Pierre-Yves Jeholet (MR), ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Quand Pierre-Yves Jeholet soutient les communes PS et… le PTB: l’analyse des subsides du ministre-président

Benjamin Hermann
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

La plus grande part de subsides facultatifs accordés par Pierre-Yves Jeholet (MR) au cours de la mandature s’est dirigée vers des bénéficiaires de la région bruxelloise, à Liège et à l’étranger. Il lui est même arrivé, indirectement, de subsidier une ONG proche du PTB…

Ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Pierre-Yves Jeholet habite à Herve, dans l’arrondissement de Verviers en province de Liège. Depuis le début de la législature, il a décerné 7.518 subsides ou tranches de subsides facultatifs (1), pour un montant de 77.688.452,42 euros.

Pour cette analyse, afin de pouvoir décrypter la répartition géographique des subsides, ceux-ci ont été divisés en deux catégories :

  • Ceux accordés à un bénéficiaire dont l’action n’a pas de barrière géographique (par exemple, une série de trois subsides accordés à l’ASBL Parlement Jeunesse). Ces derniers représentent 60,3% des subsides octroyés pour un montant de 46,8 millions d’euros.
  • Ceux qui bénéficient à un récipiendaire dont l’action se situe sur une commune particulière, éventuellement avec ses environs (par exemple, des subsides pour l’ASBL Fêtes des artistes et artisans de Chassepierre). Ces derniers représentent 39,7% de la somme totale, soit 30,9 millions d’euros. Les explications « où vont les subsides » ci-dessous ne portent que sur cette catégorie.

Où vont les subsides accordés par Pierre-Yves Jeholet ? Surtout à Bruxelles

Du point de vue géographique, le ministre a accordé 53,3% de ses subsides ou tranches de subsides en Région de Bruxelles-Capitale. Cela représente un montant de 13,01 millions d’euros, soit 42,1 % du montant total, en particulier à des bénéficiaires situés sur les communes de:

  • Bruxelles (3,8 millions d’euros)
  • Saint-Gilles (1,92 million d’euros)
  • Ixelles (1,86 million d’euros).

Par ailleurs, la proportion de subsides par habitant est la plus élevée dans les communes de Saint-Gilles (39,31 euros/habitant), Ixelles (21,37 euros) et Bruxelles (19,95 euros).

La circonscription de Liège, avec 26,4% des subsides pour un montant de 8.167.784,34 euros, est la deuxième la plus subsidiée par Pierre-Yves Jeholet. A vrai dire, c’est une observation valable pour les cinq ministres du gouvernement de la FWB : à chaque fois, la région bruxelloise capte la part du gâteau la plus importante et la circonscription de Liège (qui correspond à l’arrondissement de Liège) arrive en deuxième position.

« Il faut être prudent et faire attention au biais du siège social, prévient son porte-parole. En effet, des associations ont des sièges sociaux dans les villes pour l’organisation d’évènements sur tout le territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Beaucoup de subsides sont octroyés, par exemple, sur Bruxelles car c’est le siège social de l’opérateur alors que celui-ci agit souvent au-delà du territoire bruxellois. »

Toutes circonscriptions confondues, les trois communes dont les bénéficiaires récoltent le plus de subsides sont Liège (7,5 millions d’euros), Bruxelles (3,8 millions d’euros) et Saint-Gilles (1,9 million d’euros). Les trois communes dont les bénéficiaires récoltent le plus de subsides par habitant sont Saint-Gilles (39,31 €/hab), Liège (38,17 €/hab) et Ottignies-Louvain-la-Neuve (31,46 €).

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Quelle couleur politique profite des subsides? Surtout la rouge

D’un point de vue politique, le ministre a accordé 938 subsides ou tranches de subsides à des récipiendaires basés dans des communes dont le/la bourgmestre est membre de son parti, le MR (qui constituent 37% des communes de la Fédération Wallonie-Bruxelles). Cela représente un montant de 3,7 millions d'euros, soit 4,8% du montant total octroyé. Et en particulier à des bénéficiaires situés sur les communes d’Uccle (589.624,77 euros), Etterbeek (243.172,80 euros) et Perwez (215.575,09 euros). 

Cependant, ce sont bien les communes dont le/la bourgmestre est PS qui captent la manne la plus conséquente : 17,8 millions d'euros. Cela s’explique par le fait que les grandes villes sont pour la plupart dirigées par un socialiste. Dans le top 10 des communes où les bénéficiaires reçoivent le plus de montants cumulés, cinq sont dirigées par un bourgmestre PS (Liège, Bruxelles, Saint-Gilles, Mons et Anderlecht), deux par un bourgmestre Ecolo (Ixelles et Ottinies-Louvain-la-Neuve), une par un bourgmestre DéFI (Schaerbeek), une par un bourgmestre Les Engagés (Namur) et une par un bourgmestre MR (Uccle).

