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Le bulletin des députés du parlement bruxellois, cet hémicycle somnolent: voici la meilleure élève et le cancre, tous deux MR

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Quel bilan tirer du travail des députés ? Quels sont ceux qui ont fait le job et ceux qui l’ont joué plus dilettante? Alors que les législatures s’achèvent, Le Vif se penche sur l’activité au parlement bruxellois.

Méthodologie et explications (cliquez sur cet encadré pour lire l’article introductif)

Comment évaluer les députés? Peut-on distinguer les bons des moins bons élèves? Les plus présents sont-ils les plus impliqués, les plus efficaces? Une radioscopie des travaux de tous les élus francophones du pays devrait permettre de se faire une idée.

Pour rappel, ce «métier» de parlementaire est défini dans la loi: légiférer, contrôler l’action de l’exécutif et estimer les politiques publiques. Les critères retenus pour établir un palmarès correspondent donc aux différentes fonctions assignées aux assemblées parlementaires. Dès lors, il s’agit, pour chaque élu, d’apprécier sa force de proposition (nombre de propositions de loi, de résolution, de décret ou d’ordonnance déposé), la défense de ses positions (nombre d’amendements) et son travail de contrôle ou d’évaluation (questions écrites, orales, d’actualité et, surtout, interpellations).

Cette recension permet de dresser un portrait objectif, même s’il ne manquera pas de faire grincer des dents ou de provoquer des haussements d’épaules. Il sera dit qu’il est incomplet, qu’il ne tient pas compte de l’activité et du temps, non «mesurables», que les parlementaires consacrent aux électeurs, hors de l’hémicycle. Etre député, c’est aussi se rendre à des colloques, des missions d’information, rencontrer les citoyens… Rédiger une proposition de loi exige du temps de recherches, de préparation, d’entretiens. Déposer des amendements réclame d’en vérifier la qualité et la solidité juridique. Ecrire un rapport peut demander des heures d’auditions. Les indicateurs utilisés ne reflètent sans doute pas les nuances de la fonction, mais proposent des critères objectivables.

«Etre parlementaire, c’est appartenir à un groupe. Le député n’est pas un électron libre, note Emilie van Haute, professeure de science politique à l’Université libre de Bruxelles (ULB). Dans un groupe politique, une dynamique s’instaure, les tâches sont réparties.» Raison pour laquelle l’examen des moyennes par parti est aussi important que les résultats d’un député indicateur par indicateur. Ainsi, dans certaines formations (chez Les Engagés, par exemple), chaque proposition de texte doit obligatoirement passer par le chef de groupe, dans d’autres (au PS, notamment), chaque élu cosigne les propositions de texte. Une règle qui rend le travail individuel moins visible et mesurable. Au sein d’un petit groupe, les élus s’impliquent logiquement davantage, la masse de travail à partager se distribuant entre un nombre plus réduit de parlementaires. Leurs membres affichent alors parfois des scores élevés.

«Etre parlementaire, c’est appartenir à un groupe. Le député n’est pas un électron libre.»

Emilie van Haute

Professeure de sciences politiques

De fait, les élus de la majorité sont plus nombreux et disposent donc de moins d’espace pour exister. Surtout, la majorité suit généralement, ce qui laisse peu de place aux amendements et interpellations. Etre député de la majorité, c’est être tenu par l’accord de gouvernement, ce qui conduit aussi à déposer moins de propositions de loi, de décret ou d’ordonnance.

Peu de «députés fantômes»

Il est vrai que les chiffres tendent à uniformiser les pratiques. En effet, selon Jean Faniel, politologue et directeur général du Centre de recherche et d’information sociopolitiques (Crisp), «tous les députés ont un profil particulier». Entre un député de la majorité et un député de l’opposition, un chef de groupe ou un expert dans quelques sujets pointus, un généraliste intervenant sur de nombreuses matières et un élu désigné par son groupe à la fabrication de la loi, les données peuvent varier. Les chiffres, encore, ne disent pas qu’il reste plus difficile pour un élu n’appartenant à aucun groupe de prendre la parole en séance (DéFI, par exemple, a droit à une seule question d’actualité) ou que la préparation des questions écrites, que certains députés produisent par dizaines, est très souvent dévolue aux assistants parlementaires et que leur rédaction peut être très rapide. Un outil relativement facile à utiliser, avantageux en temps et en énergie, que le député peut employer tant qu’il veut, puisque les questions écrites ne sont pas contingentées.

