Bruxelles-Propreté pourrait être privée de financements, et donc gelée, dès janvier 2025.

Budget 2025: Bruxelles menacée par une paralysie totale

Sylvain Anciaux

Faute d’un gouvernement de plein exercice, Bruxelles doit présenter un budget provisoire pour 2025. Celui-ci se calque sur l’exercice 2024, avec quelques entorses pratiques. Le MR s’inquiète d’un alourdissement de la dette, le PS rétorque qu’il n’y a d’autre choix.

La semaine dernière, le secteur associatif bruxellois s’inquiétait de se voir privé de subventions non négligeables à cause de la crise politique faisant rage à Bruxelles (qui, pour rappel, n’est toujours pas dotée de gouvernement régional). Ce lundi, la même crise politique menace désormais l’ensemble des dépenses de la région bruxelloise, et donc le financement des salaires et des subventions liées à tous les services publics.

L’enjeu: le budget 2025. Le gouvernement bruxellois étant toujours en affaires courantes, il ne peut décider d’un budget définitif pour l’année prochaine et doit donc décider sur base des fameux douzièmes provisoires. En l’occurrence, trois douzièmes provisoires. Ce qui implique que le budget 2024 est recopié pour 2025 et que les sommes sont divisées par douze ; un système en vigueur en janvier, février et mars, après quoi une nouvelle décision similaire sera prise si aucun exécutif n’est créé. Sauf que certains services consomment dans leur premier trimestre plus qu’un tiers du budget annuel. C’est le cas, par exemple, de Bruxelles-Propreté qui doit assurer et entretenir ses véhicules en début d’année, ainsi que du Siamu (service d’incendie et d’aide médicale d’urgence) qui doit financer l’arrivée de cinq ambulances ou d’autres organismes qui doivent payer leur loyer. Ou encore de Paradigm,  le partenaire informatique de la Région, qui doit payer les licences de ses programmes informatiques dès le début d’année.

742 millions

C’est là que ça coince. Le MR grimace à la présentation de ces entorses faites aux trois douzièmes, qui pèsent 742 millions d’euros. Pour exprimer son mécontentement, il s’appuie sur le rapport de la Cour des comptes, invitée ce lundi après-midi en commission Finances du parlement bruxellois. «On ne dit pas qu’on ne veut pas de budget 2025, souligne Olivier Willocx (MR) en préambule de la commission. Mais Standard & Poor’s va remettre en février prochain son avis sur les finances régionales. Le vote d’un budget avec de tels crédits provisoires va aggraver notre note et le prix de l’emprunt va augmenter.»

Une absence de vote sur les crédits-provisoires entraînerait un non fonctionnement de l’entité bruxelloise

Christophe Rappe

Conseiller de l’Assemblée Générale de la Cour des Finances

Pour le député socialiste de la commission, Jamal Ikazban, le MR a mis la charrue avant les boeufs en alertant les réseaux sociaux et la presse à ce sujet ce week-end. «Toutes les augmentations de crédits provisoires sont justifiées par le gouvernement bruxellois et le ministre des Finances en affaires courantes, qui est un libéral je le rappelle (NDLR: Sven Gatz, Open-VLD). Pour certains postes de traitement, il faut tenir compte de l’indexation et de l’indice-pivot. Pour le Siamu, il faut bien assurer les véhicules. Au niveau de la Cocof, il y a le Fonds régional de refinancement des trésoreries communales. J’espère que le MR ne s’oppose pas à tout cela.»

«Cette situation inédite demande à chacun des partis politiques bruxellois de prendre de la hauteur et assumer leur part de responsabilité dans cette situation», a tempéré pour sa part le président des Engagés bruxellois, Christophe De Beukelaer.

La transparence et le pragmatisme

L’autre zone d’ombre porte sur les éléments reçus par la Cour des comptes pour établir son appréciation sur le budget provisoire. Le conseiller de l’Assemblée Générale de la Cour des Finances Christophe Rappe signalait qu’il pouvait comprendre le dépassement de certains «trois-douzièmes» provisoires, mais son organisme indépendant déplore avoir eu cinq jours ouvrables pour analyser la proposition de budget, et ce sans les notes justificatives ou les budgets d’autres organismes bruxellois. «Sans ces justificatifs, il est difficile de commenter le projet. (…) Une absence de vote sur les crédits-provisoires entraînerait un non fonctionnement de l’entité bruxelloise», ponctue le fonctionnaire.

«La question n’est pas ce qu’il se passe si l’on ne vote pas ces crédits, mais qu’est-ce qu’il se passe si on les vote, commentait plus tôt la cheffe de file du MR

Clémentine Barzin

MR

«La question n’est pas ce qu’il se passe si l’on ne vote pas ces crédits, mais qu’est-ce qu’il se passe si on les vote, commentait plus tôt la cheffe de file du MR, Clémentine Barzin. Pour les coûts de l’énergie, on est à douze douzièmes. Six douzièmes ne seraient-ils pas suffisants ? Je comprends que Paradigm doive payer ses licences, mais est-ce que cela justifie sept douzièmes», questionne, en substance, l’élue libérale. Et de rappeler que la Cour des comptes ne sait pas, sans notes justificatives des dépassements des crédits provisoires, si ce projet de (quart de) budget présente des éléments de politiques nouvelles du gouvernement sortant. Rudi Vervoort comme Sven Gatz assurent pourtant qu’il s’agit d’un copier-coller de l’exercice 2024. Dans le chef du MR, c’est donc l’appréciation des finances par Standard & Poor’s qui inquiète et auprès de qui il faudra pouvoir justifier chaque centime d’argent public dépensé afin de ne pas voir la note dégradée. «Si la note se dégrade, chaque emprunt coûte 200 millions en plus, prévient Olivier Willockx. Ces économies, on devra les faire un jour où l’autre.» Afin de pouvoir faire un choix raisonné et raisonnable, «Les Engagés demandent au Gouvernement en affaires courantes de transmettre de manière exhaustive ces justificatifs aux différentes dérogations prévues dans son budget provisoire. Ce n’est que sur cette base qu’un débat apaisé pourra avoir lieu jeudi prochain et qu’un blocage budgétaire pourra être évité.»

Les débats seront longs et techniques sur la question en commission Finances, ce lundi, mais ils seront primordiaux. Une discussion générale avec l’agence de la dette de la région bruxelloise s’ouvrira ce jeudi. Si le budget provisoire n’est pas voté, Bruxelles goûtera à une territoire sans service public dès le premier janvier. Une situation presque apocalyptique qui a cependant peu de chances d’advenir, Clémentine Barzin a rassuré le président de la Commission, Ahmed Laaouej (PS), en expliquant «qu’il n’est pas dans notre esprit d’aller à l’encontre d’un budget responsable». Le verdict devrait tomber le 20 décembre, sur le buzzer ou presque. Une situation d’urgence qui demeurerait évitable si le MR, le PS et les autres partis parvenaient à se mettre d’accord pour, enfin, créer un gouvernement bruxellois.

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