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Après la semaine de la «dernière chance» pour le gouvernement bruxellois: pourquoi ça peut le faire, pourquoi ça peut capoter
Le nouveau round de consultations organisé par le formateur bruxellois, David Leisterh, a ouvert autant de portes qu’il n’en a fermées. Il reste une semaine au libéral pour trouver une solution, sinon il passera la main.
C’est le scénario des courants d’air, pour la formation du gouvernement bruxellois. Quand une porte s’ouvre quelque part, une autre claque ailleurs. David Leisterh l’aura constaté à l’occasion de cette semaine où il a relancé un tour de bilatérales avec les potentiels adhérents à un futur gouvernement bruxellois (soit, tout le monde sauf le PTB, le Belang et la Team Ahidar), l’initiative de «la dernière chance». Mardi, alors que le CD&V clarifiait sa position en affirmant que sa participation à un exécutif régional n’était pas conditionnée à celle de la N-VA, tout le monde a inspiré un grand coup. Puis, dans la même journée, tout le monde a soupiré lorsque l’Open VLD de Frédéric De Gucht a appuyé sa volonté de garder la N-VA comme partenaire en cas de participation, condition rédhibitoire pour le PS bruxellois.
Bref, ni les scénarios de déblocage, ni les vétos des uns envers les autres n’ont radicalement changé. Dans une semaine, David Leisterh devra faire le bilan. En cas de statu quo, il passera la main.
Pourquoi David Leisterh va réussir à former un gouvernement bruxellois
Parce que la N-VA n’a pas son sort en main. Arithmétiquement parlant, et en prenant en compte les veto de rejet de tout un chacun (donc pas celui de l’Open VLD qui se conditionne aux nationalistes), il n’existe qu’une seule majorité bruxelloise possible. Elle est composée du MR, des Engagés et du PS, avec l’Open VLD, le CD&V, Vooruit et Groen. On le sait, cela nécessite la création d’un poste supplémentaire au sein du gouvernement bruxellois pour faire place aux quatre partis néerlandophones, on y reviendra. Cieltje Van Achter, la ministre flamande (N-VA) en charge de Bruxelles et tête de gondole des nationalistes à Bruxelles, l’a bien senti. Elle qualifie d’ailleurs ce scénario «d’humiliant pour la N-VA, le MR et la majorité flamande (NDLR : néerlandophone) qui s’est formée». L’Open VLD aussi, le sait, et a d’ailleurs commencé à tirer sur la N-VA à l’échelon fédéral.
Parce que l’Open VLD héritera d’un poste ministériel. Pour l’heure, les libéraux flamands ont accepté d’endosser le poste de commissaire aux comptes, poste non contraignant au sein du gouvernement bruxellois, en échange de la gestion de plusieurs organismes cruciaux à Bruxelles, comme l’a révélé Le Vif. Si un alliage excluant la N-VA de l’exécutif advient, l’Open VLD deviendrait le deuxième plus gros parti (après Groen) au sein de l’exécutif régional et serait donc mieux placé pour revendiquer un ministère. De la sorte, les libéraux pourraient poursuivre le travail de Sven Gatz, Guy Vanhengel, Jean-Luc Vanraes et Annemie Neyts, qui assurent les finances bruxelloises au nom de l’Open VLD depuis 1999. Et, on le sait, la correction de ces finances sera la premier et principal défi du futur gouvernement bruxellois.
Parce qu’Ecolo et Défi le voudront bien. Tous ces scénarios ne tiennent qu’à la modification du cadre institutionnel normalement établi pour la formation d’un gouvernement bruxellois. A savoir que, normalement, seuls deux ministères et un secrétariat d’Etat sont réservés à la communauté néerlandophone et que, l’alliage qui marche arithmétiquement parlant, regroupe quatre partis du nord du pays. La création du poste de commissaire aux comptes doit être entérinée par une majorité des deux tiers au parlement bruxellois (ainsi qu’à une majorité simple pour chaque communauté linguistique). Il faudrait donc qu’Ecolo et Défi valident également l’idée. Zakia Khattabi (Ecolo) a déjà dit qu’elle ne ferait pas de blocage, et les amarantes devraient sans doute se réjouir de contribuer à la fermeture des portes d’un gouvernement bruxellois au nez de la N-VA.
Pourquoi David Leisterh va échouer à former un gouvernement bruxellois
Parce que Frédéric De Gucht a le soutien total de l’Open VLD. Le néophyte en politique l’a dit et répété, il ne cèdera pas aux desiderata du PS et montera avec la N-VA ou ne montera pas. Et en ce sens, son parti le soutient, quitte à être accusé par les francophones de tout bloquer. L’Open VLD d’aujourd’hui n’est plus celui d’il y a deux ans, il est «donkerblauw» (bleu foncé) depuis les dernières élections internes. L’ère du libéralisme social (ou du moins socialo-compatible) de Guy Vanhengel et Sven Gatz est révolue. «Les attaques contre la N-VA au fédéral critiquent justement les taxes de l’Arizona sur lesquelles De Wever a plié devant Vooruit, c’est une critique de droite, libérale», rappelle une figure des libéraux néerlandophones. D’ailleurs, il se dit que la fonction de ministre du budget n’intéresse pas vraiment l’Open VLD, et qu’on préfère avoir «une coalition qui fait sens».
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Parce que l’Open VLD n’est pas le seul parti scotché à la N-VA. L’Open VLD n’est d’ailleurs pas la seule entité qui refuse de mettre la pression à Frédéric De Gucht quant à sa position sur la N-VA. Le MR se voit mal encourager son parti frère à renvoyer dans l’opposition régionale son plus grand partenaire fédéral, et c’est plutôt logique. La formatrice côté néerlandophone, Elke Van Den Brandt, a déjà dit que la N-VA n’était pas son partenaire de prédilection, mais elle a aussi maintes fois répété que sa majorité était la seule possible côté néerlandophone. Cette semaine, elle a fait vœu de silence afin de laisser David Leisterh «poursuivre ses rencontres et son travail le plus sereinement possible».
Parce qu’un déblocage serait très mal vu par les Flamands. C’est peut-être l’élément dont on parle le moins, mais qui refroidit le plus. Mais s’associer au PS est en fait difficilement acceptable pour la base de l’Open VLD, «ce serait même inimaginable», se dit-il. Aujourd’hui, si Frédéric De Gucht lâche la N-VA, il serait coupable de ce qu’il reproche à Benjamin Dalle depuis mardi, c’est-à-dire de «plier» face à Ahmed Laaouej. Les libéraux n’excluent pas de travailler avec le PS, mais ils rejettent fermement l’idée de céder à son veto antinationaliste.
Une chose reste cependant sûre. Si David Leisterh venait à passer la main vendredi prochain, il serait difficile de lui incomber la responsabilité à lui seul. Ce serait un échec, certes, mais celui-ci découlerait de la rigidité dont tout le monde a fait preuve ces huit derniers mois. Sauf si Ahmed Laaouej, qui reprendrait la main, a une solution que personne n’a jusqu’à présent imaginé.
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