Par ailleurs, il a attribué 15 subventions à des associations liées à son parti. Cela représente un montant de 175 350,06 euros, soit 0,23% des subsides attribués. Il s’agit par exemple d’un subside de 31 500 euros accordé à l’ASBL ILFAC (Institut libéral de formation et d’animations culturelles). 

En comparaison, il a également attribué à des organisations liées à d’autres partis. Il s’agit de 22 subventions (ou tranches) à des associations liées au PS, pour un montant de 386 118,05 euros. Par exemple, une série de subventions à l’ONG Solsoc, autrement dit Solidarité socialiste. Il s’agit aussi de 7 subventions (ou tranches) à une association liée au PTB, pour un montant de 49 784 euros. Elles concernent l’ONG Viva Salud.

Confessionnel: quel "pilier" décroche le plus de subsides?

D’un point de vue confessionnel, le ministre a attribué 49 subsides ou tranches de subsides à des associations montrant une appartenance au monde catholique, protestant, musulman ou laïque ou autre.

  • Au monde juif ou judaïque, 35 subventions pour un total de 141 074,65 euros. Il s’agit par exemple d’une série de subsides à la Fondation de la mémoire contemporaine, basée à Bruxelles.
  • Au monde chrétien, 3 subventions pour un montant total de 81 472,4 euros, dont 1 subvention à la Fédération des syndicats chrétiens de Mons et 2 subventions à Solidarité protestante.
  • Au monde laïque, 11 subventions pour un total de 44 084,84 euros, par exemple des subventions au Centre d’action laïque ou à une de ses antennes régionales.

A noter que les bénéficiaires à la fois « laïques » et « juifs » n’ont pas été inclus dans ces chiffres, à l’instar du Centre communautaire laïc juif David Susskind.

La tendance de fond : les subsides estampillés "Jeholet" sont souvent internationaux

Un petit exemple : les neuf tranches de subsides accordées à la Conférence des ministres de la jeunesse et des sports de la francophonie (la Confejes), institution regroupant quarante-trois Etats et gouvernements, peuvent illustrer une bonne partie des subventions accordées par le ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il est en charge des relations internationales, mais exerce aussi la tutelle sur l’agence Wallonie-Bruxelles International (WBI), dont le champ d’activité dépasse naturellement les limites territoriales de la Communauté française.

Nombreuses subventions qui lui sont attribuées s’adressent à des institutions basées à l’étranger. Il s’agit régulièrement d’organisations non gouvernementales, comme Handicap International, Entraide et Fraternité, ou bien d’autres structures dont la Fédération Wallonie-Bruxelles est membre ou partie prenante, explique le cabinet de Pierre-Yves Jeholet. On retrouve donc dans les cadastres des subventions à l’Association internationale des maires, à TV5 Monde, à l’Association internationale des libraires, etc.

Ces subventions sont accordées par WBI, dont l’administratrice générale dispose d’une délégation de signature pour tous les montants inférieurs à 35 000 euros. L’agence chargée des relations internationales de la communauté jouit donc d’une certaine autonomie dans le déploiement des subventions, qui sont nombreuses à ne pas requérir de validation ministérielle.

«  D’autres types de financements peuvent se faire à l’étranger, notamment des projets qui s’inscrivent dans la coopération au développement des pays prioritaires ou dans le cadre des Commissions mixtes permanentes, qui réunissent la Fédération Wallonie-Bruxelles et un pays partenaire », indique le ministre-président. « Ces choix s’opèrent sur base des priorités politiques du gouvernement dont la feuille de route est la note de politique internationale. »

Le subside "étonnant": l'ONG proche du PTB

De nombreuses organisations non gouvernementales se retrouvent donc dans le paquet de subsides de Pierre-Yves Jeholet, par le truchement de Wallonie-Bruxelles International. On retrouve parmi elles l’ASBL Viva Salud, qui défend le droit à la santé pour tous.  Cette organisation, dont le siège se trouve à Saint-Josse, est réputée très proche du PTB, et le fait que le ministre-président est un élu MR n’y changera rien. Il est même, à vrai dire, l’un des très rares ministres à subsidier un organisme lié au parti de gauche.

(1)  Par opposition aux nominatives et aux obligatoires, une subvention facultative est, juridiquement, une dépense qui n’est pas réglée par une loi (ou, ici, un décret) mais par un arrêté. Mais ces subventions ne sont pas distribuées par des ministres sans foi ni loi : elles sont encadrées par de nombreuses dispositions légales, qui limitent fortement la liberté du signataire. Il s’agit cependant incontestablement de la catégorie de subventions qui laisse le plus de marge à un mandataire politique pour orienter rapidement, et selon ses préférences, une partie des flux d’argent public sur lesquels il peut exercer un certain contrôle.

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