Illustration picture shows a plenary session of the parliament of the Brussels-Capital Region in Brussels, Monday 18 September 2023. BELGA PHOTO JAMES ARTHUR GEKIERE © BELGA

Formation bruxelloise bloquée: «Le temps ne joue pas contre le PS, mais contre le MR»

Sylvain Anciaux

David Leisterh, le formateur bruxellois, a repris son bâton de pèlerin cette semaine et a consulté les partis bruxellois après le refus du PS de s’asseoir à la table de la N-VA. Le scénario d’un gouvernement régional naissant après l’Arizona est de plus en plus crédible. Et loin d’être anodin.

La semaine écoulée n’aura pas été maigre en petites phrases. Et en politique, les petites phrases marquent souvent plus que de grands discours. Bart De Wever (N-VA) le sait et aime en jouer, jusqu’à se déguiser cette semaine en Saint-Nicolas sur Instagram. «Le Saint est un peu triste : il doit se rendre tous les jours à Bruxelles, et là-bas, il y a beaucoup de vilains, très vilains enfants, des enfants qui parfois ne savent même pas parler néerlandais avec le Saint, c’est effrayant.» Côté l’Open-VLD, Frederic De Gucht a critiqué l’alliance des socialistes molenbeekois avec la liste d’Ahmed El Khannouss «qui soutient ouvertement des terroristes». Au Parlement flamand, la ministre des Affaires bruxelloises Cieltje van Achter (N-VA) a pour sa part affirmé que le blocage bruxellois était de la faute du PS (les socialistes ont pour rappel quitté la table des négociations suite à l’annonce d’une majorité néerlandophone incluant les nationalistes), et que les partis francophones ne devraient pas s’occuper de la majorité néerlandophone au gouvernement bruxellois.

Ces petites phrases (et même celle de De Wever qui devait probablement surtout viser Bouchez), le député fédéral PS Ridouane Chahid n’en a laissé passer aucune, sur X (ex-Twitter). «Ils nous agressent parce qu’ils savent qu’on est les seul à résister à la N-VA, clame le socialiste. La N-VA veut absolument rentrer au gouvernement bruxellois pour être dans deux tiers des exécutifs des entités fédérées. C’est important, au comité de concertation, il faut un consensus de l’ensemble des entités fédérées pour les dossiers bruxellois.» A l’heure qu’il est, les relations entre les partis sont toujours gelées, et l’hiver est encore long.

La naissance de l’Arizona peut être déterminante

Pourtant, le timing des séquences à venir sera crucial. A l’échelon fédéral, l’Arizona fait son bonhomme de chemin et il se dit qu’un gouvernement fédéral serait envisagé pour les fêtes, tout cela restant à prendre avec des pincettes. Quand bien même, cet avènement pourrait peser lourd dans les négociations régionales. «Un des leviers reste la situation budgétaire de Bruxelles, note le politologue du Cevipol, Pascal Delwit. Peu d’observateurs voient comment la région pourrait s’en sortir seule. Or, au niveau fédéral, il n’y a pas un seul négociateur bruxellois. Cela peut jouer sur le budget de Beliris, par exemple. (…) Et si l’Arizona voit le jour, Bart De Wever sera probablement Premier ministre et bénéficiera d’autres leviers importants comme un droit de veto ou l’agenda du conseil des ministres.»

Au sommet de la N-VA bruxelloise, Cieltje Van Achter (qui est par ailleurs ministre des Affaires bruxelloises au gouvernement flamand) défend fermement l’idée que ce temps mort l’arrange. «Le blocage de Bruxelles par le PS est néfaste. Les négociations devraient vraiment être entamées le plus tôt possible. La situation financière est dramatique et il faut vraiment s’attaquer au budget. À aucun moment nous n’avons freiné les négociations à Bruxelles.»

Si l’Arizona renforce la N-VA bruxelloise dans les négociations, il faudra faire un gouvernement bruxellois sans majorité francophone

Ridouane Chahid

Ce qui est sûr, c’est que le gouvernement bruxellois, quel qu’il soit, aura affaire à la N-VA, celle-ci occupant un poste non négligeable au sein de l’Arizona. «Mais si l’Arizona renforce la N-VA bruxelloise dans les négociations, il faudra faire un gouvernement bruxellois sans majorité francophone», menace Ridouane Chahid, répétant que les nationalistes n’ont fait élire aucun conseiller communal dans les 19 communes aux élections du 13 octobre. «Le temps ne joue pas spécialement contre le PS, analyse Pascal Delwit. C’est en revanche plus le cas contre le MR.»

Régner sur le chaos

Quel sera le coût symbolique de cette interminable formation du gouvernement Leisterh I (et même ce nom n’est pas encore gravé dans le marbre) ? «Tout était déjà fixé dès le 9 juin, sourit Caroline Sägesser, politologue au Crisp. Les choses bougent lentement. Et quand elles bougent, elles grincent.» Et quelques gifles comme le report de la Lez (zone de basse émission interdisant les véhicules les plus polluants sur le sol bruxellois) et, dans une moindre mesure, ce vendredi après-midi, de l’électrification des taxis bruxellois de deux ans, ont contrarié les néerlandophones bruxellois. Tout comme les socialistes se sont offusqués de voir la préemption du VLD sur les plus grosses administrations sans même avoir concerté les francophones.

«J’ai du mal à voir la sortie par le haut de cette séquence, poursuit Caroline Sägesser. Même si le PS fait revenir le CD&V à la table (NDLR: ce qu’il refuse ouvertement de faire, sauf en étant avec la N-VA), c’est tordre le bras aux néerlandophones. Ces six mois de tensions vont laisser des traces.»

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