Carte blanche

Friche Josaphat: l’exemple parfait de tout ce qui ne va pas

Pourquoi le dossier sur la friche Josaphat devrait retenir l’attention de tous ?  Une carte blanche des députés MR David Leisterh et Gaëtan Van Goidsenhoven.

Loin d’être une broutille communale, ce dossier est révélateur – sur le fond, comme sur la forme- de tout ce qui ne va pas dans le gouvernement régional. Il existe une contradiction importante entre ce que le Gouvernement bruxellois prône comme objectifs dans sa Déclaration de politique régionale et les projets actuellement poussés en matière de développement territorial.   

Sur le fond, cette dissonance révèle un problème plus profond : une impossibilité pour la majorité bruxelloise à trouver la bonne formule entre la nécessité de préserver ou de créer des espaces verts et la construction de nouveaux logements pour finalement ne répondre que très partiellement) à la crise du logement.    

Sur la forme, cet exécutif qui a chanté pendant quatre ans, se trouve désormais fort dépourvu face aux élections qui arrivent et au bilan catastrophique qu’ils ont à défendre. Résultat : c’est la cacophonie à tous les étages !    

1. Régler les disparités importantes en matière d’accès à la nature en ville    

 Friche Josaphat, champ des Cailles, marais Wiels, pour en citer quelques-uns sont désormais constamment la source de discussions et de discorde au sein du gouvernement bruxellois, et singulièrement de tensions Ecolo – PS, dont les derniers veulent raser ces espaces naturels afin d’y construire des logements, qu’ils soient sociaux ou à prix modérés.  

 Le gouvernement bruxellois nous répète en boucle qu’il faut construire de nouveaux logements sociaux, quitte à sacrifier les derniers espaces verts pourtant reconnus pour leur biodiversité exceptionnelle. La demande croissante pour des logements sociaux et abordables prévaudrait sur la conservation de la nature. Qu’en est-il réellement ?   

Lorsqu’on parle d’espaces verts en ville, il est important de spécifier de quels types on parle, car ils ne représentent pas tous les mêmes intérêts et enjeux. On peut les classer en trois catégories : les espaces verts publics (parcs et bois tel que le Bois de la Cambre), les espaces verts privés (réservés aux habitants d’une parcelle) et les réserves ou sanctuaires naturels (la Friche Josaphat par exemple). La différenciation de ces trois types d’espaces verts est importante car ils remplissent chacun une fonction unique et différente.    

Reconnaissons que Bruxelles est plutôt bien lotie en matière d’espaces verts si l’on regarde la surface, notamment grâce à la forêt de Soignes qui couvre une importante partie de son territoire mais la répartition de ces espaces verts et leur accessibilité est en réalité très inégale. Certains quartiers, tels les quartiers du nord-ouest de Bruxelles ou de l’hypercentre ont ainsi très peu accès à des espaces verts publics ou privés à proximité de chez eux ou à des espaces consacrés à la biodiversité. Ainsi, la moyenne régionale de végétalisation atteint 52,4% avec un taux de 82% pour le quartier ayant le meilleur score, chutant à seulement 4% pour le quartier le plus bas. L’écart vertigineux sur un si petit territoire est interpellant. En outre, les actions répétées en faveur du climat et l’importante mobilisation citoyenne rappellent que les enjeux environnementaux se trouvent désormais au cœur des préoccupations, notamment de la jeune génération.    

1er constat : bétonner un lieu à haute valeur biologique n’est ni souhaitable, ni recommandable au regard des enjeux environnementaux actuels et du déclin préoccupant de la biodiversité.   

2. Rattraper le retard en matière de logements sociaux et abordables    

Avec plus de 50.000 ménages en attente d’un logement social, personne ne peut nier que la Région bruxelloise a pris un retard considérable tant en matière de solutions adoptées que de lutte contre la pauvreté. Ce constat n’est nullement remis en cause. Toutefois, une récente étude de l’Université de Saint-Louis a démontré que la construction de logements sociaux, si elle se maintient au rythme actuel, n’a aucun espoir de résoudre le problème. Dans le meilleur des cas, une baisse d’à peine 20% des demandeurs de logements sociaux sera observée à l’horizon 2040…  

Mêmes conclusions pour le spending review (audit des dépenses) commandé par le gouvernement bruxellois sur l’efficience de ses politiques en matière de logement, qui presse ce dernier à changer son fusil d’épaule.    

