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Quand Georges-Louis Bouchez fait la pub de compléments alimentaires, nouveaux sponsors des Francs Borains: l’éthique limite du président du MR

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Parti du banc de touche du stade Vedette, Georges-Louis Bouchez monte sur la pelouse de «ses» Francs Borains dans un costume étroit. Mises en ligne sur tous ses réseaux sociaux, les 84 secondes font l’éloge de la société QNT, pour Quality Nutrition Technologya. Spécialisée dans la production de compléments alimentaires, la société de Fabien Debecq rejoint le panel de sponsors des Francs Borains.

Le club présidé par l’homme fort du MR Georges-Louis Bouchez restant l’une des rares entités de deuxième division à ne pas être alimenté par des fonds étrangers, l’apport financier représenté par les principaux sponsors est capital pour assurer sa bonne santé économique. C’est probablement l’une des raisons pour lesquelles l’interdiction de la publicité pour les paris sportifs avait été combattue ardemment par le MR et son président, dont le club arbore le nom de la société Ladbrokes sur la poitrine.

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Cette fois, c’est donc pour QNT que Bouchez met les petits plats dans les grands. Il faut dire que le patron de la société est l’un des administrateurs du club-ami qu’est le Sporting de Charleroi. En 2012, Fabien Debecq a effectivement acquis en compagnie de Mehdi Bayat les parts des Zèbres, dont il est encore aujourd’hui membre du «board» dirigeant en compagnie de Bayat et de David Helmer, nouvel actionnaire américain depuis la fin de l’année dernière. La scène pourrait donc se résumer ainsi: le président des Francs Borains profite de sa notoriété comme président du MR (la scène étant diffusée sur ses réseaux et pas sur ceux du club) pour faire la publicité de la société du président du Sporting de Charleroi, laquelle devient sponsor des Francs Borains.

Le mélange des genres frappe à la porte. Les limites du règlement sont-elles franchies pour autant?

Un homme politique peut-il jouer les influenceurs?

La question trouve une réponse rapide, parce qu’elle s’est déjà posée dans les rangs du MR voici quelques mois. A l’époque, les libéraux placent Julie Taton en bonne place sur leurs listes électorales. La désormais députée pourrait-elle continuer son activité d’influenceuse sur les réseaux sociaux avec ce nouveau statut? Politologue à la KU Leuven, Gunther Vanden Eynde avait expliqué à La DH qu’un flou juridique entourait cette double casquette. Seules les dépenses électorales sont encadrées par la loi de 1989, limitant le sponsoring par des personnes juridiques à 2.000 euros par an par parti et à 500 euros par an par candidat.

Interrogée par Sudinfo au sujet de cette double fonction dans la foulée des élections, Julie Taton confirme qu’être influenceuse était «son métier jusqu’à il y a quelques mois. Un métier que j’aimais énormément et rien ne m’empêche de continuer à le faire». Tout en précisant qu’elle ne se sentait plus tellement à l’aise avec cette posture de femme-sandwich, pas interdite mais moins naturelle dans sa position. Un avis que ne partage visiblement pas son président de parti.

Un président de parti peut-il être rémunéré pour de la publicité?

Dans les commentaires qui suivent la vidéo de Georges-Louis Bouchez, nombreux sont ceux qui évoquent son éventuelle rémunération pour cette mise en avant de QNT. Là, le flou juridique n’existe plus: il est effectivement interdit pour les partis et les élus de recevoir des dons faits par des entreprises. Cela compromet-il le président du MR?

A priori, la réponse est non. Le bénéficiaire financier de l’investissement de QNT n’est pas Georges-Louis Bouchez, mais le club des Francs Borains. Dans la vidéo comme dans le texte qui l’encadre, QNT est d’ailleurs présentée comme «aujourd’hui partenaire des Francs Borains», dans le cadre d’un sponsoring dont ni les modalités, ni les montants ne sont dévoilés. Si la vidéo est partagée sur les réseaux de GLB, avec un coq wallon en emoji pour mettre en avant la réussite internationale d’une entreprise wallonne et ainsi incarner la réussite selon le MR, ce sont bel et bien les Francs Borains qui sont les bénéficiaires financiers de l’opération.

Le président d’un club peut-il sponsoriser un autre club?

Une démarche curieuse, dans la mesure où le président du Sporting de Charleroi décide de confier une partie de ses possibilités financières aux Francs Borains. Au sein d’un monde du football où le conflit d’intérêts est décomplexé, la surprise n’est pas démesurée pour autant. Comporte-t-elle pour autant un risque?

S’ils font tous les deux partie du monde professionnel, les clubs de Charleroi (D1) et des Francs Borains (D2) ne militent pas dans la même division. Cela permet donc d’écarter le risque d’un intérêt financier pouvant avoir une influence sur le résultat d’un match, par exemple. Il n’existe aucune trace claire de ce cas de figure dans les règlements de la RBFA (fédération belge de football).

A la Fédération, on explique cependant que le respect du règlement et donc l’attribution de la licence pourraient être menacés si le sponsor exerce une «influence notable» sur l’activité du club sponsorisé. Un terme évalué à 20% des revenus opérationnels du club sans la récupération du précompte professionnel. Une valeur trop élevée pour concerner le partenariat entre QNT et les Francs Borains.

Si la vidéo de Georges-Louis Bouchez pose plusieurs questions éthiques, de la promotion de compléments alimentaires aux effets contestés sur la santé à l’utilisation de sa notoriété politique pour augmenter les ressources d’un club de football en passant par la glorification d’un homme d’affaires cité dans les révélations des Panama Papers, elle ne semble donc pas franchir les limites règlementaires, aussi bien sur le plan politique que sportif. Tout juste confirme-t-elle les liens de plus en plus marqués entre Georges-Louis Bouchez et le Sporting de Charleroi, de sa proximité avec Mehdi Bayat au recours à des agents de joueurs similaires pour animer le marché des transferts.

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