Jules Gheude
Quand François De Smet veut réparer l’Etat…
Pour l’essayiste politique Jules Gheude, les propos de François De Smet résonnent creux et s’apparentent à des vieux pieux. « C’est comme s’il prêchait dans le désert, d’autant que sa capacité d’influence politique est extrêmement faible. »
Lors du congrès de rentrée politique de DéFi, François De Smet, le président, a plaidé en faveur d’une réparation de l’Etat : « Réparer la gouvernance afin de diminuer cette emprise immorale et injuste d’un présent égoïste sur les prochaines générations. (..) Il s’agit de rendre l’espoir aux jeunes générations, et aux jeunes qui veulent se lancer en politique, auxquels je ne parviens pas à me résoudre à abandonner une planète brûlée et des caisses vides pour affronter l’avenir. Il n’est pas tolérable que nous nous contentions de dire aux plus jeunes que, en raison de deux cents années de monde industriel, ils hériteront d’une planète avec deux degrés de plus, d’un climat déréglé, des matières premières qui vont se raréfier, et des dettes publiques impayables qui les amèneront à travailler jusqu’à 70 ans, voire davantage ».
DéFi n’a, en réalité, plus rien à voir avec le FDF des premiers temps, essentiellement préoccupé des intérêts des francophones de Bruxelles et de sa périphérie. Le parti a perdu son âme en essaimant en Wallonie.
Cette âme fut longtemps incarnée par Lucien Outers, qui avait bien compris les choses : la Belgique est un non-Etat et les raisons pour lesquelles elle a été créée de façon artificielle (la volonté de l’Angleterre de se prémunir contre la France) ne se justifient plus depuis belle lurette.
Dans « Le Divorce belge » (le titre révélait une parfaite lucidité), Lucien Outers écrivait « Ma colère, je la réserve à ceux qui, par aveuglement ou par intérêt, veulent nier l’originalité de nos deux peuples, leurs richesses propres et leurs vitalités profondes, dans un amalgame informe qu’ils appellent la patrie. »
Belle définition des « belgicains », dans laquelle s’inscrit finalement la vision de François De Smet.
L’homme ne me semblant pas animé par l’intérêt personnel (ce qui n’est manifestement pas le cas d’un Georges-Louis Bouchez…), la justification de sa démarche politique se trouverait donc dans l’aveuglement.
En fait, il ne voit pas, ou ne veut pas voir, que la Flandre s’est, au terme d’un long combat, forgée en une nation. C’est cette réalité qui, aujourd’hui, empêche le moteur fédéral de fonctionner et retentit comme une condamnation à mort pour le Royaume.
Dans sa fameuse « Lettre au Roi » de 1912, Jules Destrée avait bien décrit le Flamand : « Il ne recule jamais. Il a la douce obstination têtue du fanatisme ».
Le Mouvement populaire flamand a sapé les fondations unitaires de la Belgique et lézardé irrémédiablement ce que d’aucuns continuent d’appeler « la maison commune ».
Le Vlaams Belang et la N-VA, pas plus que le CD&V ou l’aile radicale (Bart Somers & Co) de l’Open VLD d’ailleurs, n’ont la moindre envie de dresser des échafaudages pour restaurer l’édifice. Ils attendent tranquillement que celui-ci s’effondre de lui-même.
Que François De Smet entende protéger les générations futures par des mesures visant à sauver l’environnement ou à diminuer drastiquement la dette publique, est louable en soi. Mais cela n’a de sens que dans un Etat dont la survie n’est pas menacée. Au sein de la Belgique, de tels propos résonnent creux et s’apparentent à des vieux pieux. C’est comme s’il prêchait dans le désert, d’autant que sa capacité d’influence politique est extrêmement faible.
Il faut rappeler à François De Smet que le démantèlement de la Belgique est un fait inéluctable et que son seul souci devrait être de préparer l’avenir « post-belge » des Bruxellois. DéFi, je le répète, n’avait pas vocation à « se walloniser ».
Le « DéFi » pour Bruxelles est grand. Il s’agit de faire en sorte que le jour où la Flandre proclamera unilatéralement son indépendance, elle ne le fasse pas en faisant tomber d’autorité Bruxelles dans son escarcelle.
François De Smet dit vouloir « redonner espoir aux jeunes qui veulent s’engager en politique ». Pour cela, il n’y a qu’un moyen : leur dire la vérité, celle que je viens de livrer.
Au professeur Robert Liénard de l’Université de Louvain qui venait de lui exposer la situation de la Wallonie, le président français Charles de Gaulle avait d’ailleurs répondu : « Tâchez de vous trouver des chefs jeunes qui diront la vérité au peuple et mobiliseront ce qui en reste. »
(1) Dernier livre paru : « La Wallonie, demain – La solution de survie à l’incurable mal belge », Editions Mols.
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