Face à l’urgence, il n’est pas absurde de chercher à tout prix à résorber la crise mais pourquoi se focaliser à tout prix sur la construction qui ne palliera que très faiblement et très partiellement au déficit de solutions. Nous prônons à cet égard des approches très différentes pour proposer plus rapidement un logement abordable aux plus démunis. Avec une partie colossale du budget régional prévu pour la construction, des moyens importants pourraient être réorientés au profit de l’extension de l’allocation-loyer (soit une aide financière au logement octroyée pour aider ceux dans le besoin à payer leur loyer sur le marché locatif privé) ou encore au profit du développement des AIS (des logements privés mis en location à un loyer modéré moyennant certains avantages pour le propriétaire).    

Notre objectif est clair : aider le plus grand nombre de Bruxellois, le plus vite possible dans l’obtention d’un logement abordable.   

2ème constat : cessons d’attendre la construction de nouveaux logements sociaux pour tenter d’atteindre les objectifs toujours fixés mais jamais atteints depuis 20 ans mais travaillons à diminuer plus efficacement et plus rapidement la liste d’attente.     

3. Bilan du gouvernement    

Dans nos démocraties modernes, pendant les élections les partis proposent et s’ils gagnent et gouvernent, alors après cinq ans, ils doivent rendre des comptes au peuple. Nous sommes à un an des élections et le gouvernement a oublié sa responsabilité pour se lancer dans une guerre électorale anticipée.     

D’une part, ECOLO, grand chantre de la modernité démocratique et de la préservation de l’environnement décide donc de bloquer un gouvernement car il n’a pas assumé ses erreurs. Après avoir accepté toutes les propositions du PS, ECOLO se rend compte que finalement, ils ne sont plus d’accord. Une erreur répétée plusieurs fois devient une décision. Ne pas l’assumer, c’est de la lâcheté ou de l’opportunisme électoral. Les bruxellois ne sont pas dupes.     

D’autre part, le PS, en charge de la politique du logement décide d’appliquer les mêmes méthodes depuis plus de vingt ans en Région bruxelloise. Elles ne marchent pas. Mais on continue, sur un malentendu, peut-être qu’un jour ça marchera. Alors on construit de plus en plus, alors que tout le monde sait que ça ne marche pas, que c’est long et couteux. Mais l’élection a commencé alors on fait semblant.     

De façon plus triviale, ECOLO se rachète une image plus verte et le PS se place en grand défenseur des logements sociaux. Les deux pensent se réapproprier leur électorat, comme une rente qui leur appartiendrait. La vérité est plus simple : leur bilan est impardonnable et les électeurs ne se feront pas avoir par ces manœuvres de dernière minute.   

 4. De l’ambition et des résultats !      

Si nous dénonçons l’acharnement du gouvernement bruxellois sur les derniers espaces verts ou naturels, nous sommes convaincus de la nécessité de continuer à mener des projets de développements ambitieux pour Bruxelles et singulièrement dans des quartiers souvent délaissés.    

Nous regrettons à cet égard qu’une grande partie de ces projets traînent depuis une décennie ou soient toujours en attente d’un plan de développement ambitieux et réaliste qui en dévoilerait tout leur potentiel : le redéploiement du quartier européen, le réaménagement en quartier mixte de la gare du midi… Honnêtement, quel investisseur arrivant à Bruxelles depuis la Gare du Midi n’a pas envie de reprendre le train illico une fois qu’il découvre le paysage autour de lui ?   

Bruxelles ne peut plus attendre que son gouvernement se trompe d’enjeux ou s’entête encore plus longtemps à mener des politiques contreproductives tant pour la nature que pour les nombreuses familles en attente d’une solution pour se loger.    

A un an des élections régionales, il semble que le travail en matière de développement et de vision de la ville sur la table du gouvernement bruxellois pour expier son retard en la matière soit plus colossal encore que les 12 travaux du célèbre Hercule, surtout si la majorité ne parvient pas à déjouer les pièges idéologiques dont elle semble pour le moment résolument prisonnière.   

David Leisterh (Chef de Groupe MR Parlement bruxellois)

Gaëtan Van Goidsenhoven  (Député bruxellois MR)

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