés.
Ils ont pris la décision ensemble: le ministre-président Rudi Vervoort (PS) et les ministres bruxellois Sven Gatz (Open VLD), Bernard Clerfayt (DéFI), Elke Van den Brandt (Groen) et Alain Maron (Ecolo). Ce Collège réuni, sorte de gouvernement de la Cocom (Commission communautaire commune) a choisi de nommer directeur – de rang A3 – Olivier Gillis, actuellement chef de service de l’Observatoire bruxellois du social et de la santé. Sans ouvrir le poste à d’autres candidatures, sans vérifier dans les réserves du Sélor si d’autres profils pouvaient correspondre à la fonction. Ni se soucier du statut de contractuel de l’intéressé, qui ne lui donne pas accès à un poste normalement réservé à du personnel statutaire.
L’Observatoire de la santé et du social de Bruxelles-Capitale constitue le service d’étude et d’information de Vivalis, l’administration bruxelloise bilingue dans les secteurs de la santé et de l’aide aux personnes. Créé en 1992, l’Observatoire de la Santé s’est vu adjoindre la compétence «sociale» en 2001, ce qui lui a valu un rallongement de sa dénomination. En 2006, il devient le service d’études du Collège réuni sur ces matières. L’intégration en son sein, en janvier 2023, du Centre de diffusion de la culture sanitaire (CDCS), a quasiment doublé le nombre de ses collaborateurs, passant d’une vingtaine à près de 40.
Pas d’ouverture de poste
Depuis plusieurs années, c’est Olivier Gillis qui dirige ce service. «Pour un service de cette taille, éclaire-t-on au cabinet bruxellois de la Fonction publique, l’idée de le faire diriger par un directeur s’est assez légitimement imposée.» Le cadre organique du personnel et les textes réglementaires ont été modifiés en ce sens. Les compétences de Olivier Gillis ne sont pas en cause, mais la manière dont cette nomination s’opère soulève plusieurs questions.
«Il n’y a pas d’ouverture de poste A3. C’est une décision des membres du Collège réuni, compétents pour la Fonction publique, indique le procès-verbal rédigé à l’issue du conseil de direction de la Cocom en date du 25 mars dernier et dont Le Vif a pris connaissance. Le conseil de direction prend acte de cette information.»
Et c’est tout? Pas pour les organisations syndicales qui voient au contraire dans cette décision une infraction à la procédure: deux d’entre elles, sur trois, ont d’ailleurs formellement exprimé leur désaccord sur ce changement de fonction.
Le poste de directeur A3 n’est normalement ouvert qu’à du personnel statutaire. C’est une fonction dite «de promotion» réservée uniquement à des fonctionnaires nommés, et pas à des contractuels. Or, Olivier Gillis est contractuel, comme tous les universitaires employés à l’Observatoire. «Il n’a pas été nommé et ne devient donc pas agent statutaire puisque son emploi à l’Observatoire reste, en l’état actuel de la réglementation, un emploi nécessairement contractuel, insiste-t-on au cabinet Clerfayt. L’évolution de son poste est due aux responsabilités accrues en termes de gestion d’équipe.» Ce que nul ne conteste.
Pour le SLFP, il y a là une violation du statut stipulant que le grade de directeur est un grade de promotion. «En recourant au mode exceptionnel du recrutement contractuel, alors que le recrutement statutaire est la règle, cet emploi vacant ne pourra pas être notifié aux fonctionnaires susceptibles d’être promus», peut-on lire dans l’avis – négatif – du syndicat libéral de la fonction publique.
«On a ouvert un poste statutaire pour lui alors qu’il n’était pas dans les conditions pour y accéder», résume Gwenaëlle Scuvie, secrétaire nationale de la CSC Services publics. Même la CGSP (Centrale générale des services publics), qui a avalisé cette nomination, souligne dans ses remarques qu’il faut «veiller à ce que la désignation du directeur de l’Observatoire ne crée pas un précédent en ce qui concerne la promotion au grade de directeur telle qu’actuellement en vigueur.» C’est bien ce «précédent» qui pose problème. Car cela revient à dire que, du fait du prince, un contractuel peut obtenir un poste qui ne lui est normalement pas destiné. Il s’agit donc d’une pratique discriminatoire qui rompt avec le principe d’égalité de traitement.
Pas de sélection, pas de jury
A titre de comparaison, les quatre autres directeurs en place au sein de Vivalis ont d’ailleurs été sélectionnés après un appel public à candidatures et la mise en œuvre d’une procédure de sélection, avec un jury. Pas dans ce cas-ci.
La création de ce poste n’a en outre fait l’objet d’aucune publicité et la fonction n’a pas non plus été ouverte à d’autres candidatures. «La fonction de Olivier Gillis a simplement évolué, justifie-t-on au cabinet Clerfayt. Cette modification se concrétise par un avenant à son contrat de travail.» Pour le SLFP, en revanche, ce non-appel à candidatures constitue une atteinte au principe d’égalité d’accès aux emplois de la fonction publique. «Il y a nécessité de faire connaître la vacance de l’emploi, non seulement aux éventuels candidats internes mais aussi aux candidats extérieurs à l’administration», rappelle-t-il.
Autant d’arguments légaux qui n’ont pas été entendus. «Le Collège réuni assume ce choix, mais c’est illégal», assène-t-on à la CCSP. Contacté par Le Vif, Olivier Gillis n’a pas répondu à nos questions, assurant que l’administration reprendrait contact.
«Le Collège réuni assume son choix, mais il est illégal.»
Gwenaëlle Scuvie, secrétaire nationale de la CSC Services publics.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici