Le résultat du budget du Siamu de Bruxelles est d’un peu moins de quatre millions d’euros, en tout cas en façade. La Cour des Comptes prend ces chiffres avec des pincettes. © BELGA

Erreurs de calcul, créances, inventaire: le budget flou du Siamu bruxellois

Sylvain Anciaux

Dans un rapport rendu en décembre sur l’état des finances bruxelloises, la Cour des Comptes a déploré le manque de transparence dans les comptes du Siamu. Des anomalies dans le cycle des rémunérations persistent.

La question du budget est un point qui fait souvent sortir le Siamu et leurs représentants de leurs gonds. Pourtant, en 2023, le Service d’Incendie et d’Aide Médicale Urgente en région bruxelloise a enregistré un résultat budgétaire positif de près de quatre millions d’euros, note la Cour des Comptes dans un rapport publié en décembre. Pourtant, ce chiffre pourrait s’avérer trompeur, car l’instance note «un manque d’éléments probants suffisants et appropriés pour effectuer ses travaux de contrôle». Elle s’est abstenue de rendre un avis sur l’état des comptes du Siamu, ce qui n’est pas spécialement bon signe.

Dans son appréciation, la Cour des Comptes pose trois constats qui brouillent une possible analyse du budget du Siamu. D’abord, aucun inventaire n’est fait sur les installations, les machines, les outils, le mobilier et le matériel du Siamu, ce qui ne lui permet pas d’avoir une «assurance raisonnable de la fiabilité de l’inventaire comptable». Ensuite, le rapport révèle que le Siamu s’est doté de clients mauvais payeurs. Au 24 avril 2024, des créances auprès de neuf clients s’élevaient à 1.574.666 euros et n’étaient pas apurées, «notamment à la suite de négociations en cours sur le bien-fondé de la plupart de celles-ci». Enfin, la Cour des Comptes a relevé des écarts de cotisations sociales entre les données mensuelles et les données trimestrielles 2023. En clair, il y a des écarts entre ce que le logiciel de paiement du Siamu a enregistré et ce que l’ONSS a réclamé. Et ce million et demi à décaisser, sur un bilan budgétaire de 3.889.000 euros (et qui de facto est pris avec de sérieuses pincettes), n’est pas négligeable, même si le Siamu espère le récupérer sur base des déclarations multifonctionnelles en 2025. Un tel écart pourrait notamment s’expliquer au regard des systèmes de rémunération complexes au sein du Siamu, notamment en raison de l’ancienneté ou des heures supplémentaires des pompiers amenés à travailler de nuit.

L’audit interne au secours du budget du Siamu

«Ces problèmes traduisent des failles dans les mécanismes de contrôle interne, mais aussi des
risques budgétaires et financiers pour la Région que nous connaissons exsangue», a exposé en Commission des Affaires intérieures du Parlement bruxellois, Eléonore Simonet (MR), à la Secrétaire d’Etat de tutelle, Ans Persoons (Vooruit).

Quand un organisme fonctionne avec une dotation, s’il y a un excès budgétaire et que le budget de l’année suivante se base sur celui de l’année où il y a l’excès, il y a un potentiel surfinancement.

Un ancien auditeur de la Cour des Comptes

Pour la socialiste flamande, cette situation émane d’un manque de ressources humaines au sein de l’équipe comptable et d’un fournisseur capable de faire l’inventaire. «Toute une série de contrôles sont effectués pour détecter les anomalies le plus en amont possible, dans le but d’y remédier le plus rapidement possible. Toutefois, la résolution des différents points prend parfois du temps, notamment en cas de litiges juridiques. L’audit interne de la SPRB (NDLR: Service Public Régional Bruxellois) a vu ses missions étendues pour aider les entités qui ne disposaient pas encore d’audit interne, dont le Siamu.»

Le budget du Siamu menacé?

Cette réponse de la socialiste n’a «pas rassuré» Eléonore Simonet. «La Secrétaire d’Etat parle de problèmes qui existent depuis des années. Depuis 14 ans, la Cour des Comptes s’abstient de donner un avis sur le Siamu.» La libérale salue l’extension de l’audit du SPRB et la mise en place d’un logiciel optimisé pour tous les organismes publics bruxellois, «mais le gouvernement sortant n’a pas à fuir ses responsabilités».

La question à mille euros, ou plutôt à un million, est celle de l’impact d’un tel brouillard dans l’élaboration d’un budget pour le Siamu. «Quand un organisme fonctionne avec une dotation, s’il y a un excès budgétaire et que le budget de l’année suivante se base sur celui de l’année où il y a l’excès, il y a un potentiel surfinancement», explique un ancien auditeur de la Cour des Comptes. Ce brouillard budgétaire sème donc le trouble sur un organisme public dont la dotation, en 2023, s’élevait à près de 160 millions d’euros. Le cabinet Persoons estime pour sa part qu’il serait «contre-productif, de sanctionner une organisation comme le SIAMU, qui est essentielle pour la sécurité incendie et l’aide médicale urgente, en raison de problématiques qui trouvent leur origine dans une sous-investissement et un sous-effectif dans l’administration par le passé».

«Ce n’est pas vraiment la question du budget, assure Eléonore Simonet dont le parti devrait, un jour ou l’autre, se retrouver aux manettes d’un exécutif régional. C’est une question de bonne gestion de l’argent des Bruxellois qui se lèvent tôt le matin pour travailler.»

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