Formation bruxelloise: le MR relance la grande partie de poker
Suite au refus des socialistes de discuter avec la N-VA dans le but de créer un gouvernement bruxellois, le MR a relancé DéFI et Ecolo. Tout le monde pense que les libéraux, aidés par Les Engagés, bluffent. Le PS aussi, mais menace de se coucher.
Il est tard. Très tard. Les esprits sont usés, les verres de whisky vides, et les cigares consumés autour de cette table de poker imaginaire que sont les négociations bruxelloises depuis le 9 juin. DéFI et Ecolo, qui se sont couchés dès cette date car ils avaient perdu tous leurs jetons, se sont vu offrir une dernière pièce à remettre sur la table.
Tout part d’une note envoyée fin de semaine dernière, reprenant les convergences entre les vainqueurs des élections (le MR et Les Engagés) et les perdants (DéFI et Ecolo), histoire de convaincre ces derniers de revenir dans la partie. DéFI saisit tout de suite cette nouvelle main, se déclarant prêt à discuter, évoquant l’intérêt des Bruxellois.
Variable d’ajustement et monnaie d’échange
Ecolo, pour sa part, empoche son jeton et crie au coup de bluff. Farida Tahar (Ecolo) s’en amuse. «Qui peut croire une seule seconde en la fiabilité de cette note ? On ne fait pas fuiter une pièce quand on y croit (NDLR: La Libre Belgique publiait des extraits de la note avec une interview de Christophe De Beukelaer, président des Engagés bruxellois, samedi). C’est trop facile de nous entraîner dans ce naufrage, surtout après la campagne anti-Ecolo de ces partis.»
On aurait pu croire un instant qu’Ecolo et Défi auraient accepté de sortir le MR et Les Engagés de leur pétrin en échange d’un accord confortable à Schaerbeek, où PS, MR, Ecolo et Défi (officiellement LB) négocient encore. «A Bruxelles, on ne doit pas être une variable d’ajustement, coupe Farida Tahar. Et à Schaerbeek, on ne doit pas être une monnaie d’échange.»
Tout ça, c’est juste pour montrer aux Bruxellois qu’ils travaillent, mais tout le monde sait que cette solution n’en est pas une.
Un socialiste bruxellois
Côté PS, on a regardé toute cette émulation sans tracas. «Tout ça, c’est juste pour montrer aux Bruxellois qu’ils travaillent, mais tout le monde sait que cette solution n’en est pas une.» Pourquoi? Parce que faire monter Ecolo et DéFI dans la majorité bruxelloise impliquerait le même problème que connait la majorité néerlandophone au gouvernement bruxellois (en l’état : Groen, N-VA, Vooruit et Open-VLD). Trop de fessiers pour le nombre de sièges ministériels disponibles. La création d’un commissaire bruxellois est déjà prévue pour remercier grassement l’Open-VLD de renoncer à un poste contraignant. Pour un gouvernement qui garantit la rigueur budgétaire, répéter cette exception ne ferait guère très sérieux. Un plan serait, paraît-il, prévu. Mais il reste secret.
Chiens de faïence
«Tout cela montre le manque d’expérience de certains, leur naïveté et le manque de connaissance historique de Bruxelles, souffle un élu PS. Ils sont prêts à tout pour que la région bruxelloise soit gouvernée de l’extérieur.» Et les socialistes de rappeler qu’ils n’iront pas à la table des négociations tant que les discussions porteront sur l’institutionnel, plutôt que sur le socio-économique. La N-VA, via une interview de Cieltje Van Achter dans Le Soir, ce week-end, n’en démord pourtant pas. Et David Leisterh n’entend pas demander aux néerlandophones de revoir leur composition de majorité, née dans la douleur.
D’ailleurs, David Leisterh n’aurait plus très envie de supplier le PS de revenir à la table, estimant qu’Ahmed Laaouej (président du PS bruxellois) n’a pas assez concédé depuis les élections communales du 13 octobre. En janvier 2023, le Ministre-Président bruxellois, Rudi Vervoort (PS), concédait que son parti ne bloquerait pas les institutions bruxellois et qu’il formerait un gouvernement avec la N-VA si celle-ci s’avérait incontournable. C’était l’époque où tout le monde voyait les nationalistes triompher. Il n’en fut pourtant rien. Mais à force de dire qu’elle avait une paire d’as dans la main, tout le monde s’est persuadé que la N-VA était forte et c’est elle qui, autour de la table, définit en quelques sortes la mise.
Viendra bien un moment, une fois la rivière de cartes retournée, où chacun devra montrer ce qu’il a dans la main. Le MR espère encore l’emporter à ce moment-là. Pas sûr qu’Ecolo et DéFI l’aideront. Le PS, lui, risque de s’être couché entre-temps.
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