L’activité, quant à elle, est à quantifier par le taux de présence. L’assiduité en séances plénières lors des votes a été recensée. Il s’avère que les «députés fantômes» sont tout de même rares et que les taux de présence s’avèrent similaires dans les différents parlements. Peu sont susceptibles d’une retenue financière sur leur indemnité (à partir d’un score inférieur à 80% en séance plénière et, depuis 2019, en commissions). Depuis 1993, les sanctions ont fortement réduit l’absentéisme dans l’hémicycle. En moyenne, un à trois élus seraient pénalisés chaque mois pour trop d’absences en plénière. Cette moyenne serait stable d’une législature à l’autre. Les règlements des assemblées précisent le mode de calcul des présences: le député doit participer «à la majorité des votes nominatifs». En résumé, il faut le vouloir pour être sanctionné.

Un baromètre pertinent

Le taux de présence doit toutefois être relativisé: il suffit de ne venir qu’au moment des votes (et suivre les séances en direct depuis son bureau de parlementaire tout en travaillant sur d’autres dossiers) pour être comptabilisé, ou de faire simplement acte de présence en commission tout en se consacrant, en réalité, à d’autres tâches.

Reste la question de députés qui ne siègent plus, ou seulement durant de courtes périodes hachées, pour raison médicale. Ceux-là perçoivent une rémunération complète ainsi qu’une indemnité totale, tant qu’ils sont couverts par un certificat médical. Voilà deux ans, le parlement flamand a modifié son règlement. Désormais, le parlementaire en arrêt maladie se voit infliger une retenue de 40% sur son indemnité, après 30 jours d’absence. La règle ne s’applique pas ailleurs, les partis, notamment le PS et le MR, n’y étant pas favorables. Malades, ils ne cèdent pas non plus leur place. Un seul cas de figure est prévu où un parlementaire peut être remplacé: s’il entre au gouvernement, son suppléant ou sa suppléante prend alors sa place.

L’exercice, cependant, demeure un baromètre pertinent. Il écarte un biais majeur: l’inventaire recouvre la législature et, en cela, tempère une éventuelle course aux chiffres. En outre, il offre aux électeurs un indicateur précis de l’implication de leurs députés aux travaux, mettant en lumière des «cracks» et des personnalités n’étant pas nécessairement les mieux notées. Aussi, le palmarès laisse apparaître des parlements divisés en trois: des (très) actifs, des «peut mieux faire» et des «invisibles». Les très actifs arrivent en tête, ils ne sont pas forcément médiatiques. Les «peut mieux faire» se situent dans le milieu du classement, ils ne brillent pas par leur activité, sans pour autant démériter. Enfin, il y a les «invisibles», qui ferment la marche et dissimulent, parfois, leur faible activité derrière des textes cosignés et des questions écrites.

Méthodologie

L’exercice a été réalisé à partir des données collectées depuis le début de la législature dans les comptes rendus officiels des séances plénières et des commissions, ainsi que sur les sites des assemblées. Il dresse, par groupe, le bilan des députés francophones siégeant dans les différentes assemblées: Chambre, parlements de Wallonie, bruxellois et communautaire. Le Sénat ayant vu ses compétences réduites et se réunissant à un rythme moindre, n’a pas été retenu.Pour chaque député, les points ont été comptabilisés de juin 2019 à avril 2024 en tenant compte des critères suivants:
– le nombre de questions orales, d’actualité, écrites, d’interpellations;
– le nombre de rapports écrits.
L’addition de ces critères et une moyenne permettent d’apprécier l’investissement dans le travail législatif. Ont également été prises en compte les présences en séances plénières.

