N-VA
Bart De Wever

Que dissimule l’arrivée de la N-VA en Wallonie? « Une tentative désespérée de Bart De Wever »

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Des listes N-VA en Wallonie aux prochaines élections de 2024 : l’annonce de Bart De Wever n’est pas passée inaperçue. L’objectif d’une telle arrivée interroge. « Une tentative désespérée » pour se démarquer du Vlaams Belang, estime le politologue Carl Devos (UGent). « La N-VA veut prouver aux électeurs flamands qu’elle est utile. »

Un week-end politique de… paradoxes wallons. Alors que la ministre fédérale de l’Environnement (!) Zakia Khattabi (Ecolo) rencontrait toutes les difficultés du monde, sur le plateau de RTL-TVI, pour citer deux fleuves qui passent par la Wallonie, le nationaliste flamand Bart De Wever (N-VA) annonçait vouloir implémenter, dans cette même Wallonie… des listes N-VA.

Que cache la volonté de Bart De Wever derrière cette nouvelle sortie médiatique ? Cinq questions au politologue Carl Devos (UGent).

Dans quel contexte Bart De Wever annonce-t-il cette arrivée de la N-VA en Wallonie ?

Sa proposition arrive assez tardivement, à la veille des élections, ce qui la fait passer pour une tentative désespérée. Car la N-VA obtient de mauvais résultats dans les sondages. Son objectif, en 2024, est d’atteindre 25%, comme en 2019 (contre 33% en 2014), mais les projections tablent sur un timide dépassement des 20%. Voire même en dessous. Cela représente donc une perte possible de 10 % des voix en dix ans. Une grande défaite pour la N-VA, qui voulait autrefois imposer le confédéralisme en Flandre et en Belgique francophone. Cela ne semble plus être le cas aujourd’hui. Depuis les élections, le Vlaams Belang (VB) dépasse la N-VA dans tous les sondages.

Quel est le but de la N-VA ?

La N-VA veut présenter un vote pour le VB comme inutile, étant donné que l’extrême droite flamande ne peut pas jouer un rôle au niveau fédéral. Car, même si le VB a changé d’avis récemment et ne serait désormais pas contre gouverner au fédéral, aucun parti francophone (et hormis peut-être la N-VA, aucun parti flamand non plus) ne veut gouverner avec lui. La N-VA veut prouver aux électeurs flamands qu’elle est utile, qu’un vote en sa faveur peut conduire à un changement fédéral. Mais pour rendre cela plus crédible, elle a besoin de donner le sentiment que sa mission (le confédéralisme) a des chances de réussir. C’est pourquoi elle souhaite également trouver des partenaires en Belgique francophone, ne serait-ce qu’en y présentant elle-même des listes, ou du moins en attisant les flammes du confédéralisme en Belgique francophone.

Les listes francophones servent principalement un objectif flamand, et non à convaincre les électeurs francophones. Le signal envoyé aux Flamands est le suivant : la N-VA est un vote utile, pas le VB.

Carl Devos

On peut toutefois se demander pourquoi M. De Wever a refusé tant d’interviews avec les médias francophones, s’il est si désireux d’y débattre.

Les listes francophones servent donc principalement un objectif flamand, et non à convaincre les électeurs francophones.

Est-ce davantage une stratégie de communication, plutôt qu’une réelle volonté politique?

Au-delà de la volonté de présenter un vote pour la N-VA comme utile, c’est aussi une opération de communication, pour montrer aux Flamands qu’en Belgique francophone, il y a aussi des gens qui veulent le confédéralisme, et que cet objectif n’est donc pas inatteignable. De plus, la N-VA veut mettre l’accent sur des thèmes (la prospérité flamande) sur lesquels le VB est moins crédible. Très stratégique, donc.

L’arrivée d’un « nouveau » parti à droite dans le paysage politique wallon pourrait-il affaiblir le MR?

En effet. A part le MR, il y a peu de partis de centre-droit au sud du pays. Les votes francophones qui iraient à la N-VA pourraient donc en partie provenir de l’électorat du MR. Ce dernier est assez proche de la N-VA sur les questions socio-économiques, mais sur le plan communautaire, il est belgiciste.

La N-VA aimerait conclure un accord avec le PS sur le confédéralisme. Si des voix s’élèvent en Belgique francophone pour le réclamer, cela pourrait également convaincre l’aile régionaliste du PS de s’asseoir à la table des négociations.

Carl Devos s'exprime sur la N-VA
Pour le politologue Carl Devos (UGent), la N-VA pourrait possiblement perdre 10% de ses voix sur les dix dernières années.

Quelles seraient les grandes lignes du programme politique de la N-VA en Wallonie?

Très similaires à leur programme en Flandre : droite culturelle sur la migration, anti-woke, politique climatique rationnelle, mise en avant de l’identité culturelle et des traditions, des devoirs des citoyens, réformes socio-économiques (des pensions, de la sécurité sociale, de la fiscalité, du marché du travail) pour assurer la prospérité de la Belgique francophone également. Mais aussi plus d’autonomie régionale, une Belgique plus petite, afin de donner aux francophones plus de pouvoir pour déterminer leur propre destin et aussi plus de responsabilité financière (c’est-à-dire payer pour les politiques mises en œuvre, ne pas dépenser plus que ce qui est disponible, ne plus dépendre des dotations de la Flandre, etc.). Si la Belgique francophone souhaite une politique du marché du travail différente, plus à gauche, la N-VA la soutiendra, mais les conséquences budgétaires seront alors pour les francophones, et non plus pour tous les Belges.

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