Et si on avait négocié la réforme fiscale à Val Duchesse? La piste n’a pas été explorée par la Vivaldi…
Malgré 5 weekends de négociations, le gouvernement n’a pas réussi à s’entendre sur une nouvelle réforme fiscale. Est-il plus compliqué qu’auparavant de réformer pour les politiques ? Analyse avec les politologues Pascal Delwit (ULB) et Caroline Sägesser (Crisp).
Tout ça pour ça. La célèbre formule résume bien le sentiment général qui règne après l’abandon de cette réforme fiscale dont on a tant parlé. Chez le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V), qui portait le projet sous cette législature. Chez le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld), qui n’aura pas réussi à rassembler au-delà des divergences idéologiques. Et surtout chez les citoyens, à qui l’on avait promis 835€ de plus sur le compte en banque chaque année. « Avec la Vivaldi, on est habitué au saucissonnage des dossiers, analyse le politologue Pascal Delwit (ULB). Les partenaires s’entendent sur un plus petit dénominateur commun, comme avec la réforme des pensions ». Aucun dénominateur ne s’est dégagé cette fois-ci, malgré le passage d’une réforme fiscale de 6 milliards d’euros à une réformette de 2 milliards d’euros. De quoi douter de la possibilité d’encore trouver un accord en politique actuellement. Même si on avait discuté de la réforme fiscale dans un lieu clos comme Val Duchesse ?
Cinq weekends de conclave n’auront pas suffi pour sauver le projet de Van Peteghem. Alexander De Croo aura tout essayé : des bilatérales avec chaque parti, des réunions à sept autour de la table. Rien n’y a fait. Par le passé, il n’était pas rare de voir les gouvernements s’enfermer dans des lieux comme le château de Val Duchesse, coupés du reste du monde, desquels ils ne sortaient pas sans réformes. Cette piste n’a pas été envisagée par la Vivaldi, nous confirme le cabinet du Premier ministre. « Tous les conclaves sous cette législature se sont déroulés au 16, Rue de la Loi. Nous n’avons pas changé de méthode pour parler de la réforme fiscale ».
Négocier la réforme fiscale à Val Duchesse ? « Cela n’aurait rien changé »
Organiser les discussions sur la réforme fiscale au château de Val Duchesse aurait-il pu changer l’issue des négociations ? « Cela n’aurait strictement rien changé », objecte le cabinet De Croo. Pour la chercheuse au Centre de recherche et d’information socio-politiques (Crisp) Caroline Sägesser, c’est difficile à dire. « Comme tout le monde est resté au 16, Rue de la Loi, il n’y a pas eu de réelle mise au vert. Le problème vient surtout à mon sens des smartphones, qui permettent un contact permanent avec les présidents de parti ». La politologue explique l’échec de la réforme fiscale par un casting ministériel plus faible. « Plusieurs personnalités novices sont davantage dépendantes de leurs présidents de parti. Auparavant, les figures les plus fortes des partis occupaient elles-mêmes les fonctions ministérielles ».
« Avant, chacun pesait dans les discussions en fonction de son poids électoral »
Pascal Delwit (ULB), politologue
À quoi ressemblaient les négociations politiques par le passé ? « Chacun pesait dans les discussions en fonction de son poids électoral. On se réunissait dans un lieu pour arbitrer les divergences entre partenaires. Il n’y avait pas moins de points de désaccord. Simplement, on réglait plusieurs dossiers à la fois ». Le politologue cite en exemple la réforme fiscale portée par le gouvernement Verhofstadt I (1999-2003), connu comme la « coalition arc-en-ciel » et qui rassemblait 6 partis (les familles écologiste, socialiste et libérale).
Plus difficile de trouver un accord en politique: pourquoi ?
De nos jours, la manière de négocier a bien évolué selon Pascal Delwit. « La fédéralisation de la Belgique a augmenté la fragmentation des compétences entre l’autorité fédérale et les entités fédérées. Certains dossiers concernent plusieurs niveaux de pouvoir. En parallèle, on aborde désormais chaque dossier séparément. Sachant qu’il y a aussi plus de partenaires, si un dit qu’il ne veut pas de telle réforme, il peut bloquer les négociations. Enfin, il ne faut plus seulement convaincre chaque famille politique, mais les partis des deux côtés de la frontière linguistique, qui ne sont pas toujours d’accord ». Pour le politologue, tous ces éléments expliquent pourquoi il est aujourd’hui plus complexe de dégager des accords.
Sans oublier plusieurs éléments spécifiques à la majorité Vivaldi. « Au sein de la coalition, on a souvent considéré que chacun avait la même force de discussion. C’est pourquoi on peut s’étonner qu’un parti comme le MR, modeste en terme de poids électoral, ait pu bloquer le dossier de la réforme fiscale. Historiquement, les plus gros partis pesaient davantage dans la balance des négociations ».
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