Ils sont, ici, 70 députés comptabilisés, bien qu’ils soient 72 à siéger (Laurence Willemse et Marie Borsu (Ecolo) totalisent trop peu de semaines d’activité pour être prises en compte), soit seize PS (dont le président de l’assemblée, Rachid Madrane, hors décompte), seize MR, quinze Ecolo, neuf PTB, sept Défi, quatre Les Engagés et quatre indépendants. La moyenne obtenue à ce bulletin des députés du parlement bruxellois est faible, et totalise 196 points. Le fonctionnement de l’hémicycle explique, en partie, ce score: à la différence du parlement de Wallonie, un groupe politique ne peut ici déposer un texte sans l’accord des autres formations. C’est aussi le gouvernement qui décide de l’agenda, ce qui limite de facto l’activité parlementaire.

L’opposition caracole en tête de notre bulletin des députés du parlement bruxellois: Aurélie Czekalski (MR), suivie d’Emin Ozkara (DéFI, après avoir été PS puis indépendant), Geoffroy Coomans de Brachène (MR), David Weytsman (MR) et Bertin Mampaka Mankamba (MR, à l’origine Les Engagés), en raison notamment des questions écrites. Emin Ozkara et Bertin Mampaka Mankamba, députés peu actifs, tentent de masquer leur inactivité en abreuvant les cabinets ministériels de questions écrites.

En queue de peloton de ce bulletin des députés du parlement bruxellois, on trouve Sadik Köksal (MR), Alain Vander Elst (indépendant et député depuis novembre 2022), Véronique Jamoulle (PS), Fadila Laanan (PS) et Mohamed Ouriaghli (PS). Précisons que Stéphanie Koplowicz (PTB) n’a presque pas siégé, étant sous certificat médical du 1er juillet 2022 au 31 décembre 2022, renouvelé le 1er janvier 2023 et jusqu’au 1er mai 2024. De même qu’Elisa Groppi (PTB), couverte par un certificat médical depuis le 1er janvier 2023, renouvelé également tous les trois mois et ce, jusqu’au 31 mars 2024.

La suite de l’article sous l’infographie qui présente les pires et les meilleurs élèves de ce bulletin des députés du parlement bruxellois

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Parmi les socialistes, une seule députée se hisse au-dessus de la moyenne. Celle du parti, elle, s’élève à 123 points. Ecolo a également un parlementaire dans la moitié supérieure et affiche une moyenne de 95. Chez DéFI, cinq représentants sur sept font mieux que la moyenne. Celle du parti grimpe à 384.

«Les commissions sont engorgées et des points essentiels ne sont pas mis à l’agenda.»

Dans l’opposition, le MR classe treize députés au-dessus de la moyenne générale et, pour l’ensemble du parti, elle se chiffre à 361. Deux Engagés font mieux que la moyenne générale, celle du parti s’établit à 209. Le PTB n’a qu’une députée dans la moitié supérieure, sa cheffe de groupe, et affiche une moyenne, faible, de 53 points. Parmi les indépendants, seule Véronique Lefrancq, ex-Les Engagés, se classe au-dessus de la moyenne.

Bulletin des députés du parlement bruxellois: perte de temps?

L’assemblée constituée à la suite des élections de mai 2019 s’est beaucoup modifiée, féminisée et rajeunie. Ainsi, elle compte plus 50 % de primoélus. Mais l’écart avec les autres assemblées peut sans doute s’expliquer par le nombre de députés. Ils sont nombreux, trop – et il faut ajouter les élus flamands, au nombre de 17. Or, plus ils sont nombreux, plus il faut distribuer le temps de parole. Et chacun veut mettre son sujet à l’agenda. Résultat: une inflation de thèmes et de questions secondaires.

Des ministres viennent se justifier pour de petits événements de quartier, les commissions sont engorgées et des points essentiels ne sont pas mis à l’agenda. L’afflux est également lié aux compétences de la Région, moins étendues, sur un territoire moins grand que la Wallonie, où la tutelle sur les communes est moins forte. Alors faut-il revoir le nombre de députés? Des partis plaident pour une réduction, sans être entendus.

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